L'éducation nationale va mal : trois remèdes miracles

De plus en plus d’enseignants sont désabusés, las, inquiets. Nombreux sont ceux qui n’ont qu’une envie : quitter l’Education Nationale et changer complètement de métier.
Les incidents justifiant cet état d’âme ne se comptent plus.
Tel élève d’école primaire crache par terre en plein cours soi-disant parce qu’il n’a pas le droit d’avaler sa salive, Ramadan oblige.
Tel élève de collège défèque en plein cours parce qu’il trouve cela drôle.
Tel élève de lycée refuse d’enlever sa chapka même si le professeur fait intervenir le Conseiller Principal d’Education.
Tel élève de lycée ouvre une porte et balance un cocktail Molotov dans une salle de classe en plein cours, brûlant ainsi le sol et des sacs.
Tel élève fait exploser une grenade en plein cours pour mettre un peu d’ambiance.
Tel élève insulte son professeur.
Tel élève poignarde son professeur.
Tel parent écrit au rectorat ou bien au ministère parce que tel professeur a osé coller son enfant, qui ne travaille pas et répond insolemment.
De plus en plus nombreux sont les élèves de lycée ne sachant pas s’exprimer correctement en français, ne comprenant pas les textes au programme, possédant un vocabulaire indigent, ayant un bagage de culture générale pratiquement vide.

A la fin de la troisième les élèves trop faibles et trop indisciplinés qui acceptent de s’orienter vers la voie professionnelle pour préparer un CAP ou un BEP voient leur dossier de candidature refusé car les places sont chères et que l’on choisit les moins mauvais, les moins indisciplinés. D’une part c’est normal. Si on ne montre pas un minimum d’intérêt, de volonté, de sérieux et de maturité, comment peut-on apprendre sérieusement un métier ? De plus il y a tellement peu de lycées professionnels ! C’est normal ! A quoi bon délivrer des CAP et des BEP à des jeunes qui n’en feront rien ? Sauf s’ils acceptent d’aller vivre au Bangladesh, en Roumanie ou au Pakistan. Ils y trouveraient du travail dans les usines délocalisées. Bon, c’est vrai qu’ils gagneraient moins qu’en France et qu’ils n’y seraient pas protégés par le code du travail et les syndicats, mais passons…
Alors où vont tous ces collégiens perturbateurs et presque illettrés ? Ils vont en Seconde au lycée général et technologique. Après la seconde, nombreux sont les élèves faibles qui souhaitent aller en première générale. Si le conseil de classe s’y oppose, ils font appel et obtiennent souvent gain de cause. Ils finissent par obtenir le baccalauréat grâce aux barèmes de plus en plus indulgents et aux recommandations faites aux correcteurs et aux examinateurs pour qu’ils ne notent pas sévèrement. A l’épreuve d’expression orale en langues étrangères dans les séries technologiques, la grille de notation ne permet pas d’attribuer une note inférieure à quatre sur vingt, même si le candidat ne mérite en réalité même pas deux sur vingt.
Les classes sont chargées, le budget étant limité.
C’est ainsi que des professeurs d’allemand ont des classes constituées d’un mélange d’élèves de première et terminale des séries générales et technologiques. Allez faire cours en même temps à un élève de terminale littéraire, qui se prépare pour une épreuve écrite (compréhension d’un texte inconnu et expression), qui doit présenter une liste de textes pour l’éventuel examen de rattrapage, à un élève de terminale technologique, qui doit se préparer pour une épreuve orale portant sur des documents iconographiques inconnus et éventuellement sur le commentaire d’un proverbe ou d’un aphorisme (rassurez-vous, ils ont le choix entre une image et un aphorisme… ils ne choisissent pas l’aphorisme… trop dur !), à un élève de première, etc. Chapeau les professeurs d’allemand ! Comment faites-vous ?
Ce problème ne se pose pas dans les autres disciplines, mais celles –ci rencontrent d’autres difficultés, notamment la lourdeur des effectifs, qui devient de plus en plus problématique vu le profil des élèves de nos jours. Quand les professeurs de lycée s’expriment à ce sujet, on leur répond que les élèves sont là et qu’il faut faire avec.
Alors pour faire croire aux enseignants, aux parents, à l’opinion publique que tout peut s’arranger, on prend des mesurettes inefficaces. On désigne des lycées comme lycées expérimentaux. On promet d’y envoyer des assistants pédagogiques, qui vont faire de l’aide individualisée pendant les petites vacances, la fin du mois d’août et l’année scolaire pour aider les élèves à progresser. On incite aussi les enseignants à faire du soutien pendant les vacances (petites et grandes), comme s’ils n’avaient pas besoin de se reposer et de se distraire ! Ces mesurettes sont inefficaces. Souvent les assistants pédagogiques promis ne sont jamais nommés. Quand ils sont envoyés, ils se révèlent la plupart du temps incompétents. Par conséquent les élèves refusent d’aller les voir au bout de deux ou trois séances. De plus ils renvoient l’image de l’échec. Ils ont souvent au moins trente ans et n’ont que des emplois précaires. On incite aussi les enseignants et les administrations à faire des projets pour essayer de trouver des solutions, sachant qu’en général en déshabille Pierre pour habiller Paul et que les vrais problèmes restent sans réponse.
Mais attention ! Il y a aussi des remèdes miracles pour résoudre les problèmes et redonner de l’espoir aux enseignants !
Premier remède préconisé : les professeurs doivent arrêter de corriger les élèves trop souvent. Cela humilie et frustre l’apprenant ! Ils doivent arrêter d’attribuer des notes. A la place des notes ils doivent mettre des bonhommes qui sourient ou qui ne sourient pas, mais il vaut mieux éviter ces derniers, car cela engendrerait le découragement chez l’apprenant et par voie de conséquence l’agressivité. Ils doivent renoncer au bulletin scolaire ! Ils doivent adopter le livret de compétences comme dans les entreprises ! Ils doivent aussi cesser d’avoir des ambitions pour leurs élèves. En classe de seconde ils doivent simplement leur apprendre à lire et à écrire. Ils doivent arrêter de penser que le lycée est le lieu où l’on transmet le savoir et la culture, où l’on fait de l’élève le futur citoyen de la république. Non, un lycée n’est plus un lieu d’épanouissement intellectuel !
Deuxième remède préconisé : les détecteurs d’armes, comme aux Etats-Unis. A quand les détecteurs de coups de poing, de bousculades, de crachats, d’insultes, de menaces ?
Troisième remède : Cannes ! Chers professeurs, filmez vos élèves, emmenez-les à Cannes et ils arrêteront de déféquer dans les salles de classe, ils auront envie de se cultiver, et feront de votre métier le plus beau métier du monde !
Stanislas Muller

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