L'équipe de France de handball championne du monde : un bol d'air dans le sport français

Je viens de voir l’équipe de France de handball remporter le championnat du monde, en Croatie, face à l’équipe locale, à l’issue d’une finale très prenante, où cette équipe a dégagé une force tranquille impressionnante. Rappelons que ces joueurs avaient remporté le titre olympique, l’an passé. Pourtant, ce soir, au journal de 20 heures, cet événement, extraordinaire pour le sport français, ne passera qu’à 20 heures 15.
Je déteste une chose, dans le football, c’est l’intimidation permanente des arbitres par les joueurs, qui passent leur temps à leur parler, à simuler des blessures, à réclamer des fautes, pour influencer le directeur de jeu. Au handball, interdiction de parler à l’arbitre, on respecte ses décisions, quelles qu’elles soient. Un croate trop vindicatif en a fait l’expérience : dehors !
La semaine dernière, j’ai écrit un papier très critique sur ce que devenait l’équipe de France de football. J’expliquais que les prières de Ribery n’avaient pas leur place sur un stade de football. Je montrais également l’absence d’esprit d’équipe de cette formation, minée par des conflits de génération, mais aussi par un communautarisme de plus en plus évident. L’image de ces nouvelles stars du football français, milliardaires à 20 ans, lunettes noires en toutes circonstances, avec le MP3 sur la tête, individualistes forcenés, m’exaspère, et ne me donne pas envie de les regarder jouer.

Avec l’équipe de France de handball, c’est tout le contraire. Il se dégage de cette équipe un esprit d’équipe, une amitié entre les joueurs, une solidarité exceptionnelle, qui ressemble à celle de l’équipe de France championne du monde de football en 1998. S’y côtoient des joueurs de toute origine, de Nikola Karabatic, dont le père était croate, à quelques Antillais comme Didier Dinard, Réunionnais comme Daniel Narcisse, en passant par le fabuleux gardien de but Thierry Omeyer, le capitaine Jérôme Fernandez ou des joueurs comme Michael Guigou, impressionnant de sang-froid lors des tirs de penalties, ou Gille.
Pourtant, avec leur palmarès exceptionnel, ces joueurs sont bien loin des salaires des professionnels du football. En nationale 1 de handball, un joueur français moyen gagne 5200 euros par mois. Un professionnel de football gagne, en moyenne, en première division française, 60.000 euros par mois.
Nikola Karabatic, considéré comme le meilleur joueur du monde, gagne par an 300.000 euros, et est le handballeur français le mieux payé. Thierry Henry, footballeur français le mieux payé, touche 5 millions d’euros par an, Zidane en gagnait 15 !
Voir ces joueurs de différentes origines chanter à tue-tête La Marseillaise, au milieu du gymnase de Zagreb, était également un grand moment d’émotion, qui, là encore tranchait avec le dédain affiché parfois par les milliardaires du football devant leur hymne national. Les handballeurs avaient une attitude très républicaine, fiers d’avoir défendus les couleurs de leur pays, et reprenaient à pleins poumons leur hymne national. On aurait aimé que les milliardaires Français champions du monde de football, au stade de France, en 1998, agissent de même.
En outre, quand on les entend s’exprimer, les joueurs de cette équipe de France de handball respirent un naturel dans leur élocution qui, là aussi, tranche favorablement avec le langage stéréotypé des internationaux, qui « ont respecté les consignes du coach », « ont bien travaillé toute la semaine à l’entraînement », et « étaient bien en place, très concentrés ». Quand on entend les handballeurs, on voit des hommes heureux, épanouis dans leur vie personnelle, fiers de porter le maillot de l’équipe de France, et prêts à donner toutes les forces pour leurs copains sur le terrain.
Enfin, leur entraîneur, Claude Onesta, à l’accent méridional croustillant, est un homme simple, souriant, calme, mais on sent qu’il n’a pas besoin de hurler pour se faire respecter par ses joueurs, et il dégage, lui aussi, une confiance en lui et une force tranquille impressionnantes.
J’ignore si beaucoup de Français iront accueillir ces grands champions, quand ils reviendront en France. Mais j’espère que nos footballeurs, gavés de contrats publicitaires, de droits à l’image et de salaires mirobolants, sauront prendre de la graine du spectacle offert par nos handballeurs, qu’ils arrêteront, pour certains, de faire leur prière sur le terrain, que d’autres retireront leur ray-bans de sur leurs yeux et leurs MP3 de leurs oreilles, quand ils descendent de l’autobus, et qu’ils chanteront La Marseillaise avec le même entrain que les joueurs de Claude Onesta.
Et comme disait le regretté Roger Couderc, parlant aux joueurs de rugby : « Bravo, les petits ! »
Pierre Cassen

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