La déchéance de nationalité ne règlera pas le terrorisme islamique

Hollande-Arabie-saoudite-1La classe politique est très agitée actuellement par la question de la déchéance de nationalité et son inscription dans la Constitution. Cela me parait être une tempête dans un verre d’eau.

Au début, nous avons eu droit au débat distinguant les binationaux, cas de nombreux immigrés et leurs descendants, et les mono-nationaux, cas de presque tous les Français de souche, car on disait alors que  « On ne peut pas créer des apatrides », ce qu’on ferait si on enlevait la nationalité française à des gens qui n‘ont qu‘elle. Finalement, la conclusion est que c’est possible juridiquement car, si la France a signé la Convention de New York, de 1961, qui interdit de créer de nouveaux apatrides, de même que la Convention Européenne sur la Nationalité, de 1997, qui stipule la même chose, elle ne les a pas ratifiées, donc elle n’est pas tenue de s’y conformer. Mais les belles âmes soutiennent alors que, moralement, ce n’est pas bien, même s’il existe un statut taillé sur mesure pour une dizaine de millions d’apatrides dans le monde. Donc, selon les derniers échos de Matignon, on ne le fera pas. Pourtant, les mono-nationaux français convertis à l’islam, radicalisés et formés militairement chez Daesh, ne sont pas moins dangereux que les binationaux de même confession et même parcours. Alors, disent certains, on pourrait peut-être se contenter de les déchoir de certains droits civiques, mais pas de la nationalité. Ce serait terriblement dissuasif en effet !

Ensuite, car on se limite toujours aux gens qui ont été condamnés par la Justice, vient la question de la gravité des actes commis. Pour la gauche, il faut que ce soit extrêmement grave : des crimes terroristes, donc des meurtres en fait, et de préférence en grand nombre pour que nos vaillants juges, et même certaines personnalités dites de droite, ne les réduisent pas à « l‘acte isolé d‘un déséquilibré ». Pour le président de l’UMP, on pourrait peut-être étendre le champ d’application aux délits terroristes. Trop grand bond en avant pour être sérieusement envisagé. L’agitation sarkozienne restera de la simple agitation.

Et enfin, vient la question de la constitutionnalisation de la chose, ce qui ferait probablement qu’on perdrait de vue ce qui n’est que dans la Loi, et qui peut concerner beaucoup de gens dangereux, pour n’appliquer en fait que ce qui serait dans la Constitution et ne concernerait que très peu de cas.

Je crois qu’on perd surtout de vue le fait qu’il s’agit de la vie ou de la mort de centaines, voire de milliers, de gens qui n’auront eu que le tort d’être au mauvais endroit au mauvais moment. En face de cela, les discussions byzantines des juristes et des moralistes ressemblent aux disputes sur le sexe des anges.

N’étant pas un juriste éminent, je vais essayer de m’en tenir à ce que peut en penser l’homme de la rue, muni de son simple bon sens.

Cet homme de la rue doit se dire que la déchéance de nationalité a surtout l’intérêt de permettre ensuite l’expulsion du territoire français. Et que cette expulsion n’a elle-même d’intérêt que si elle est préventive, donc si elle intervient avant le passage à l’acte. Déchoir après coup quelqu‘un qui aura commis un massacre et aura été arrêté, jugé et condamné pour cela, n’a en effet guère d’intérêt, outre le fait qu’un terroriste décidé à se faire tuer ou à se suicider se contrefiche de cette sanction, remarque qui est l’une des rares choses pertinentes que j’ai entendues dans ce débat.

Or la législation actuelle permet déjà de répondre à cela. En effet, l’article 23-7 du Code Civil permet de déchoir « le Français qui se comporte en fait comme le national d’un pays étranger ». Cette disposition provient d’un décret-loi de 1938 ( Daladier ), repris par une ordonnance de 1945 ( De Gaulle ). A ce titre, tous les gens qui disent publiquement, par exemple, que leur pays de cœur est l’Algérie, ce qui est le cas de Zidane, de Benzéma et de nombreux autres sportifs issus de l’immigration, pourraient être déchus de la nationalité française. Mais, comme il y faut l’avis conforme, c’est-à-dire l’accord, de la plus haute juridiction administrative, le Conseil d’Etat, çà ne risque guère d’arriver. Sans aller jusqu’à déchoir Zidane, on pourrait tout de même déchoir et expulser les gens qui présentent des indices sérieux de dangerosité, tels qu’ils apparaissent aux services de renseignement. Et si on veut être efficace, il faut supprimer l’avis du Conseil d’Etat ou le rendre simplement consultatif, donc procéder par une décision ministérielle, dont l’intéressé pourra toujours faire appel. Appel non suspensif bien sur ! Une simple loi y suffit. Point n’est besoin de modifier la Constitution pour cela. Mais on imagine les cris du Boboland, des grandes consciences et de la plupart des journalistes devant un tel sacrilège : le passage de la présomption d’innocence à la présomption de dangerosité, assortie d’une sanction sans contrôle préalable d’un juge. Ce ne serait pourtant que l’application d’un principe très cher aux écologistes, le principe de précaution !

Je crois qu’on peut rassurer les âmes sensibles : çà n’aura surement pas lieu. La liste des massacres s’allongera donc bien au-delà du Bataclan, et ce n’est pas Monsieur Cazeneuve, si prompt à compatir aux malheurs des migrants et qui a déclaré publiquement que « Ce n’est pas un délit de prôner le djihad » ( même si c’était pour le regretter, il aurait mieux fait de se taire ), qui nous en protégera. Et le compteur électoral de ceux que l’on appelle dédaigneusement les populistes continuera à monter.

Mais on peut aussi s’interroger sur l’origine de ce terrorisme. Indépendamment de l’esprit de conquête et de la violence qui sont inhérents à l’islam et ne font que suivre les commandements du Coran, ce terrorisme s’est exacerbé en raison des interventions militaires des Occidentaux au Moyen-Orient au cours des dernières décennies. Ces interventions ont provoqué des dégâts collatéraux et des pertes humaines considérables parmi les non-combattants, ce qui a engendré une terrible soif de vengeance.

C’est une évidence. On a reproché à mon intellectuel de gauche préféré, Michel Onfray, de l’avoir déclaré publiquement. En l’accusant de faire ainsi le jeu de Daesh. Bien sur, Daesh a récupéré médiatiquement cette déclaration. Mais Michel Onfray n’a été récupéré qu’à son corps défendant, car ce grand philosophe de bon sens (selon une belle tradition normande et paysanne, qui rappelle Emile Chartier, dit Alain, Marcel Gauchet et quelques autres ) est impeccable dans sa critique de la violence prônée par l’islam et le Coran. Comme l’était Renan, autre islamophobe résolu, que Juppé a scandaleusement détourné dans le « grand débat national » sur l’Identité Nationale, voici quelques années.

Nous n’aurions pas du intervenir pour « déboulonner » Sadam Hussein en Irak, ce qui est à l’origine de Daesh, par une réaction de défense des Sunnites irakiens devant la tyrannie majoritaire des Chiites. Nous n’aurions pas non plus du accabler Bachar El Assad et soutenir ses opposants. Ce sont les Russes qui ont vu juste en Syrie. En somme, mieux vaut les dictateurs laïcs, sauf ce fou furieux de Khadafi, que les Frères Musulmans et les fondamentalistes islamiques. Et peut-être vaut il mieux désormais l’Iran que les potentats sunnites du Golfe, qui soutiennent le salafisme en Europe. Nous avons longtemps ostracisé l’Iran, et à juste titre, quand il était dirigé par des ayatollahs fous et leur marionnette, qui ne cessaient d’appeler à détruire Israël. Mais j’ai tendance à croire que ce pays a vraiment changé et que ce changement est garanti par une classe moyenne éduquée, qui en a assez de l’obscurantisme musulman et veut rejoindre un mode de vie occidentalisé, classe moyenne qui n’existe pas dans les monarchies pétrolières sunnites. Je reste méfiant, mais pourquoi ne pas accepter de meilleur gré l’aide des Iraniens au sol contre Daesh, qui, en Irak, a hérité des compétences militaires des cadres sunnites de l’armée de Saddam, tout en veillant à ce que l‘Iran respecte son engagement de s’abstenir de nucléaire militaire et n’exagère pas dans le soutien à la domination démographique, donc démocratique, des Chiites irakiens sur leurs concitoyens sunnites. Parallèlement, je crois qu’il faut soutenir Assad en Syrie. Ainsi, devrions nous parvenir assez vite, et en évitant l’envoi de troupes occidentales au sol, à détruire l’Etat Islamique.

Il n’en restera pas moins que la menace terroriste que fait peser la présence de dizaines de millions de Musulmans en Europe, ce que d’aucuns appellent une « Cinquième Colonne », demeurera. Et au sein de cette Cinquième Colonne, grossie chaque année de sa nombreuse progéniture et de millions de migrants dont nous ne voulons pas, ce qui est notre droit, mais que nous n’osons pas refouler, les délinquants et les terroristes, avérés ou potentiels, sont nombreux et dangereusement équipés en armes de guerre !

Eric Burnouf