« La France du temps présent », livre d'Histoire ou manipulation idéologique ?

Une nouvelle « Histoire de France » vient d’être publiée, en 13 volumes (deux sont encore à paraître), sous la direction de Joël Cornette, aux éditions Belin. Le lycée où j’enseigne vient d’en faire l’acquisition; c’est une somme ! Environ 450 euros.
Le dernier volume consacré à la période 1945-2005 est écrit par Michelle Zancarini-Fournel et Christian Delacroix, deux historiens-chercheurs, la première étant une « spécialiste » de Mai 68 et de la place des femmes dans la société française.
http://editions-belin.com/ewb_pages/f/fiche-article-la-france-du-temps-present-1945-2005-14197.php
Très vite, par la table des matières et les choix iconographiques, on devine le parti-pris idéologique de cette histoire de « la France du temps présent ». Il s’agit de montrer les violences de l’État contre la société, particulièrement contre les immigrés et contre les jeunes. La répression policière de la manifestation du FLN du 17 octobre 1961 est qualifiée de « massacre d’État »; et je cite: « Le cycle de violences anti-algériennes de septembre-octobre 1961 est une conséquence de la « terreur d’État » organisée par Maurice Papon… Elles sont « autorisées » par une culture professionnelle de la violence policière nourrie d’une « longue accoutumance aux brutalités racistes » et encouragée par l’autorité légitime et les plus hautes instances du pouvoir. » (p. 304).
Mai 68 montre à nouveau la violence étatique à l’ouvrage. Mais cette fois, s’agissant de jeunes Français, les forces de police retiennent davantage leurs coups; « le moment 68 » ne se limite pas aux affrontements et aux négociations entre des groupes limités; M. Zancarini-Fournel consacre un chapitre entier à l’émancipation sociale et culturelle des années suivantes, où les femmes jouent un rôle actif. Le bilan de l’esprit 68 est donc globalement positif, mais toutes les promesses n’ont pas été tenues. En termes de sexualité, par exemple, l’historienne constate que « si le nombre des rapports n’a guère évolué, leur durée en revanche a augmenté (par allongement des préliminaires amoureux), et que si une courte majorité de femmes se disent satisfaites de leur vie sexuelle, c’est sans doute qu’elles y ont une participation plus active ». (p. 474)- Aucune illustration n’accompagne le propos. Hélas.
Les dernières pages de l’ouvrage sont consacrées à la massification scolaire des années 80-90 et à la crise des banlieues. L’historienne se comporte ici en sociologue compréhensive, à l’encontre des clichés télévisuels facteurs de jugements hâtifs: « Il n’y a pas eu de trace dans les troubles urbains de l’intervention d’intégristes musulmans… Ces rébellions de 2005 dans les banlieues françaises exprimaient une réaction contre l’exclusion et une revendication des valeurs d’égalité et de participation à la citoyenneté. La violence contre les institutions, la destruction des équipements sociaux et des écoles, insupportable aux yeux de beaucoup, peut être aussi analysée comme une violence génératrice de nouveaux comportements, comme le prouve la vague d’inscription des jeunes de banlieue sur les listes électorales pour l’élection présidentielle de 2007. » (pp. 507-508) –
La conclusion de l’ouvrage s’intitule « La France qui bouge » et montre des photos d’autoroutes. Les historiens y voient une autre façon d’écrire l’histoire, « histoire croisée, histoire connectée, histoire globalisée » – Et ce livre a tenté selon eux d’ouvrir les fenêtres sur d’autres espaces que l’espace hexagonal.
Jean Dufeu

image_pdfimage_print