La guerre est une chose sérieuse qu’il serait mieux d’éviter

« La guerre ! C’est une chose trop grave pour la confier à des militaires »

(Georges Clémenceau, en 1887).

 

Depuis plusieurs mois, je n’ai rien écrit sur la guerre en Ukraine. Je n’ai pas de compétences particulières pour en parler, mais depuis le début du conflit, je m’inquiète du risque d’une guerre totale, avec l’utilisation possible de l’arme atomique. Dès le début de cette affaire, je prêchais  pour la neutralité, arguant que l’Ukraine est un état mafieux qui n’est membre ni de l’Union Européenne, ni de l’OTAN.  En conséquence, ce conflit ne devrait pas nous concerner !

A l’occasion de ses vœux aux Armées, Emmanuel Macron (qui n’a même pas fait son Service Militaire) expliquait aux généraux qu’il leur faudrait, demain, « faire la guerre autrement » et se préparer à « un conflit de haute intensité ». C’est la tarte-à-la-crème lénifiante du moment : finies les guéguerres « du fort au faible » nous allons vers une vraie guerre. Mais de qui se moque-t-on ?

En 1996-97, Jacques Chirac, sur les conseils de son ministre des Armées, Charles Million (lui-même exempté de Service Militaire) décide l’abandon de la conscription qui « emmerde les jeunes ».

Et, dans la foulée, des généraux nous expliquent que le péril à l’Est n’existe plus, que nous n’avons plus besoin d’appelés du contingent car les guerres de demain seront des conflits « du fort au faible » et que la technique moderne remplacera l’homme.

Tous ces hauts gradés – à quelques exceptions près – acceptaient, souvent par carriérisme,  que les sommes allouées à la défense servent de variable d’ajustement budgétaire au gouvernement.

Nous avons, à l’heure actuelle, une armée remarquable. Certaines de nos unités d’élites sont copiées dans le monde entier, mais nos forces sont réduites à une peau de chagrin.

« En cas d’engagement majeur… peut-on lire dans un hebdomadaire crédible(1), une brigade de l’Armée française tiendrait environ 20 km, et chaque brigade est constituée de 6 000 hommes et 150 véhicules, ce qui renvoie donc aux seuls 80 kilomètres de front que l’Armée de terre pourrait tenir efficacement. Quant aux Armées de l’air et la marine, elles seraient focalisées sur les missions dans leur milieu et ne pourraient pas pallier les manques. Le nombre d’hommes est insuffisant dans cette armée française « échantillonnaire », qui a toujours privilégié posséder tous les moyens mais en petite quantité… ». Ce même article nous apprend que nous manquons cruellement de missiles, de munitions et de drones. En clair, nous ne sommes absolument pas prêts pour un conflit dit « de haute intensité ». Qu’il est facile de rouler des mécaniques, d’assurer Zelenski  de notre soutien, mais avons-nous les moyens de jouer les durs ? Assurément non !

De Biden, Ursula Von der Leyen, Olaf Scholz ou Macron, il importe peu de savoir quel est celui ou celle qui soufflera  le plus fort sur les braises, au risque d’attiser un brasier qui ne demande qu’à se transformer en gigantesque incendie. Mais je suis effrayé et abasourdi quand j’entends, dans les salons, les dîners mondains, ou à la télé, le nombre de va-t-en-guerre qui appellent à la croisade du camp du bien contre la Russie. Ces gens  sont des irresponsables ou des malades mentaux !

Pour les États-Unis et l’UE, Poutine est le seul responsable et le seul coupable. Ils occultent les 30 années d’humiliation et de mépris à l’égard de la Russie, écartée de l’Europe. Ces gens-là ne semblent pas savoir que c’est l’humiliation du Traité de Versailles qui est (en partie) responsable de la naissance du nazisme. Ils oublient les promesses faites à Gorbatchev de ne pas élargir l’OTAN à l’Est ; la violation de la souveraineté de la Serbie bombardée par l’OTAN ; le dépeçage de ce pays en l’amputant du Kosovo ; le refus de Kiev de respecter les Accords de Minsk ;  les bombardements et les crimes de la sulfureuse « Brigade Azov »…etc

Le coup d’Etat du 22 février 2014, dit « de l’Euro-Maïdan », préparé, organisé et financé par les États-Unis (à hauteur de 5 milliards de dollars) ne visait pas à rendre l’Ukraine plus démocratique mais à la rendre plus… occidentale, c’est-à-dire antirusse.

Le vibrionnant Zelenski fait une surenchère permanente : il veut des missiles, des chars puis maintenant  des chars lourds  et…des chasseurs-bombardiers. Et, à la remorque des États-Unis, les pays européens s’engagent à lui en livrer massivement; les avions viendront ensuite, je suppose.

Ce matériel de guerre nous coûte une fortune, et le citoyen-lambda des pays donateurs n’est jamais consulté pour savoir ce qu’il en pense. Chez nous, on lui explique qu’il n’y a plus d’argent pour payer les retraites mais on dépense des milliards pour aider l’Ukraine(2). De plus, si le conflit venait à s’étendre en Europe, ce matériel donné à l’Ukraine nous manquerait cruellement.

Et il ne se passe pas une semaine sans qu’on nous annonce de nouvelles sanctions destinées à punir Poutine alors même qu’elles pénalisent d’abord et surtout l’Europe (et la France). Mais ces sanctions font les choux gras des USA (et de la Chine). Il y a presque un an, j’écrivais: « La Russie est autosuffisante dans de nombreux domaines, il y a donc fort à parier qu’elle souffrira moins que les pays tributaires –  voire totalement dépendants – de son pétrole, de son gaz, de ses métaux rares ou de son blé… ». Nous commencions à manquer de tout après quelques mois de guerre.

Puis, après les premiers reculs russes, les tenants du « camp du bien » se sont mis à jubiler.

Grâce à l’aide des Alliées, les troupes de Zelenski enfonçaient les Russes et regagnaient des territoires perdus ; et des spécialistes, autoproclamés pour la plupart, nous annonçaient à cor et à cri que l’Ukraine allait forcément  gagner la guerre et que les Russes étaient cuits, battus, humiliés.

Sur les chaînes en continu, les généraux Trinquand, Desportes, le colonel Goya, et quelques autres, qui nous affirmaient jadis que Poutine récréait une armée impressionnante, plus forte que l’Armée Rouge d’antan, nous expliquent maintenant que les troupes russes ne valent rien, qu’elles ne sont absolument pas motivées, qu’elles refusent de se battre et que leur matériel est obsolète.

Ces chroniqueurs sont, pour la plupart, des soldats  qui n’ont jamais fait de vraies guerres, sinon autour d’un bac-à-sable (3). Depuis la Guerre du Golfe, ils passent leur temps à se tromper, un peu comme les économistes qui savent si bien nous dire le lendemain ce qui aurait pu (ou dû) se passer la veille. Je ne connais rien à ces questions mais j’en ai marre des donneurs de leçons, des va-t-en-guerre, qui traitent de pacifistes ceux  qui leur rappellent que la Première Guerre Mondiale – la « Der des Der » – a fait 18 millions de morts (dont 1,4 million de Français), la Seconde…50 millions.

Compte tenu de l’arsenal nucléaire impressionnant détenu par les futurs belligérants, on peut craindre que la Troisième en fasse 200 ou 300 millions, voire plus.

Passionné d’histoire, j’ai beaucoup lu sur la Grande Guerre. Les monuments aux morts de toutes les villes et villages de France sont là pour nous rappeler qu’elle fut tristement « égalitaire ». La République a envoyé 8 millions d’hommes au casse-pipe et en a fait tuer 1,4 million (plus 4,3 millions de blessés). Quelle est la famille française qui n’a pas eu son ou ses mort(s) durant la grande boucherie que fut la Première Guerre Mondiale ?

Il faut lire (ou relire) « Le gâchis des généraux » de Pierre Miquel(4) qui raconte comment Joffre limogeait ses subordonnés  à tour de bras pour ne pas assumer ses propres erreurs ; comment  des généraux incompétents – Nivelle et tant d’autres – lançaient leurs poilus dans des offensives aussi sanglantes qu’inutiles. Le général Pétain étaient l’un des rares à se soucier de la vie de ses hommes, les autres préféraient nier la supériorité de l’artillerie lourde allemande et ne croyaient qu’à l’offensive du fantassin à la baïonnette, comme durant les guerres napoléoniennes.

Après la défaite de Sedan, en 1870, la France était frappée d’un esprit revanchard, mais encore eût-il fallu se préparer sérieusement à la revanche. Or en  1911, alors que Krupp fondait des canons à longue portée qui allaient tragiquement inaugurer  la  guerre moderne, le général Faurie – qui mérite de passer à la postérité – écrivait ceci: « Il faut que le fantassin arrive à avoir, dans son adresse à manier la baïonnette, une confiance telle qu’il préfère l’emploi de celle-ci à un tir rapide qui lui fait perdre du temps » ; ça ne s’invente pas ! Et un certain capitaine Ledant – encore un génie méconnu – dans un livre intitulé « A la baïonnette, chargez ! », renchérissait en 1912 en écrivant :

« La baïonnette est une arme terrible, qui opère vite, c’est l’outil du bon travail, une blessure causée par elle est toujours grave. On peut rêver de posséder des armes qui tuent à plusieurs kilomètres, mais avec la baïonnette, tous les coups portent… ». On croît rêver !

Parlons aussi du « pantalon garance » dont on dota nos poilus au début de la guerre.

Ainsi vêtu le fantassin offrait une cible magnifique au Boche, mais ce pantalon était un signe distinctif auquel tenaient les généraux. Il avait conquis ses titres de gloire en Algérie avec les troupes du Duc d’Aumale, et le supprimer eût été infamant.

Et puis, comme disait Cyrano de Bergerac,  « on n’abdique pas l’honneur d’être une cible » et des cibles, les mitrailleuses allemandes allaient en avoir quelques centaines de milliers.

Pourquoi parler de la Première Guerre Mondiale dans un article qui évoque la probabilité (ou la crainte) de la Troisième ? Disons que je suis enclin à penser, comme Clémenceau, que  « la guerre est une affaire trop grave pour la confier à des militaires ». Les erreurs de 14-18 auraient dû nous servir de leçons or en juin 1940 nous avons subi la plus mémorable raclée de notre histoire. Depuis, la France a perdu toutes ses guerres (celles gagnées militairement ont été perdues politiquement.)

En France, comme dans la plupart des pays européens, nous avons volontairement coupé tous les canaux d’information en provenance de la Russie, il est donc difficile de se faire une opinion.

Quelle sera l’issue de cette guerre ? Quand finira-t-elle ? Qui va la gagner ? Personnellement je n’en ai pas la moindre idée. Je craignais l’enlisement, nous y sommes ; je crains l’embrasement, nous y allons tout droit.  On nous dit que le soldat russe actuel n’a pas envie de se battre. Alors, pourquoi  l’excellente armée qui s’est battue en Syrie serait-elle devenue, depuis, une armée inapte au combat ? En 1939, au début de la « drôle de guerre » le généralissime Gamelin fanfaronnait en disant « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts ». On connaît la suite !

Ce que nous sommes en train de vivre, pour l’instant, c’est une guerre par procuration entre Washington et le Kremlin ; une guerre des mondes, pour ou contre l’hégémonie libérale ; une guerre des Etats civilisationnels contre l’universalisme hors-sol ; une guerre des peuples attachés à leurs racines, contre les mondialistes; des forces d’enracinement contre les forces de dissuasion. Si elle s’envenime, nous, Européens, servirons de chair-à-canon aux Américains.

Peut-être suis-je en train d’envisager un scénario-catastrophe ? J’espère me tromper mais ne soyons pas trop naïfs car, malgré les rodomontades d’Emmanuel Macron (et de Bruno Le Maire), dans l’immédiat, c’est au plan économique que nous souffrons, et ce n’est qu’un début.

L’Ukraine, je le répète, n’est pas dans l’Union Européenne pas plus qu’elle n’est membre de l’OTAN. Nous ne lui devons pas aide et/ou assistance. Qu’elle règle seule son différend  avec son voisin russe, et que le meilleur gagne, à la grâce de Dieu ! Et qu’on ne vienne pas m’invoquer le « droit d’ingérence humanitaire », ce concept fumeux  inventé par Bernard Kouchner. Que ne l’a-t-on invoqué quand l’OTAN a bombardé les civils de Belgrade pendant 70 jours ? Ou quand la sulfureuse « Brigade Azov » pilonnait les populations pro-russes de Donetsk et Lougansk ?

Alors, pourquoi  avons-nous mêlé nos voix, nos menaces, nos gesticulations, nos sanctions, à celles de Biden et d’Ursula Von der Leyen ? Poser la question, c’est déjà y répondre.

Les Américains ont contribué à nous chasser de notre Empire. Avec leur Guerre du Golfe, ils nous ont brouillés avec le monde musulman, et ils sont encore en train d’affaiblir l’Europe.

En injectant des milliards de dollars dans l’aide militaire à l’Ukraine, ils ne font qu’attiser le feu qui couve. Et l’Europe, une fois de plus, s’est mise à la remorque des USA qui nous vendront leur gaz et leur pétrole de schiste au prix fort. On a l’impression que ce monde marche sur la tête !

Mais peut-être que les tenants du Nouvel Ordre Mondial comptent là-dessus pour régler de façon drastique le problème de la surpopulation mondiale ? A moins que ce ne soit qu’un moyen de relancer leurs économies malades ou pour camoufler un énorme crash financier à venir ?

On a coutume de dire que « l’histoire ne repasse pas les plats » mais nous savons pourtant comment l’Occident est sorti de la grande crise de 1929. Les Accords de Bretton Woods, le Plan Marshall, tout ceci semble oublié par des peuples décadents, avachis, embourgeoisés, ramollis, qui cultivent le confort, l’individualisme et le narcissisme égocentrique.

Biden, Macron, Ursula Von der Leyen, etc…ont choisi leur camp. Il serait bon que le peuple de France, qui commence à manquer de tout, se réveille et dise clairement à ses dirigeants que son camp, ce n’est pas celui de la Russie ou de l’Ukraine, c’est celui de la France (et de sa survie).

Eric de Verdelhan

1)- « Valeurs actuelles » du 5 octobre 2022.

2)- L’UE va aider financièrement l’Ukraine, en 2023, à hauteur de 18 milliards d’euros.

3)- On me rétorquera sans doute que moi non plus, c’est vrai. C’est pour cela que je me garde bien d’avoir un avis tranché sur des questions qui me dépassent.

4)- « Le gâchis des généraux » de Pierre Miquel ; Plon ; 2001.