La loi de 1905 est en danger, à cause d'un verdict versaillais

Il y eut, ce vendredi 8 août, une simple dépêche de l’AFP …puis, plus rien.
Peut-être quelques quotidiens y firent-ils allusion en page 25, en bas, à gauche…
En tous cas, aucune association de défense de la laïcité – notamment celles qui publièrent un communiqué le 3 juillet pour rappeler à chacun qu’elles veillaient sur le respect des principes laïques de la République et qu’elles s’engageaient à sensibiliser l’opinion devant toute attente à ces mêmes principes – ne semble avoir réagi …leurs sites informatiques restant muets sur le sujet ( à moins de quelque négligence de l’observateur !)
C’était la veille du jour de l’ouverture des Jeux Olympiques…et le président géorgien allait lancer ses troupes en Ossétie du Sud… C’étaient aussi les « vacances » : ceci explique-t-il cela ?

Toujours est-il que ce jour-là, l’AFP fit part à chacun que la cour Administrative d’Appel de Versailles venait de donner raison à la mairie de Montreuil qui souhaitait , par délibération en date du 25 / 09 / 2003, louer un terrain à la Fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil par bail emphytéotique afin d’y construire une mosquée …C’était une élue MNR qui avait, d’abord , saisi le Tribunal Administratif de Cergy, lequel avait annulé la délibération que la Cour Administrative d’Appel de Versailles vient de rétablir.
Gageons que l’élue déboutée va saisir le Conseil d’Etat. Mais pourquoi faut-il que ce soit toujours des élus d’extrême droite qui estent en justice contre des délibérations municipales violant la loi de 1905 pour subventionner par l’argent public la construction d’établissements cultuels musulmans? Pourquoi les associations qui disent défendre la laïcité et la loi de 1905 ne le font-elles que quand il s’agit de projets confessionnels venant des autres religions ? Etonnant pour qui refuse d’avoir une conception de la laïcité à « géométrie variable » …
Mais l’arrêt de cette cour administrative d’appel est lourd de dangers pour tous ceux qui savent combien la loi de 1905 est la dernière frontière laïque sur laquelle il ne faut pas faiblir, pour s’opposer aux discours du président de la République, aux demandes de moratoire du recteur Boubakeur, aux appels à la modification du texte lancés régulièrement par Mme Alliot-Marie comme par Monsieur Raffarin, aux pratiques quotidiennes des élus territoriaux de tous bords, plus enclins à trouver des crédits pour la construction de mosquées que pour le développement économique de leur collectivité publique ( ou pour la doter en équipements publics).
Ce qui est infiniment grave ici, c’est cette considération de la Cour : « le principe constitutionnel de laïcité, qui implique neutralité de l’Etat et des collectivités territoriales de la République et traitement égal des différents cultes, n’interdit pas, par lui-même, l’octroi dans l’intérêt général et dans les condition définies par la loi, de certaines aides à des activités ou des équipements dépendant des cultes. »
Mais c’est du « Machelon » dans le texte, c’est une conception qui dénature les principes fondamentaux de la loi de 1905 pour anticiper sur les orientations préconisées par ce fameux rapport qui n’est pas tombé dans les oubliettes mais qui va revoir le jour à l’occasion des pratiques que pourrait permettre cet arrêt si le Conseil d’Etat n’y met pas le holà !
En effet, c’est à partir d’un contre sens évident que décide la Cour versaillaise.
La neutralité de l’Etat impose le retrait de l’Etat qui n’a ni à organiser le culte religieux ni à s’immiscer dans la gestion « des églises » …La religion relevant de la sphère privée selon les principes créateurs du texte législatif, elle organise par elle-même son existence, satisfait par elle-même ses besoins de tous ordres …L’église est chez elle pendant que l’Etat est chez lui, et celui-ci n’a à veiller qu’au libre exercice, en toute sécurité pour les fidèles, du culte selon les termes de la loi générale. L’interprétation de la cour versaillaise est une manipulation de la lettre et de l’esprit de la loi de 1905.
De plus, les besoins d’un culte comme son exercice ne relèvent pas de l’intérêt général, ils relèvent de l’intérêt particulier des fidèles et seulement d’eux. Rien ne peut justifier que l’argent public soit dépensé à des fins particulières, fussent-elle religieuses. La religion, il faut le répéter à la suite d’Henri Pena-Ruiz, n’est pas un service public. La mission de service public est celle qui s’ouvre à tous sans exclusive, à chacun quel qu’il soit, et elle satisfait un intérêt général qui prend en compte ce dont tous les citoyens ont besoin et ce qui rassemble chacun à l’intérieur de l’espace public.
Une croyance, par définition, exclut ceux qui la refusent ou ceux qui en ont une autre ou ceux qui n’en ont pas .Une religion, quelle qu’elle soit, est réservée à ceux qui la suivent : son intérêt est l’intérêt commun de ses adeptes, c’est un intérêt communautaire et non universel, c’est un intérêt discriminant ( au sens premier du terme). On pourrait d’ailleurs avoir le même raisonnement à propos de ceux qui refusent toute religion ou toute divinité : ils ne sont pas « l’intérêt général ». Croire en une divinité quelconque, comme ne croire en aucune, est une option strictement individuelle qui n’engage nullement le « peuple tout entier », le « laos ».
C’est pour cela que subventionner directement ou indirectement un culte s’oppose, de fait, à la réalité laïque de notre République.
Ne soyons pas naïfs : la laïcité est aux prises avec une foule d’ennemis qui ne sont pas tous là où on pense les voir …Nous n’avons de cesse, à « Riposte Laïque », de dénoncer le danger que fait courir à notre République laïque et démocratique la volonté de maints tenants de l’islam d’imposer, petit pas après petit pas, la s’haria face à la loi générale.
Nous ne manquons pas, chaque fois que nous en avons connaissance, de vilipender tous ces élus de droite, de gauche, du centre, qui vont au-devant des revendications islamiques ou plus généralement confessionnelles pour les satisfaire, y compris avec l’argent public dont ils se plaignent de n’avoir pas assez.
Nous éclairons en permanence la malfaisance des « idiots utiles » des communautaristes de tout acabit, qui veulent effacer l’unité de notre espace sociétal. Nous appelons à résister aux projets de dénaturation ou de toilettage de la loi de 1905 que portent, dans des discours doucereux ou hypocrites, les « sommités » qui nous gouvernent comme celles qui font mine de s’y opposer.
Nous mettons à l’encan régulièrement les textes, décisions, jugements et autres arrêts qui montrent une volonté pernicieuse de déliter subrepticement le socle laïque de notre République. Notre combat est permanent, sans failles, sans aucun accommodement utile ni aucune complaisance idéologico-politique.
Force est de constater que nous sommes trop rares sur ce terrain de lutte dont trop de « laïques » patentés et estampillés « historiques » s’éloignent au moindre prétexte, au plus petit désaccord, à la plus petite soumission compassionnelle ou « bien pensante » …
Il peut être utile de hurler à la face du représentant de l’église vaticane que la laïcité lui ferme toute réception officielle et interdit toute dépense publique à son profit. Il serait très profitable à la laïcité que la même énergie soit mise pour contrer toute décision de justice, tout discours, tout acte de nature à instiller le communautarisme et à réinstaller une quelconque église (même sous le nom de « mosquée ») dans l’espace public d’où la loi de 1905 l’a chassée.
Robert Albarèdes
www.laic.fr

image_pdfimage_print