La nouvelle cuisine sous Covid 1er

Mais ça, c’était « avant ». Avant Covid Ier et avant la face de croque-mort de notre ministre de la Santé nous annonçant tout le malheur du monde avec sa voix sépulcrale et sa tête d’enterrement de première classe, pour paraphraser l’Écume des jours, de Boris Vian.

Aujourd’hui, aller au restaurant va devenir une corvée. Car notre gouvernement s’est mis dans la tête de gâcher les meilleurs moments des Français. Marcher simplement dans la rue peut nous coûter 135 euros. Aller à la plage, ça peut être pire. Un acte simple comme conduire devient une abomination. Ne parlons pas des taxes qui s’abattent sur nous comme les sauterelles sur l’Égypte.

Donc pour rouvrir leurs restaurants déjà bien essorés par le Covid, certains restaurateurs font des propositions dites honnêtes mais qui sont tout sauf honnêtes du point de vue de la fête.

Marcel Bénezet, président de la branche café-restaurant du groupement national des indépendants, propose donc des mesurettes à la sauce roquefort qui ne manqueront pas de faire s’allonger les figures des convives.

Déjà il y avait la distanciation, et puis le lavage frénétique de toutes les surfaces horizontales entre chaque client.

Les restaurants seront désormais inondés de gel hydroalcoolique, qui coulera à flots dès l’entrée. On aurait préféré que ce soit le bon vin qui inonde positivement le restaurant. Cela vous aurait de l’allure, du goût, et du panache.

Il faudra se laver les mains toutes les trente minutes. Déjà le personnel le fait. Alors les clients peuvent bien le faire aussi.

Bénezet propose un cahier de rappel où seront notés les numéros de téléphone des clients, pour être rappelés en cas de Covid. Voilà un moyen original d’occuper les salariés puisqu’il y a moitié moins de clients. Donc au lieu de servir ou de faire la cuisine, ils traceront les clients. Le restaurant-centre-d’appel. Ce sera plus réaliste si les salariés prennent l’accent du Maghreb.

Le rappel des clients, quelle bonne idée pour mettre au pas les maris volages et les jolies femmes amoureuses ! Car après cela les gens seront sérieusement refroidis pour l’aventure et on les comprend.

On parle aussi de prendre la température des clients. Cela, c’est secret médical, et personnellement je ne communique jamais à qui que ce soit ma température. C’est « secret-défense ». Je préfère communiquer autrement. Donner sa température ou son groupe sanguin manque cruellement de poésie. Au moins si cela se faisait en alexandrins…Voilà venu le moment de scander « mon corps m’appartient ! » les féministes vont demander des droits d’auteur.

Dans chaque restaurant le même Marcel Bénezet propose de nommer un référent, qui devra rappeler tout le monde à l’ordre. On ne sait pas si cela se fera en mode GO du Club Med ou si cela se fera très méchamment mais toutes les inquiétudes sont permises. Pourquoi ne pas carrément organiser dans le restaurant une salle de garde à vue ?

Parce que à ce train-là, les restaurants vont bientôt ressembler à des commissariats de police. Au moment où la moutarde nous sera complètement montée au nez.

Reste le masque. On doit déjà le porter dans tout déplacement à l’intérieur du restaurant. Pour aller à la caisse, ou aux toilettes. Il ne restera plus qu’à interdire de l’enlever pour manger. On ménagera un trou pour introduire une paille. Ce sera plus facile d’ingérer si la nourriture arrive toute broyée, toute liquide. Le cassoulet broyé, la choucroute broyée : ce sera la nouvelle cuisine.

Désormais on donnera des étoiles aux restaurants selon la qualité de leur protection anti-Covid et la qualité de leur flicage des clients. Gault et Millau n’ont plus qu’à jeter l’éponge.

Il faudra travailler davantage, dit Marcel Bénezet. Alors que les restaurants devront fermer plus tôt voire fermer complètement. La quadrature du cercle. C’est pire que la célèbre course des garçons de café.

Vous faites quoi, ce soir ?… Vous allez au restaurant ?… Bon appétit. Mais n’oubliez pas que le Covid arrive à 22 heures sonnantes. Tout le monde aux abris. Sur les coups de dix heures, le Covid se produit. Avant, c’était sur les douze coups de minuit, mais notre gouvernement veut vraiment nous donner la déprime. Il ne manque plus que la fée Carabosse pour transformer Cendrillon en soubrette, les laquais en lézards et le carrosse en citrouille qu’on mettra dans le potage.

C’est la fin de la fête et les Français n’auront plus qu’une solution : aller tristement se coucher. Et les restaurants de se mettre en faillite, les salariés d’aller pointer à Pôle emploi. Si c’est ouvert.

Ainsi va la vie sous Choupinet Ier.

Sophie Durand