La schizophrénie d’Eva Joly et de Patrick Lozès sur la nationalité

Suite à la proposition d’ Éva Joly de remplacer le défilé militaire du 14 juillet par un « défilé citoyen », le Premier ministre François Fillon a réagi par une phrase qui a fait bondir la quasi-totalité de la gauche : « Je pense que cette dame n’a pas une culture très ancienne des traditions françaises, des valeurs françaises, de l’histoire française. »
Éva Joly, franco-norvégienne née en Norvège, s’en défend en disant : « Ça fait 50 ans que je vis en France, donc je suis française. » C’est un raccourci. On peut vivre 100 ans en France sans être français, sans en acquérir la culture, les traditions et faire sienne son Histoire. Éva Joly est française parce qu’elle a acquis la nationalité française suite à son mariage avec un français en 1967. C’est ce qui lui fait dire qu’elle serait française « depuis plus longtemps » que Marine Le Pen, née en 1968. Mais cela ne présage en rien de sa « culture » française, comme pour nombre de gens d’origine étrangère ayant acquis la nationalité par le droit du sol, le mariage ou la naturalisation.
De plus, dans un « portrait » d’Eva Joly publié par le quotidien Libération le 6 juin 2000, celle-ci se prévaut de « ne pas être française », et… « d’être étrangère » :
« « Elle ose tout », fulmine un avocat de l’affaire Elf : « Écrire un bouquin en pleine instruction d’une affaire d ‘État, se mettre tout le monde à dos. Quel autre magistrat aurait ce culot ? » « Je ne me sens pas du sérail, rétorque la juge. Et j’ai l’excuse de ne pas être française. Je viens d’un pays ou on ne pense pas comme ici. Être étrangère, ça me sert maintenant, après avoir coûté beaucoup d’efforts pour m’intégrer. »
On voit là une étrange schizophrénie : tantôt Madame Joly se prévaut d’être française, tantôt de ne pas l’être et d’en tirer une « excuse » voire un avantage.
On retrouve la même complexité chez Patrick Lozès, franco-béninois et président du mouvement racialiste Cran : Conseil représentatif des associations noires (sic !) A son tour, il réagit sur cette affaire Joly/Fillon : Pour lui, le Premier ministre « traduit notre schizophrénie sur la nationalité ».
Selon Patrick Lozès, on voudrait instaurer « deux catégories de citoyens : les Français dits de souche et les Français “d’origine étrangère”. Les uns auraient tous les droits d’un Français, les autres en auraient… un peu moins et seraient par exemple illégitimes à évoquer certains sujets ou à réclamer une totale égalité. »
Or il ne s’agit pas du tout de cela, mais de l’adhésion à la culture et aux valeurs françaises, de, en quelque sorte, la « francitude ». On peut fort bien avoir la nationalité française depuis peu (ou même ne pas l’avoir), et « adhérer » à la France, en s’assimilant à son Histoire et à son peuple.
Patrick Lozès précise : « En vérité François Fillon ne fait que traduire notre schizophrénie collective sur la nationalité. Éva Joly en est “simplement” la victime collatérale. Car c’est cette schizophrénie sur la nationalité qui amène certains de nous, en contradiction avec nos lois et nos valeurs, à considérer au fin fond de nous-mêmes, que la carte d’identité ne fait pas vraiment un français. »
A contrario, cela voudrait dire qu’une carte d’identité fait de quiconque un Français, sans qu’il soit obligé de « se faire » français autrement que par des papiers qu’il acquiert automatiquement par la naissance sur notre sol ou le mariage. Ce n’est pas si simple, puisqu’ Éva Joly reconnaît elle-même qu’elle a « l’excuse de ne pas être française ».
Et Patrick Lozès d’embrayer sur la « diversité », qu’il veut faire inscrire dans notre Constitution, et donc il dit : « La diversité n’est pas une question annexe de cette présidentielle, c’est une question préalable car un pays divisé sur son identité aura toujours du mal à réussir collectivement. »
Nous sommes d’accord sur le fait que l’identité française ne peut être « divisée », mais alors pourquoi introduire cette notion de « diversité » dans cette affaire de « francitude », sinon pour distinguer entre des Français qui seraient plus ou moins « divers » (comme Coluche qui disait que certains étaient « plus égaux que d’autres ») ?
C’est donc Patrick Lozès qui introduit donc une différence entre les Français en y ajoutant cette notion anti-républicaine de « diversité », où les gens « divers », de part leur appartenance à la « diversitude », auraient priorité via la discrimination positive sur les « non divers » (les Français de souche, pour faire simple).
Alors quand Patrick Lozès évoque « notre schizophrénie sur la nationalité », il parle de la sienne et celle d’ Éva Joly. Pas de celle de l’ensemble des Français, qui justement combattent les notions de « diversité », de multi-culturalisme, de discrimination positive, et qui ne réduisent pas le fait d’être Français à une carte d’identité.
Être français, ce n’est pas une affaire de papiers, c’est un lien hérité ou acquis entre un individu et sa patrie, sa Nation, l’Histoire et les valeurs de celles-ci. La France n’est pas une auberge espagnole où chacun apporte sa culture et son passé pour les consommer sur place, et les imposer aux autres.
Roger Heurtebise

image_pdfimage_print