La violence d’État a changé de visage. Elle est devenue propre. Plus de fusillades, de camps, de ghettos. Elle est symbolique à présent. Elle fait toujours mal pourtant…
Dans la première des cinq parties du « Cuirassé Potemkine » (1925 /« Les hommes et les vers ») (1) de Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein (2), les marins russes se plaignent à leurs supérieurs de la mauvaise qualité de leur nourriture, en particulier de la viande. Un grand quartier de bœuf est monté sur le pont. Il est avarié, des asticots grouillent à sa surface. Le médecin du cuirassé vient l’inspecter. Il le certifie : il est propre à la consommation (3). Ce sera l’événement déclencheur de la mutinerie. Puis de la révolution. En tous cas, selon le scénario de ce film « de commande » de la Commission d’État de l’URSS pour célébrer le vingtième anniversaire de la révolution de 1905.
Propagande
L’avantage des œuvres de propagande, c’est de caricaturer le supposé réel, de pratiquer une métaphore dynamique. La « scène de la viande pourrie » introduit une suite de terribles violences, elles commenceront avec la mutinerie.
Cependant, les officiers du cuirassé ne violentent pas physiquement leurs hommes. Ils les méprisent, leurs refusent le statut d’humain, ils leur appliquent une « violence symbolique ». Celle-ci, provoquant ensuite leur condamnation à mort (scène des marins fusillés sous une bâche) puis la mutinerie de l’équipage (le peloton d’exécution refuse d’obéir : « Frères, sur qui allez-vous tirer ? »).
Violence symbolique
« Le concept de « violence symbolique » a été proposé dans les années 1960 par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, et plus particulièrement connu avec la parution de « La Reproduction » en 1970 » (4).
Une fois n’est pas coutume, pour éviter de longues paraphrases, je vais citer in extenso un long extrait de la page Wikipédia © consacré à ce concept bourdieusien (4) :
« La violence symbolique est une notion qui désigne une forme de violence peu visible et non physique, qui s’exprime à travers les normes sociales et qui s’observe dans les structures sociales. Cette violence symbolique touche les dominés de façon à s’inscrire en eux, et à les amener à juger légitime une domination sociale donnée. Elle se manifeste par une imposition des normes du groupe dominant sur celles du groupe subordonné. La violence symbolique peut se manifester dans différents domaines sociaux tels que la nationalité, le genre, le niveau d’études ou les pratiques culturelles. La notion est d’abord proposée par Pierre Bourdieu, un sociologue français influent du XXe siècle, et qui apparaît dans ses œuvres dès les années 1970, puis reprise ensuite. »
« Le concept de violence symbolique propose une explication du maintien de l’ordre social inégalitaire par l’incorporation par les dominés des classifications et hiérarchisations au sein des institutions sociales (marché du travail, système d’enseignement, etc.), qui en incorporant ces éléments en viennent à les intérioriser et ainsi à percevoir les rapports entretenus avec les dominants et les inégalités de condition, comme étant légitimes. La violence symbolique est conceptualisée selon Bourdieu comme étant résultante de la légitimité qu’accordent les dominés, par processus d’incorporation, aux normes et dictats des dominants; la légitimité est à la fois la condition, le produit et l’enjeu de la violence symbolique. La violence symbolique est un concept utilisé dans le cadre des analyses sur la reproduction sociale ou sur les rapports de domination (de classe, de genre, de race) qui constituent des éléments de structuration de l’ordre social à travers l’intériorisation des hiérarchies et des normes sociales. »
Agitprop
Bien sûr, dans les années 70, les intellectuels de gauche pensaient cette forme de contrainte comme celle d’un pouvoir « de droite » (i.e. capitaliste) sur un peuple « de gauche » (i.e. ouvrier). Plus d’un demi-siècle plus tard, après bien des avatars, le pouvoir est toujours là, s’il a changé de mains (ce serait encore à discuter !) il n’a pas changé de méthodes.
Un exemple parmi des milliers d’autres, certains spectacles profanes dans des lieux de culte (toujours chrétiens), comme récemment à Strasbourg (5) ont donné lieu de fort remous médiatiques, y compris sur le plateau de Cyril Hanouna.
Au premier abord, la doxa ambiante nous refait le coup de la querelle des anciens et des Modernes.
Daniel Boessenbacher, le pasteur de la paroisse protestante Saint-Guillaume de Strasbourg, proteste : « “Ce n’est pas de la provocation, nous voulons montrer que nous sommes ouverts à des gens qui ont des modes de pensée différents. Je pense que l’on peut aller très loin dans l’ouverture d’esprit » (6). Il ajoute : « L’idée, c’est que le gymnaste représente le Christ » (6).
Ce n’est pas de la provocation ? Ça y ressemble pourtant ! Serait-ce plutôt de l’agitprop ? (7)
Vulgate
La « paroisse (… se veut) libérale et inclusive ». Liberté, inclusion, différence, ouverture, art… : nous sommes bien dans la vulgate progressiste. Les mécontents sont renvoyés aux cavernes, aux limbes de la fachosphère, à l’intégrisme, au « discours de haine », aux « idées nauséabondes », aux « heures noires de notre histoire ». Liste non-exhaustive.
De cette façon, le débat est simplifié, annihilé, toute forme de contestation devient hérésie, tout hérétique doit être traîné devant l’inquisition, puis brûlé, sur les réseaux sociaux, dans les médias, last but not least au tribunal ! Pour le moment, les contrevenants sont effectivement cloués au pilori, couverts par une bâche d’opprobre, puis fusillés financièrement, les pelotons d’exécution de la Chose Publique ne s’étant pas, à ce jour, mutinés.
Des phénomènes similaires, depuis près de 40 ans, il y en a eu pléthore. La liste, même, serait trop longue à énoncer, fastidieuse. L’élite pensante de 68 est passée, sans aucune douceur, de « il est interdit d’interdire » à « il est interdit de penser autrement ».
Bien entendu, cela s’accompagne de l’inévitable Chœur des Vierges de la « société inclusive et apaisée » dénonçant les excès des opposants (sauf s’ils sont dans le camp du Bien comme les Black Blocks).
Truquages
Ce jeu-là est soigneusement truqué. Pas à pas, une minorité autoproclamée « éclairée » change les règles, passant de la subversion à la perversion, utilisant tous les moyens à sa disposition : télévision, radio, presse écrite, littérature, théâtre, cinéma, musique, réseaux sociaux. Bien entendu, c’est là le but, cela déclenche une forme de révolte. Les « éclairés » poussent ainsi leurs adversaires à la faute (telle que définie par eux) : excès de langage, écrit séditieux, appels à la haine, propos discriminatoires, phobies de toutes sortes…
Puis, à l’aide de tout un arsenal de lois compliquées, ils pénalisent les mal-pensants, revenant aux vieilles méthodes dénoncées autrefois comme « capitalistes » : frapper au portefeuille. Des associations subventionnées par l’impôt se constituent en milices de la pensée, portent plainte, puis récoltent de fortes sommes, asphyxiant les hérétiques sous les frais de justice, les dommages et intérêts, les amendes.
Modernologie
La même stratégie a été utilisée récemment pour la Réforme des Retraites : les trucages construits légalement par la Constitution de 1958 (le fameux calibre 49.3 surtout) ont permis de se passer complètement de tout débat démocratique. Il en est de même pour toute « innovation » : Zones à Faibles Émissions, Voitures Électriques, Changement Climatiques, Théorie du Genre, Écologie, Wokisme, Réfugiés, Écriture Inclusive, Sensitivity Reader, Réécriture de l’Imaginaire… Les dogmes de l’Église de Modernologie ne peuvent pas être contestés. Sous peine d’amende.
Snipers
Là, étrangement, nous voyons revenir la métaphore du cinéaste bolchevique citée au début : celle de la viande évidemment pourrie, parfaitement mangeable pour le pouvoir. Vous êtes priés de ne pas trouver la société actuelle violente. D’ailleurs, l’État a ses snipers en embuscade pour vous expliquer, gentiment d’abord (plus durement si pas d’affinités), combien vous êtes des cons arriérés manipulés par les fake news, les théories du complot, l’extrême-droite.
Ainsi, Clément Viktorovitch, de France Info, va vous expliquer dans sa chronique du 28 mai 2023 (8), « Faisons-nous face à une “décivilisation” ? », à quel point vous êtes des beaufs qui se mettent le doigt dans l’œil jusqu’au coude : « “L’historien Gérard Noiriel (9) estime même que, rapporté au temps long, les Français n’ont jamais vécu dans une société aussi pacifique »(10).
Ah, me voilà rassuré, un peu plus, je me serais empreint d’un sentiment nauséabond de peur irrationnelle.
Déni
Nous sommes bien dans une autre phase du processus de truquage : le déni. C’est le « Syndrome des habits de l’empereur » du conte d’Hans Christian Andersen. Le Roi est nu, cependant, si vous le prétendez, vous serez exécutés. Guy Béart l’avait déjà annoncé dans « La Vérité », une chanson de… 1967 (10).
Nous vivons dans une société truquée, verrouillée, répressive. La race humaine a toujours été violente, elle ne changera pas, nous sommes des mammifères territoriaux. Simplement, la violence a changé de visage. Vous êtes sommés de respecter les dogmes. De vous exécuter. Vous-même. Plus besoin de pelotons. Ça vous donne envie de vomir ? C’est idiot : cette viande est bonne à manger…
Augustin Meaulnes
SOURCES :
- (1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Cuirass%C3%A9_Potemkine
- (2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Sergue%C3%AF_Eisenstein
- (3) https://www.etudier.com/dissertations/Quelques-Sc%C3%A8ne-Du-Cuirass%C3%A9-Potemkine/447717.html
- (4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Violence_symbolique#:~:text=La%20violence%20symbolique%20est%20conceptualis%C3%A9e,enjeu%20de%20la%20violence%20symbolique.
- (7) https://fr.wikipedia.org/wiki/Agitprop
- (8) https://www.youtube.com/watch?v=ljDa2x6epp8&ab_channel=franceinfo
- (9) https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9rard_Noiriel
- (10) Vidéo ci-dessus : 1’20 à 2’20.
- (11) https://fr.wikipedia.org/wiki/La_V%C3%A9rit%C3%A9_(chanson_de_Guy_B%C3%A9art)
https://www.youtube.com/watch?v=ewx3GbNDL0Q&ab_channel=NostaNetwork
M Augustin Meaulnes : 👍 très bonne synthèse ! “Malheur au pays dont le roi est un enfant”…
https://m.youtube.com/watch?v=amcPrPh4GF8 On ne sait pas trop ce qui va se passer, c’est silence de réunion non publique ? Le contrôle technique des Deux roues ce n’est pas la france mais l’UE qui est responsable ! Que ce soit pour quelque sujet il y aura toujours des assassins et des drames ?
Notre régime est l’aboutissement logique des idéologies nées avec nos lumières francs maçonnes , si bien portées par notre fameuse république , ces rêveries universalistes égalitaristes au court bouillon humaniste droit de l’hommiste , la gôôôoche ….
Quand est-ce que des adultes patriotes, vont virer ce type ( et sa bande de tocards et escrocs) qui ne cesse de détruire la France, ruiner le peuple, harceler les français, quotidiennement.
Tout est dit et excellemment dit. Bravo, merci.
Normal avec un chef d’État manipulateur et pervers narcissique. Je ne comprends toujours pas, comment une ordure pareille a pu se faire élire. Je désespère en voyant le peuple français basculer dans l’hérésie. Cependant, si il y a encore un mince espoir de sauver la France, je serai parmi les patriotes. Vive Reconquête, à bas les traîtres de la Nation.
Je suis impressionné par la qualité et la diversité des intervenants sur Riposte Laïque.
Bravo! Quelle réalisation, quelles ouvertures!…
la photo de cette tribune laisse voir les qualités psychpathe de l’individu.
Merci Professeur Raoult, votre protocole m’a guéri -sans problèmes – du Covid pendant que Macron et ses sbires faisaient des Ehpad françaises, les nouveaux camps de la mort !
Oui il faut faire un Nuremberg du Covid. Oui Macron et ses complices doivent être jugés et condamnés … lourdement.
ce qui m’étonnera toujours ce sont les français atteints du syndrome de stockholm qui votent pour leurs bourreaux
IDEM !
Compliments! Magnifique de lucidité.