L'abolition universelle de la peine de mort reste un combat à mener

21 septembre 2011, il est 23h08 à la prison de Jackson en Géorgie : Troy Davis n’est plus.
Pendant plus de vingt ans, cet homme a attendu, dans les couloirs de la mort, son exécution. En dépit de l’absence de preuves matérielles et malgré la rétractation de plusieurs témoins clés, la justice géorgienne a sévi. Un mort, un de plus, un de trop.
Nous ne pouvons que reprendre les dires de Robert Badinter qui résument ce que beaucoup d’entre nous pensons : “S’il est innocent, comme nous en sommes convaincus, c’est un crime, un assassinat judiciaire. Cette affaire restera comme une tache sur la justice des États-Unis. C’est une très grande défaite, bien au-delà des États-Unis, pour l’humanité. »
Au même moment, Lawrence Brewer était exécuté, dans l’ État du Texas, pour avoir commis un meurtre raciste particulièrement sordide. Pour autant, sa mort ne peut nous réjouir quoique la culpabilité de ce condamné fût prouvée. Si les manifestations d’opposition à la peine de mort se font généralement en faveur des possibles ou probables innocents condamnés, l’universalité de notre combat nous conduit à prôner l’abolition totale de ce châtiment.
S’érigeant régulièrement en parangon des droits de l’Homme, les États-Unis devraient se pencher sur leur système judiciaire qui souffre de failles éthiques considérables. Notre propos n’a point l’intention de sombrer dans une caricature anti-américaine primaire. Néanmoins, l’individualisme exacerbé, fondé sur le mythe du self-made man, mâtiné de puritanisme radical, fait du principe inégalitaire la norme sociale – et morale – du fonctionnement de la société américaine. Les difficultés rencontrées par le Président Obama pour imposer sa réforme du système de sécurité sociale, ainsi que les succès électoraux du Tea Party témoignent de cet état de fait. Une forme de brutalité – jugée juste et légitime – régule et jugule les rapports sociaux aux États-Unis. Le système carcéral n’est que le triste reflet de cette brutalité.
Notre opposition viscérale à la peine capitale ne résulte pas d’une quelconque inversion des valeurs ou d’une sensiblerie ridicule à l’égard des coupables. La position abolitionniste porte sur quatre points principaux :
– l’absence de certitude infaillible à l’égard de la culpabilité du condamné,
– la croyance – laïque ou religieuse – en la rédemption,
– le refus de la confusion entre justice et vengeance,
– la volonté de ne pas faire de la justice humaine une justice qui tue.
Le dernier point souligné est essentiel. La mise en scène de la mort par le système judiciaire et carcéral, obligeant des êtres humains à s’abaisser à commettre le pire des châtiments, constitue une infamie insoutenable qui perpétue l’engrenage malsain de la violence suprême. Tel que le disait avec beaucoup de justesse Albert Camus, “qu’est-ce que l’exécution capitale sinon le plus prémédité des meurtres ?”.
Avant de mourir, Troy Davis nous a laissé un message important : “Le combat pour la justice ne s’arrête pas avec moi. Ce combat est pour tous les Troy Davis avant moi et tous ceux qui viendront après moi”.
L’abolition universelle de la peine de mort reste un combat à mener.
Stanislas Geyler

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