10. Laïcité : synthèse et conclusion des neuf articles précédents

Par ces neuf articles qui se sont succédé dans chaque numéro de Riposte Laïque depuis début mai sur la laïcité, il a donc été essayé « de remettre les pendules à l’heure » face aux dénaturations et aux dérives les plus diverses qui se sont succédé dans le temps, se développent toujours, qui ont comme seul but d’empêcher l’application de ce concept émancipateur, issu de la pensée humaniste, et qui s’oppose donc aux tenants des forces obscurantistes de toute nature.
Ont pu être dénoncés, non seulement les adversaires déclarés de la laïcité, mais aussi les « faux amis ». Ils ont tous un lien commun, celui de ne pas considérer la laïcité comme une authentique « valeur spirituelle » universelle, véritable idéal envers lequel il ne peut exister ni compromission ni abandon, quelles qu’en soient les raisons, d’ordre politique ou de mauvaise conscience.

Certes, tous les aspects de ce concept de laïcité n’ont pu être abordés dans ces 9 articles vu l’étendue et les ramifications qui en découlent, mais repréciser un certain nombre de choses pour permettre ce réarmement idéologique de la pensée républicaine laïque à qui voudra bien s’y intéresser paraît un devoir impérieux et procure satisfaction à tous ceux qui ne baissent pas les bras.
Que « Riposte Laïque » soit remercié encore une fois d’apporter son support à cette mission.
Reprenons dans un style télégraphique les principaux items
Laïcité: concept philosophique issu de la pensée humaniste, et plus particulièrement des « Lumières » du XVIIIème siècle, fondé sur la Raison, les vérités scientifiques, et l’acceptation de la relativité des croyances.
Laïcité: concept philosophique construit à partir des 3 principes-postulats fondamentaux de liberté individuelle, d’égalité en droit, de fraternité sociale.
Laïcité: concept philosophique engageant les préceptes de tolérance mutuelle et de liberté absolue de conscience, donc de liberté de culte (mais non de pratiques « en public »)
Laïcité: concept philosophique engageant des applications juridiques de type institutionnel dans la société : la séparation totale des Eglises et de l’Etat en est l’élément fondamental, donc sans reconnaissance de droits ou privilèges communautaristes juridiques ou financiers, sans reconnaissance de droits et privilèges communautaristes dans l’enseignement (source première d’obscurantisme).
Laïcité: concept philosophique qui, par son objet d’émancipation individuelle et collective, nécessite souvent des mesures d’ordre public pour contrer l’offensive des forces obscurantistes, dans leurs actions d’intimidation physique et d’oppression intellectuelle : l’interdiction de manifestations et de pratiques religieuses en public, l’interdiction de port d’habits et signes religieux ostensibles à déterminer selon la gravité de la situation. pour trouble à l’ordre public, l’éradication de l’enseignement et de la diffusion de thèmes comme l’incitation à la haine raciale et ethnique et les diverses croyances antiscientifiques comme le créationnisme doivent faire partie de ces mesures d’ordre public par des lois et dispositions réglementaires.
Mais il est indispensable de le répéter encore une fois, la laïcité n’est pas un dogme ni un système établi seulement à partir d’un ou de plusieurs éléments, même faisant partie de la construction de concept, car cela peut aboutir à n’importe quelle dérive, totalitaire, étatique ou communautariste, sans compter la dérive laïciste de la séparation arbitraire de la sphère privée et de la sphère publique à propos de l’habillement dans l’espace public. Au contraire, elle est construite sur la totalité des obligations qu’engendrent les principes fondateurs de liberté individuelle, d’égalité en droit, de fraternité sociale. C’est pour cela, par exemple, que parler de laïcité économique comme extension du concept philosophique de laïcité ne se fonde pas sur une soi-disant séparation de la sphère privée et de la sphère publique permettant de prôner la suppression des lits privés dans l’hôpital public, comme nous l’entendons parfois, mais sur la notion d’intérêt général permettant l’égalité en droit individuelle et la fraternité sociale collective aboutissant à instituer le monopole de l’hôpital public pour les établissements de santé.
C’est pour cela que, quand on rattache au concept de laïcité le combat pour l’égalité homme-femme, pour l’établissement de la mixité, l’interdiction des mutilations sexuelles comme l’excision clitoridienne, et l’interdiction du port d’habits symbole de l’oppression de la femme comme la burka et le voile islamique, ce n’est évidemment pas au nom d’une quelconque séparation de la sphère privée et sphère publique ou des Eglises et de l’Etat, mais bien au nom des principes fondateurs de la laïcité que sont la liberté individuelle et l’égalité en droit qu’il faut préserver, voire imposer contre les forces obscurantistes..
La laïcité est bien une valeur émancipatrice universelle, quoiqu’en pensent certains laïcistes de salon,
Il n’est pas besoin de lire des tonnes d’ouvrages sur la laïcité pour mettre les choses en ordre dans l’esprit de chacun (même si, pour ceux qui veulent approfondir la question et toutes les dérives, il est utile de connaître le maximum d ‘écrits et de thèses). Pour ceux qui n’ont pas le temps et/ou qui ont d’autres préoccupations qui leur prennent le maximum de leur temps, je ne conseillerai que 2 livres peu volumineux (mais étrangement pas recommandés par la grande majorité de nos philosophes de salon pontifiant, et pour cause) :
– la « laïcité » de Daniel Beresniak (qui est pourtant un psychanalyste) édition Grancher, qui aborde l’analyse philosophique en termes simples en faisant remonter la laïcité à la pensée humaniste ancienne, voire métaphysique, en seulement une centaine de pages.
– la « laïcité » de Michel Ducomte, édition “les essentiels” Milan, qui synthétise en 60 pages ce qu’il appelle « le chemin de la liberté »
Il est aussi, certes, à conseiller la lecture des ouvrages plus denses sur la laïcité comme ceux de Jean Bauberot et ceux de Catherine Kintzler, qui, chacun de leur coté, partent de leurs bons sentiments et disent des choses justes sur la question, mais l’un s’arrête avant le milieu du gué pour dériver dans le communautaro-religieux, et l’autre après le milieu du gué pour sombrer dans le dogmatisme d’un système laïciste élaboré à partir d’une frontière arbitraire de la sphère privée et de la sphère publique. Leur point commun, mais qui explique tout, est le refus de voir en la laïcité une valeur universelle, donc un idéal absolu.
Comme je me suis efforcé à plusieurs reprises de l’aborder, c’est la recherche et l’enseignement de la vérité historique et scientifique sous l’égide de la raison qui est à la base de la conception de la relativité des croyances, donc des sources de la laïcité. C’est pourquoi je rends hommage à l’université d’archéologie de Tel Aviv qui a le courage de remettre en cause scientifiquement les écrits bibliques; dont la naissance historique du concept du Dieu unique, à la faculté de théologie protestante de Lausanne qui a le courage de remettre en question la valeur des Evangiles, et de tous ceux qui, malgré les menaces, s’interrogent par exemple sur les similitudes des versets les plus anciens du Coran avec quelques préceptes de la secte chrétienne juive qui s’était séparée très tôt de la secte chrétienne hellénophone fondée par Paul et dont toutes les églises chrétiennes actuelles sont issues.
Et l’hommage aussi doit être porté aux religieux authentiques, comme ceux du mouvement catholique Golias, ou du mouvement protestant unitarien qui, par leur idéal de liberté, n’hésitent pas à soutenir sans faiblesse les actions et projets anticléricaux pour asseoir la laïcité ; cet hommage est nécessaire quand on constate trahison et lâcheté chez nombre d’athées reconnus qui s’aplatissent devant les exigences des clercs de tout acabit.
C’est pourquoi je voudrais finir par un dernier hommage à une figure historique du combat laïque, pratiquement oublié, mais qui engagea une action déterminante qui fut à la source des lois laïques dans notre pays à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle.
Je veux parler, bien sûr, de Fréderic Desmond, pasteur de l’Eglise Réformée protestante, qui, une fois élu comme Grand Maître du Grand Orient de France, n’eut de cesse de demander, au nom de la liberté absolue de conscience, et l’obtint à l’arraché à la fin du convent de 1877 pour son obédience, l’interdiction de l’obligation de la croyance au Grand Architecte de l’Univers, à l’immortalité de l’âme et du serment sur la Bible, et par ce haut fait; permit de renouveler en profondeur le recrutement de la principale obédience maçonnique française ; c’est à partir de cette mutation qu’elle devint comme chacun sait, le fer de lance de l’institution des lois laïques et républicaines dans les années qui suivirent..
Valentin Boudras-Chapon
PS. : ces articles sur la laïcité, comme ceux de l’année dernière sur le concept républicain de la nation seront consultables bientôt sur le site « laicite.republique.free.fr » de l’association « Laïcité et République Sociale », avec bien d’autres analyses.

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