L’art de l’euphémisme au PS des Bouches-du-Rhône

Après des années de prudence médiatique, en particulier de la part de la presse de gauche et du journal local La Provence, les « scandales » se multiplient chez les socialistes marseillais, que ce soit au niveau de la « fédé » que parmi les élus des collectivités locales.
Ce serait vain de résumer ici ces « affaires » qui pourraient constituer des milliers de pages pour un bon chroniqueur, et dont certaines sont déjà aux mains de la justice.
Pour dix fois que cela, n’importe quel parti sérieux aurait fait tomber des têtes. Mais pendant longtemps, le PS national n’a fait comme si de rien n’était. Le pacte passé entre Jean-Noël Guérini et la secrétaire général Martine Aubry fonctionnait à merveille, jusqu’à ce que le chevalier blanc Arnaud Montebourg mette les pieds dans le plat. Et encore, Martine Aubry s’est empressée d’ignorer le « rapport » interne de Montebourg. Quand ce rapport a commencé à filtrer dans la presse, la première secrétaire a tout simplement dit qu’elle ne l’avait jamais reçu. Avant de dire qu’elle l’avait lu mais qu’il était vide.
Peut-être pas si vide que ça, puisque avec toutes les fuites qui paraissaient dans les journaux, Martine Aubry a été obligée de nommer une « commission d’enquête » dirigé par Alain Richard (ancien ministre de la Défense de Lionel Jospin) pour enquêter sur la « fédé » des Bouches-du-Rhône.
Et le rapport Richard, ça paraît être « du lourd » ! Le quotidien Libération en livre quelques éléments qui montrent des pratiques bien peu démocratiques… et même bien peu socialistes ! Je vous renvoie donc à la lecture de cet article en attendant de connaître les prochains épisodes de la saga guériniste, que ce soit au sein du Parti socialiste ou dans le bureau des juges d’instruction.
Mais ce qui m’a frappé dans cet article, outre l’ampleur de la dénonciation des pratiques douteuses des responsables socialistes marseillais, c’est un curieux art de l’euphémisme qui doit sans doute appartenir aux spécialités locales. Citons trois exemples :
Jean-David Ciot, premier secrétaire fédéral par intérim et grand soutien (pour le moment…) de « Nono » Guérini : « Depuis une dizaine d’années, nos pratiques se sont nettement améliorées. Mais il ne faut pas perdre de vue que la plupart des responsables en place sont des enfants de Gaston Defferre. Ce système, ce n’est pas Jean-Noël qui l’a inventé. Il le tient de Gaston. »
Traduction (pour ceux qui ne comprennent pas le jargon socialiste marseillais) : ce n’est pas notre faute, c’est Gaston Defferre qui nous a appris à truander. Et on n’avait pas de raison de changer un système qui marche.
Patrick Mennucci, désormais opposant déclaré à Nono Guérini : « Sous Gaston, nous avions un système clientéliste partagé. Il y avait des logements, des emplois et des subventions dont les élus se partageaient la distribution. Ce n’est peut-être pas bien, mais au moins c’était collectif. Jean-Noël Guérini et son frère Alexandre ont fait remonter tout cela au niveau du cabinet du conseil général et le clientélisme est devenu très concentré. »
Traduction : sous Defferre c’était mieux parce qu’on se partageait le butin, alors que les Guérini veulent jouer perso et tout garder pour eux. C’est quand même pas juste !
Jean-David Ciot : « Nous sommes prêts à expérimenter pour que cette fédération devienne un modèle, mais il faudra penser à mettre cela en place dans les autres fédérations organisées elles aussi autour de grands élus. »
Traduction : Martine, si tu nous saques, tu pourras aller te faire voir pour les primaires, parce qu’on est une grosse « fédé » qui pèse lourd dans le scrutin, et on va tout balancer ce qu’on sait sur tes fédérations du Nord et du Pas-de-Calais.
Et là aussi il y a du lourd… (cf. par exemple l’interview de Wallerand de Saint-Just pour Riposte laïque…)
Roger Heurtebise

image_pdfimage_print