Laurent Ozon : l’islam n’est un problème que pour ceux qui pensent que ces populations doivent rester en France…

Riposte Laïque : Le grand public a commencé à vous connaître l’an passé, quand, durant une année, vous avez fait partie des conseillers de Marine Le Pen, notamment sur les questions d’environnement. Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs le parcours qui vous a amené à ce positionnement politique ?

Laurent Ozon : Je ne m’intéresse pas aux “questions d’environnement”, mais je suis saisi depuis mon plus jeune âge par la beauté de la nature et heurté par sa dégradation et cette sensibilité m’a poussé très tôt à m’engager d’abord en politique chez les Verts où j’ai milité quelques années, à créer une revue d’écologie que j’ai dirigée pendant 5 ans, et à militer dans des organisations naturalistes notamment dans la vallée du Somport, dans les Pyrénées, qui se trouve aussi être la terre de mes origines familiales.

Comme je ne sais pas faire les choses à moitié, j’ai exploré une partie importante des aspects de l’engagement écologiste. Pour faire simple, du démontage de matériel de chantier d’autoroute jusqu’à des débats d’idées complexes dans les colonnes de la revue que je dirigeais ou dans d’autres. Cette passion ne m’a jamais quitté car ce qui se joue dans la destruction de la nature, ce n’est pas seulement un problème de mauvaise gestion de l’environnement qui pourrait nous faire manquer demain des ressources nécessaires à notre survie. Plus fondamentalement, la crise écologique est une crise de la nature des relations que nous avons établies avec la vie non-humaine sur terre et avec la part naturelle de notre propre existence. Cette crise révèle donc une crise de sens.

D’autre part, avant que d’être un mouvement social, l’écologie est une science ou plus exactement une superscience qui est née de la volonté de mobiliser des spécialités scientifiques (pédologie, géobotanique, biologie, climatologie, démographie…) dans une approche visant à étudier les être vivants dans le réseau complexe des liens qui les relient aux autres espèces. Cette science est une science des contextes. Elle fournit de nombreuses clés pour comprendre le monde et l’appréhender de façon réaliste et complexe au sens où l’entendait Edgar Morin (Complexus: ce qui est tissé ensemble). Cette méthode m’a beaucoup influencée. Mais je ne suis évidemment pas seulement ce qu’a fait de moi mon apprentissage et mon engagement en politique. J’ai 44 ans, 4 enfants, je dirige depuis plus d’une dizaine d’années une entreprise et je suis donc en prise avec la réalité économique. Cette vie d’industriel m’a aussi appris sans doute beaucoup de choses.

Marine Le Pen m’avait été présentée par un ami commun lors d’un déjeuner, le soir même, je rejoignais un petit groupe de travail qu’elle avait constitué autour d’elle pour l’aider à conquérir le Front national et l’Etat français. Marine Le Pen dispose de nombreuses qualités en particulier de communication et j’ai été heureux de lui apporter mon aide durant cette année de travail commun. Je considérais alors que l’objectif principal devait être le retournement de l’Etat comme instrument de protection de sa propre population tant cet Etat est devenu depuis 40 ans la courroie de transmission des intérêts d’une caste. Marine Le Pen me semblait pouvoir atteindre cet objectif. J’ai été nommé au bureau politique du FN, puis délégué national à la Formation, membre de la commission d’investiture et responsable du Cap écologie.

 

Riposte Laïque : Vous avez choisi de reprendre votre liberté vis-à-vis du Front national. Quelles sont les raisons de cette décision qui apparaît comme une prise de distance ?

Laurent Ozon : Je savais que si j’attendais septembre ma démission serait probablement utilisée contre Marine Le Pen par les médias, j’ai donc souhaité le faire à ce moment-là, un 15 août, même si la proximité de cette annonce avec les attaques ignobles du PS contre Jean-marie Le Pen et moi au sujet de l’affaire Breivik était susceptible de faire croire à un lien de causalité. Ce n’était clairement pas mon intérêt, c’était en revanche nettement celui de la campagne de Marine et elle le sait. Cette décision a résultée du constat que quelques soient les qualités de Marine Le Pen et celles de nombreux candidats du Front national, l’accès aux leviers de l’Etat restera inaccessible.

En effet, dès le moi de mai, Marine Le Pen a fait l’erreur d’orienter sa campagne sur le thème du retour au franc, sous la pression de Florian Philippot qui avait introduit des intervenants curieux dans nos réunions, et contre l’avis de JMLP, de la presque totalité du bureau politique, et de la totalité du cap économie, qui considéraient tous, comme moi, qu’il était nécessaire d’adopter un profil plus consensuel et moins anxiogène en période de crise. Je crois que Marine était sincèrement persuadée que le calendrier de l’effondrement de l’euro était imminent (certains « spécialistes » évoquaient le mois de septembre) et c’est cette perspective qui l’a poussée sur cette voie. Comme je m’en suis déjà expliqué, la question n’était pas de savoir si l’euro était une monnaie viable ni même un instrument économique efficace mais si le fait de faire campagne ouvertement en prônant un retour au franc n’était pas susceptible d’inquiéter une part importante d’un électorat UMP démoralisé par les reniements du Nicolas Sarkozy et qui aurait pu rallier Marine Le Pen.

Ce qui a décidé Nicolas Sarkozy à revenir en campagne, c’est précisément l’erreur du retour au Franc. Jusqu’en mai, Jean-Marie Le Pen, observateur avisé de la vie politique, répétait que la candidature de Nicolas Sarkozy n’était pas acquise et qu’il hésiterait tant qu’il ne serait pas certain de pouvoir éviter l’humiliation d’une défaite au premier tour. Cette fantastique erreur de communication du “retour au franc” lui a ouvert une fenêtre, exploitée efficacement par les media et l’UMP pendant des mois. C’est cette campagne sur le retour au franc qui a empêché un électorat certes critique à l’égard de l’euro comme outil économique mais attaché à l’euro comme monnaie symbole (paix et concorde entre les peuples européens etc.) de se détacher de l’UMP et de permettre à Marine non seulement d’imposer sa candidature sur un spectre électoral élargi à la droite populaire mais aussi d’être au deuxième tour et donc de faire exploser l’UMP en rendant la polarisation ump/ps obsolète. Cette bipolarisation de la vie politique que le Front national s’était précisément donné comme objectif de faire voler en éclats.

La présidentielle et donc les législatives se sont jouées finalement aux mois d’avril et mai 2011 pour l’essentiel. Pour être franc, l’impossibilité dans laquelle je me suis trouvé de pouvoir empêcher cette erreur, alors que nous étions nombreux à la dénoncer, a décidé finalement de mon départ. Je pressentais dès le mois de mai que cette élection critique pour notre avenir était perdue et je ne me sentais pas en position de pouvoir infléchir cela malgré mes importantes fonctions dans l’appareil du mouvement et auprès de Marine Le Pen. Voilà, franchement, la raison de mon départ. Il a fallu attendre la fin de ce cycle électoral pour m’en ouvrir.

Riposte Laïque : Parlons franchement, pensez-vous qu’au vu de la situation dramatique de la France, le score de Marine Le Pen ne soit pas si satisfaisant qu’il n’y parait, et comment l’expliquez-vous ?

Laurent Ozon : Tout est question de point de vue, certains sont passé du “Marine présidente” au “Marine au second tour” puis à “Marine députée” et maintenant “Marine 2017. Pour ceuxlà, tenter de comprendre est déjà un sacrilège. Ces réflexes de fans ne servent personne et surtout pas Marine Le Pen qui aurait bien besoin d’un cercle de compétences capables d’approches rationnelles et contradictoires. Elle sait qu’elle aura mon aide si elle me la demande.

Ce résultat n’est évidemment pas si mauvais que cela mais de fait, il n’ouvre pas la perspective d’un accès aux leviers de l’Etat dans les années à venir. Durant cette période et avant chaque échéance électorale, l’évolution démographique précipitera les orientations politiques françaises. Si ces résultats sont considérés comme décevants par la plupart des cadres du FN et par les observateurs internationaux, en particulier, c’est au regard de la situation insoutenable dans laquelle se trouve le peuple français.

Je me suis déjà expliqué plus haut sur ce qui me semble être la raison principale de cet échec mais malgré cela ne perdons pas de vue les efforts immenses réalisés par les candidats et les militants partout dans le pays car si ce n’est pas suffisant, il fallait encore le faire et en avoir le courage.

S’engager pour ce mouvement est un sacrifice de tous les instants, sur le plan social, parfois même familial, professionnel et parfois même matériel et physique. Soyons reconnaissants de ce qui a été fait.

Riposte Laïque : Etes-vous surpris des chiffres qui circulent, quant au vote musulman massif en faveur de François Hollande ?

Laurent Ozon : Je ne suis pas sûr que l’on puisse parler d’un vote musulman. Je pense qu’il s’agit d’un vote d’immigration récente mais je pense que si vous prenez un échantillon d’une population originaire d’amérique du sud, le Pérou par exemple, et de culture catholique à 95%, vous trouveriez probablement le même pourcentage en faveur de François Hollande peut-être même, qui sait, supérieur.

De fait, il y a eu un vote majoritaire des immigrés extra-européens en faveur de François Hollande, parce qu’il a été perçu comme un candidat plus attentif aux intérêts de cette catégorie de population, c’est donc un vote clientéliste (votez pour celui qui défend vos intérêts) et l’énoncé de votre question devient vrai lorsque l’on regarde la composition de l’immigration française, en effet, de culture musulmane dans une forte proportion. Notez aussi qu’une partie importante de la population d’origine subsaharienne n’est pas de culture et de religion musulmane, mais a probablement aussi très largement voté, lorsqu’elle votait, pour le candidat Hollande.

Votre question traduit un glissement de discours, présent aussi au Bloc Identitaire, qui a pour effet de focaliser l’attention des français sur la question de la religion alors que les tensions et revendications religieuses ne sont que secondaires et d’ailleurs largement instrumentalisées par ceux qui nous ont préparé le terrain de l’invasion migratoire ces 30 ou 40 dernières années. Ne tombons pas dans ce piège. Si les douze millions d’immigrés  arrivés sur notre territoire ces 30 dernières années abandonnaient leur foi et s’occidentalisaient, nous n’en serions pas moins confrontés au phénomène de substitution de population, à la même colonisation de peuplement. L’islam n’est un problème que pour ceux qui croient que ces populations ont vocation à rester sur notre territoire, ce n’est pas mon cas…

Riposte Laïque : Quel est votre regard quant aux premières décisions du gouvernement, et les premières décisions de ministres comme Valls, Taubira ou Peillon, dans des secteurs clés de la République ?

Laurent Ozon : Je ne vais pas rentrer dans les détails. Ce gouvernement est une équipe de personnalités aux visions contradictoires, aux capacités de travail en commun visiblement déjà problématiques sous la responsabilité d’un premier ministre et d’un président de la république qui n’ont eux-mêmes jamais exercé de fonctions ministérielles. Ce sera la cacophonie et au final l’impuissance. 

Riposte Laïque : Vous venez de créer une association qui s’appelle La Maison Commune. Pouvez-vous nous expliquer vos motivations, et que comptez-vous apporter de nouveau qui n’existe déjà, au Front national, à Debout la République, chez les Identitaires, à Résistance républicaine, pour regrouper tous les patriotes de ce pays ?

Laurent Ozon : Maison Commune (et non la maison commune) est un mouvement politique ET communautaire. Maison Commune poursuit donc deux objectifs simultanément. 1) rassembler les personnes  qui jugent nécessaires la relocalisation des activités humaines et de l’économie en particulier (produire autour de nous ce dont nous avons besoin et décider chez nous ce qui est bon pour nous), veulent défendre cette analyse et la rendre majoritaire dans la société 2) relier notre population pour lui permettre de rompre avec l’individualisme et l’isolement.

C’est cet isolement des familles et des personnes, cette absence de solidarité de groupe qui fait, alors que nous sommes encore majoritaires sur nos terres,  que nous nous défendons si mal. C’est notre incapacité à nous percevoir comme une communauté organique, comme un collectif, qui rend les européens dans leurs pays comme partout ailleurs, si fragiles, si seuls, et si malheureux. Il n’y a pas de solidarité, de dévouement, de sacrifice ni aucun sentiment élevé sans communauté.

La communauté n’est pas créée par le seul contrat social ou plus exactement le contrat social ne suffit pas à créer la communauté de destin. L’adhésion à des valeurs ou des idées communes ne suffira pas non plus à recréer ce sentiment communautaire. J’ai coutume de dire que le robinet d’eau dans les appartements et les maisons avait probablement plus fait pour l’individualisme et contre la communauté que toutes les oeuvres d’Adam Smith réunies. Le combat pour les idées désassemble plus qu’il n’assemble. La prise de conscience d’abord par une minorité active puis dans l’ensemble de la population d’origine européenne, autochtone en Europe, des menaces qui pèsent sur elle à court terme (économique, sanitaire, démographique…) sera le ciment d’une re-fondation communautaire qui nous permettra de passer le cap des tempêtes qui s’annoncent.

Maison Commune est déjà organisée dans plusieurs dizaines de départements et nos pivots départementaux proviennent de milieux politiques extrêmement variés mais ils ont tous en commun cette conscience du destin, ce réalisme et cette volonté de travailler (et non de discuter) à l’organisation, à la refondation de notre corps social. Maison Commune est donc ouverte à des militants d’autres formations politiques, qui peuvent lorsque la double appartenance n’est pas autorisée dans leur famille politique antérieure, nous rejoindre et travailler sous pseudonyme. Pour le moment, nous recrutons surtout des personnes organisées et disposant de compétences pratiques plutôt que des communicants ou des activistes. Cette phase de recrutement durera jusqu’au début de l’automne, c’est à ce moment que nous commencerons à nous adresser à la population. Pour terminer, sur la question de l’immigration, Maison Commune est favorable à l’inversion des flux migratoires, à la relocalisation des populations extra-européennes dans leurs pays d’origine et nous pensons que ce projet doit être sous-tendu par des propositions politiques réalistes et attentives à l’intérêts des pays d’émigration et des populations déplacées.  Sur ce plan aussi, Maison commune produira des propositions chiffrées, argumentées et rationnelles. 

Riposte Laïque : Que répondez-vous à ceux qui disent que la France est foutue, qu’il est trop tard, et que le choc démographique fera que notre civilisation laissera la place, d’ici trois ou quatre décennies, à une nouvelle France, où l’islam règnera en maître ? Partagez-vous cette analyse, et pensez-vous qu’il soit encore possible d’inverser ce scenario ?  

Laurent Ozon : Il faut que ce sur quoi nous ne pouvons rien ne puisse rien, non plus, sur nous. Dans tous les cas de figures, que nous réussissions ou non à faire entendre nos options et nos propositions, la raison d’être de Maison Commune est aussi de préparer les nôtres aux chocs qui s’annoncent. Et puis, il y a tout de même de belles choses dans notre société parfois si laide. Il y a toujours des choses belles à voir, et à défendre, il en sera de même pour nos enfants dans 30 ans. Plutôt que de jouer, comme dans Tintin, les prophètes Philippulus et de ressasser en boucle que tout va mal, relions-nous aux nôtres et transmettons l’envie de vivre. La force viendra avec. 

Propos recueillis par Pierre Cassen

http://ozonpolitique.blogspot.fr/ 

Communiqués : http://maisoncommune.tumblr.com/

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