Le malaise africain ou le complexe de supériorité des progressistes

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Chacun peut être raciste à sa façon. Toute la littérature sur la hiérarchie des races a marqué de son empreinte les esprits depuis le 18e siècle essentiellement. Les grands esprits des Lumières ont écrit quelques horreurs sur la sous-race africaine. Cela donnait le droit de les mettre en esclavage, de les déplacer et de les faire travailler dans les conditions de bête de somme.

Mais, nos amis africains savent bien ce que les penseurs et les politiques occidentaux ont pu faire contre eux. Il n’est pas sûr que nos progressistes démocrates aux États-Unis ou en France ne soient pas les pires héritiers de cette tradition. Deux événements récents montrent bien que la France de Macron comme l’Amérique de Biden perpétuent une vision raciste des rapports aux États africains.

Le chantage américain en République Centrafricaine

Concernant les USA, la stratégie est toujours la même, celle du cow-boy qui menace son interlocuteur en lui commandant de changer, sinon… on lui fera la guerre, on provoquera quelques révoltes, on changera le dirigeant et on invoquera une urgence démocratique pour mettre au pouvoir celui qui convient. Un article récent du Monde décrit très bien la tension.  (Les Etats-Unis engagent une stratégie pour évincer d’Afrique les mercenaires du Groupe Wagner (lemonde.fr)) En Centrafrique, le message est clair. Vous vous séparez des milices russes et vous acceptez notre offre dans un délai de 12 mois. La relation n’est pas diplomatique, elle est brutale, sans aucun respect pour la liberté de la République Centrafricaine, de son peuple et de ses représentants. L’enjeu est manifeste. Il faut de nouveau dominer ces territoires et leurs ressources. La conception américaine des relations internationales est assez triviale. Je donne des ordres, je détermine les termes du contrat, je crée la tension, voire le chantage. À quel moment les Américains respectent-ils ce pays et ses populations ? Aucun.

Une telle conception des relations internationales dénote bien un rapport de force permanent teinté de ce racisme endémique des USA pour tout ce qui est Noir. Rappelons que les USA furent la dernière nation occidentale à pratiquer l’apartheid jusque dans les années soixante. Souvenons-nous que les USA furent le fidèle soutien du régime d’apartheid en Afrique du Sud, pour préserver leurs intérêts, et déjà, éviter l’entrée des Russes de l’époque, les soviétiques. Cette tension perpétue une vue asymétrique et injuste, parce que la cupidité américaine légitime de maltraiter les autres.  

Le voyage de Macron en Afrique

Macron entreprend un périple africain dans un climat très bien décrit par Le Figaro. Il est tellement bien décrit que Le Figaro se fait le complice d’une vision très marquée par l’héritage colonial, et ce droit éternel de la France de dominer et prescrire sa politique à des peuples inférieurs dont les dirigeants sont nos serviteurs. (La dérive complotiste et anti-française du Burkina Faso (lefigaro.fr))

Le titre suffit à comprendre la posture des « élites » françaises. Le « méchant Noir » ne sait pas entretenir une relation d’adulte à adulte raisonnable avec la France. Dès lors qu’il fait valoir sa liberté, ses droits, ses éventuels désaccords, alors il est méchamment anti-français, de ce fait complotiste, et donc tellement bête qu’il écoute les mauvaises influences de gens infréquentables : les Russes. Nos élites répètent ainsi une routine intellectuelle paresseuse et obsessionnelle. N’avons-nous pas entendu la même chose lors de la crise sanitaire ou pour l’affaire Ukrainienne ? Toute personne qui remet en cause la volonté, le récit et les manipulations qui visent à promouvoir ou défendre les intérêts de certains est un idiot complotiste. L’article du Figaro en dit long sur la diplomatie de Macron en Afrique. Il a lui-même averti les Africains, les prenant vraiment pour des abrutis, leur expliquant que les Russes sont des méchants garçons, très mal intentionnés. Ses premiers discours ont été très mal accueillis.  

La tournée africaine de Macron s’annonce donc difficile avec de telles représentations coloniales et racistes en tête. On ne parlera jamais d’égal à égal, on promettra quelques fonds, quelques soutiens, un peu de corruption. On fera comprendre que le pouvoir peut changer de main. Bref, la France comme les USA pratiquent la menace violente néo-coloniale. Et ce faisant, Macron comme Biden réfutent à ces pays le droit de construire leurs relations internationales à leur façon, choisissant leurs partenaires selon leurs analyses. Non. Ceci n’est pas imaginable, pas envisageable, parce que les ressources minières et forestières africaines sont notre propriété avec des gestionnaires locaux.

Or, l’Afrique n’est pas ce qu’en disent nos « élites ». Et les jeunes générations ont peut-être le désir de renverser la table des reliquats de la colonisation. Elles veulent s’émanciper de cette époque et s’ouvrir sans doute à d’autres relations. Elles savent bien que sa richesse attise toutes les convoitises et les corruptions. Le chercheur Alain Deneault en a donné quelques preuves dans ses travaux dont : Nord Canada : pillage, corruption et criminalité en Afrique, un livre précieux mais tragique dans ses constats.

À écouter en son temps Léopold Sédar Senghor, on comprenait toute l’intelligence d’un homme acquis à l’esprit de la langue française tout en écrivant magnifiquement sur la négritude. À écouter le Cardinal Sarah, on comprend très vite sa foi lumineuse qui en fait une des plus belles autorités spirituelles de sa génération dans le monde. À écouter Aliko Dangote, le plus grand milliardaire africain, l’analyse économique et industrielle existe bien avec brio chez de nombreux entrepreneurs en Afrique. L’Afrique est un continent fort de près de 2 milliards d’habitants. Les États africains s’organisent en défiant, selon le regard des anciens colonisateurs, leurs anciens maîtres.

Il n’est pas sûr que nous ayons durablement intérêt très longtemps à poursuivre dans une voie coloniale et raciste, menée par de prétendus progressistes : Biden et Macron ; alors que le reste du monde entend travailler autrement, en multipliant les relations internationales, afin de ne pas dépendre d’un seul. Au passage, l’Afrique sait sans doute que la Russie a pour héros littéraire un certain Pouchkine dont l’arrière-grand-père, Abraham Hannibal, était un esclave affranchi par Pierre Le Grand, libéré des musulmans. Il fut son filleul et finit général de l’armée impériale du Tzar. Le camp du bien l’est-il vraiment ?  

Pierre-Antoine Pontoizeau