Le masque anti-covid est une bénédiction pour moi

Je l’avoue au risque de me faire houspiller.

J’ai été parmi les premiers à porter un masque et à en être heureux.

Un masque, ça cache les vices du visage et ça te préserve du regard des autres.

Et des vices du visage, j’en ai un.

Non, ce n’est pas un bec-de-lièvre. Mais un gros nez. Il occupe à lui seul plus de la moitié de l’espace du visage.

Il paraît que deux organes ne cessent de grandir durant toute la vie chez un individu. Ce sont le nez et les oreilles. Je peux le certifier pour le nez. Du moins pour le mien. À près de 70 piges, il continue à grandir à vue d’œil. La grosseur du nez ne m’a cependant pas nanti d’un sens olfactif particulièrement plus aiguisé. Au contraire, plus j’avance dans l’âge, plus mon odorat se contracte et se rétrécit. Il y a un tas de choses que je n’arrive plus à sentir. Et de plus en plus de personnes aussi.

Je n’ai jamais été complexé par les dimensions. Qu’il soit grand ou petit, large ou étroit, long ou court, avoir le nez bien en place, c’est l’essentiel. Dans le temps, lors de la guerre de libération menée dans la région orientale du Maroc contre la présence française, les résistants châtiaient les collabos et les traîtres en leur tranchant le nez. On leur épargnait la vie, mais, en même temps, on leur ôtait tout. J’en ai vu un, un jour. C’était vilain. Très vilain. On peut perdre une main, un bras, un pied, une jambe, ou tous ces membres ensemble, ça reste supportable, mais avoir un vide au milieu du visage, avec ce liquide qui coule à ciel ouvert, c’est affreux. Terriblement affreux. Plus moyen de se moucher. Plus moyen d’éternuer. Plus moyen de sniffer. Perdre son nez, ce bout de chair qui semble sans grande valeur au milieu du visage, c’est perdre tout. Le châtiment suprême. Je m’étais alors juré de faire tout mon possible pour garder le mien toujours bien en place.

En Russie, on dit : “Tel nez, tel pénis“. J’ai vérifié. C’est absolument faux, mais je me retiendrais de le dire. En Russie, j’enlèverais volontiers mon masque…

Mais si le nez continue à grignoter de l’espace sur mon visage, les oreilles, par contre, restent sur le banc de touche. Elles n’ont pas changé depuis ma naissance. Je dirais même qu’elles ont rapetissé. C’est un phénomène tout à fait normal du fait qu’on ne s’en sert pas beaucoup. Elles sont devenues superflues. Avoir des oreilles aujourd’hui, c’est un peu comme se balader avec une torche sur les Champs-Élysées à la Saint-Sylvestre. On n’en a nullement besoin. Il y a partout des oreilles qui écoutent pour nous. Fini le temps où seuls les murs en avaient. Aujourd’hui, tout est équipé d’oreilles. Elles pendent partout. Des oreilles sophistiquées qui captent tout ce que vous dites et même ce que vous ne dites pas. Alors, comme elles se sentent négligées, nos oreilles maternelles se font naturellement toutes petites.

Je me demande comment Zemmour a fait pour rallonger les siennes… Elles tiennent tout l’espace médiatico-audio-visuel.

Il paraît que le Charles III a aussi de grandes oreilles. Mais, selon Joselyne Bachelot, c’est juste pour pouvoir tenir sa couronne sur la tête. (On dirait, en effet, que les mensurations prises pour la confection de ladite couronne ont été prises sur le crâne de notre garde des Sceaux…).

À part le nez et les oreilles, je cache aussi un sourire que les gens n’aiment pas. Ils le trouvent noir. Il m’a valu tellement de misères. Mais c’est une autre histoire.

Voici pourquoi le port du masque est une bénédiction.

Je passe toutes mes journées dans les transports en commun où je nargue fièrement les passagers avec mon masque.

Ailleurs, porter le masque semblerait indécent, voire suspect.

Puisse l’obligation du port du masque être inscrite dans la Constitution.

Ne serait-ce que pour moi…

Messin’Issa