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Le Yéti placé sous surveillance du Pegasus

Je ne devrais pas le dire, mais le Yéti est bien sous la surveillance de mon Pegasus. Oui, mon Pegasus. J’ai, en effet, obtenu une copie de ce gadget israélien qui révolutionne l’art de l’espionnage et effraie le monde politique et médiatique. Il n’est, officiellement, commercialisé qu’auprès d’États ou d’agences gouvernementales avec l’aval du gouvernement israélien, mais j’ai pu facilement l’avoir grâce à un ami au Maroc, sans l’accord de Tel-Aviv.

Au Maroc, on peut tout avoir. Une hirondelle peut vous faire le printemps moyennant un petit bakchich. Vous voulez vous faire moine ? Pas de problème. On vous fournira l’habit qui fera de vous le moine que vous voulez être. D’ailleurs, on peut en trouver librement au marché aux puces…

J’avoue que je me suis procuré ce truc juste par curiosité. J’ai été intrigué par le fait que le Pegasus était en possession du Maroc qui l’utilisait pour espionner le Président Macron. Mais pourquoi Macron ?

Apparemment, selon des sources des services de renseignements marocains qui ont requis l’anonymat, il s’agit d’amener Macron à autoriser le Maroc à approvisionner les écoles françaises de merguez et de couscous et contrecarrer des propositions similaires provenant de pays concurrents, tels l’Algérie et la Tunisie. Seul Macron peut décider dans cette question hautement cruciale dont dépend l’avenir du royaume chérifien. La prospérité du Maroc est suspendue aux merguez et au couscous qui seraient écoulés dans les cantines françaises.

Cette information m’a refroidi. Je voulais moi aussi espionner Macron pour savoir ce qu’il en était, mais je me suis rendu compte que ce n’était pas juste. Comme Macron était déjà surveillé par le Maroc, je ne devais pas intervenir moi aussi. C’est lâche de se mettre à deux contre un. Macron serait d’ailleurs honoré et ravi s’il se savait surveillé par deux puissances étrangères, le Maroc et moi. Si on est surveillé, c’est qu’on est important. Donc rééligible…

Ne sachant pas quoi faire de mon Pegasus, je me suis dit qu’il faut quand même que je trouve quelqu’un à espionner pour rentabiliser mon achat. Avec un peu de chance, je tomberais bien sur une information que je pourrais refiler à BFM TV.
J’ai passé en revue tous les individus, dont ceux appelés « personnalités », susceptibles d’être espionnés. J’ai été terriblement déçu. Il n’y en avait plus en France. Les recherches effectuées sur Google ramenaient toujours à des personnalités des siècles derniers.


Je me suis résolu, bon gré mal gré, à opter pour Véran, notre ministre de la Santé, mais mon Pegasus s’est tout de suite planté. Il confondait le Véran et les variants du coronavirus. J’admets que les deux sont liés, mais ça ne m’arrangeait pas. Ce n’est pas avec Véran-variants que j’allais rentabiliser mon acquisition.

Puis, soudainement, à force de penser aux vérans et aux variants qui hantent notre vie, une image surgit devant mes yeux : l’image du Yéti. Mon esprit, assez tordu, je le reconnais, faisait une confusion entre véran et varans, ces reptiles dont certains types sont énormes et possèdent une langue à deux extrémités séparées, comme le dragon de Comodo. Et il m’a projeté l’image du Yéti.
C’était une terrible méprise, mais pas une mauvaise idée. Le Yéti est une montagne, un volcan à explorer. Une excellente cible qui pourrait me rapporter quelque chose.

Je décidai donc de l’introduire dans le système de mon Pegasus et de lui donner un nom de code. Ce n’était pas une tâche aisée. J’aurais pu facilement y introduire un hippopotame, mais pas le Yéti. Finalement, quand j’y suis arrivé en haletant et en transpirant à grosses gouttes, le Pegasus, aussi essoufflé que moi, émit un grognement et je vis apparaître sur son écran : « Mince alors ».
Je pensais qu’il faisait allusion à la svelte silhouette du Yéti, mais je ne tardai pas à comprendre que c’était le nom de code qu’il me proposait pour ma cible.

J’étais contrarié. « Mince alors » n’est pas un nom de code sécurisé. N’importe qui se retrouvant devant le Yéti s’exclamerait « Mince alors ». J’aurais voulu « Loup yéti », plus discret et plus conforme à la Justice française.
Parce que le Yéti, comme le loup des bois, finira bien par nous dévorer dans les dédales des sombres palais de justice.
Après nous avoir dissous.

Avec la complicité d’autres reptiles comme le véran ou le dard malin…

Messin’Issa