Les Françaises n'ont pas été à la fête : à qui la faute ?

Femmes et sport : à Pékin, les Françaises n’ont pas été à la fête,
A qui la faute ? Qui s’intéresse au sport féminin ?
Le sport reste encore un combat à mener en France pour que les filles y aient accès dans les mêmes conditions que les garçons. Pratiquer un sport c’est déjà une victoire sur soi si l’on veut bien se souvenir de l’histoire des femmes. Se voir en vainqueur, ce mot qui en français n’a pas de féminin, c’est s’attaquer au modèle de la gentille petite fille qui plombe nos ambitions de femmes libres.
Comment ne pas se poser des questions face aux constats de « déroute » des françaises aux JO de Pékin qui fleurissent dans la presse?

« Les filles inquiètent », note Stéphane Joly, l’envoyé spécial du JDD dans la publication du 24 août : « les femmes représentent 45% de la délégation mais n’ont contribué qu’à 17% du butin (7 médailles), bien moins qu’à Athènes (48%), Sydney (31%), ou Atlanta (43%) ». Et de pointer les raisons conjoncturelles et ce qu’il appelle les vrais « plantades ». Des disciplines entières sont désertées. Les jeunes filles ne semblent pas attirées par la haute compétition et font le choix des études plutôt que de la carrière sportive. Et l’auteur de l’article de conclure « La mixité est le chantier urgent : les femmes représentent moins de 30% des licenciés des fédérations, encore moins de leur encadrement ».
De son côté le journal L’Equipe, sous la plume de Patrick Lafayette titre : « Où sont les femmes ? ». En vrac on trouve tous les arguments habituels (« elles ont été plus émotives que leurs homologues masculins », « elles doivent s’autoriser à prendre des risques », « la psychologie et le relationnel tiennent manifestement un rôle important dans ces échecs récurrents », et puis on cite le cas de cette athlète prometteuse qui s’arrête pour avoir des enfants « désir légitime et fréquent en France, le pays européen (avec l’Irlande au plus taux de natalité »). Dernier argument intéressant à méditer « Ajoutons que beaucoup d’athlètes à l’heure de la confidence, expriment leur envie « de ne pas perdre leur féminité », répugnant dès lors à modifier leur corps, prendre des muscles et du gabarit pour répondre aux nouvelles exigences de l’olympisme ».
Quand on voit dans la rue, au quotidien, les ravages de l’obésité due à la sédentarité et à la malbouffe, phénomène qui frappe en majorité les femmes, on se dit que celles-ci auraient tort de préférer le modèle féminin classique à celui de la sportive de haut niveau…
Ce qui est navrant c’est le vide des idées et des intentions affichées par Fabien Canu, le directeur de la préparation Olympique et para olympique, qui déclare au journal L’Equipe « Un grand chantier va s’ouvrir », mais quand on lit avec attention ce qu’il propose on reste sans voix : « Comment y remédier ? », dit-il « c’est une question qu’on se pose à laquelle je n’ai pas encore de réponse… » et d’ajouter à propos des pistes qu’il envisage « on verra dans notre grand débriefing des Jeux… ». Aveu intéressant lorsqu’il fait allusion aux programmes de financement lancés par le ministère en direction des sportives « ils concernent la pratique et le développement, pas le haut niveau » !!!
Heureusement Marie-José Pérec, qui tient une tribune dans l’Equipe explose par un titre cinglant « Tout est fait pour les décourager ». Et de citer le modèle qui valorise le corps musclé pour les hommes, les grands leaders du sport français qui sont des hommes, le milieu sportif qui est essentiellement masculin…
Il n’est que de lire les études qui ont pu être faites ces dernières années sur le sport féminin pour se rendre compte que le sport féminin reste le cadet des soucis des pouvoirs publics et des dirigeants sportifs, mais aussi des médias.
En décembre 2007, l’association Femix’Sports dénonçait les discriminations dont sont victimes les sportives. Jean-Louis Aragon dans le journal le Monde du 15 décembre 2007, sous le titre « Le sport féminin peine à trouver sa place dans les médias », cite l’enquête réalisée par Femix’Sports selon laquelle « la pratique sportive féminine ne représentait, en 1999, en France que 16% des articles des pages sport de la presse nationale, en 1999, 24% de la presse régionale, 4% de la presse spécialisée, 2,5% de la presse féminine, 15% de l’Equipe, 16% de la presse fédérale. Selon une enquête réalisée au mois de novembre 2007, cette proportion tombe à 4,25% en moyenne dans les quotidiens L’Equipe, Le Parisien, Le Figaro, Le Monde »
Autre scandale, qui rejoint notre combat contre le voile et la régression dans les modèles culturels ambiants : le nombre de jeunes filles issues de l’immigration qui pratiquent du sport est en chute libre. Le 18 avril 2004, dans le JDD, Guillaume Perrier annonce la sortie d’un rapport aux ministres des sports et de la parité qui pointe la montée du communautarisme et la remise en cause de la mixité. Le titre de l’article est éloquent « dans les cités les filles restent sur la touche ».Une photo de joueuses de foot résume la situation « A Dreux il existe plusieurs équipes de foot féminines qui regroupent beaucoup de maghrébines, malgré les menaces, les insultes et les découragements. Au début, elles venaient en pantalon et en bonnet. Maintenant elles jouent toutes en short ».
Toujours à propos de ce rapport, Cécilia Gabizon, dans Le Monde du 22 avril 2004, note qu’il « révèle une véritable ségrégation ». L’étude repose sur des témoignages (Maires, dirigeants de clubs, travailleurs sociaux, habitants) et une étude de l’INSERM. D’où il apparaît que les filles sont « exclues de la sphère publique et surtout de celle du sport ». La journaliste donne la parole à Brigitte Deydier, vice présidente de la fédération française de judo, qui déclare « Le monde du sport ne peut assister sans réagir à la lente exclusion des filles dans certains quartiers ».
Quand on sait le « gisement » de sportifs que représentent les jeunes issus de l’immigration, on se dit que même l’intérêt bien compris d’un pays qui veut afficher des ambitions sportives internationales, n’aiguise pas l’efficacité de nos dirigeants.
Le Ministre de l’époque Jean-François Lamour avait annoncé la création de dix sites expérimentaux dans dix quartiers… en outre un groupe d’universitaires devait essayer de décortiquer le phénomène… interview par Ruth El Krief à RTL le 4/07/03)
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Il faut rappeler que lors de son passage au Ministère de la Jeunesse et des sports, Mme Buffet avait organisé des Assises nationales Femmes et Sport ( 29-30 mai 1999) qui avaient beaucoup remué le milieu sportif. Des dizaines de groupes de travail s’étaient mobilisé des recommandations d’action touchant à tous les domaines (haut niveau, éducation, entrée dans la hiérarchie des instances sportives, médias, international, ..). A quand le point 10 ans après ???
Annie Sugier
Présidente de la Ligue du Droit International des femmes et du Comité Atlanta-Beijing +

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