Les G20 passent et rien ne change…

LES G20 PASSENT ET RIEN NE CHANGE….
Le dernier G20 s’est déroulé les 24 et 25 septembre 2009 à Pittsburg aux Etats Unis et devait être le sommet des grandes décisions qui permettrait de retrouver la croissance à l’échelle mondiale.
Au cours de cette réunion ont été abordés les thèmes suivants : la relance économique, la régulation financière et la place des pays émergents.
Les pays occidentaux et les pays émergents sont arrivés à ce sommet avec des divergences d’appréciation sur les remèdes qu’il fallait prendre pour redonner confiance aux marchés et aux opinions publiques terriblement affectés par la crise systémique de la sphère financière dont les effets continuent à frapper indifféremment les économies.

LES BONUS DES TRADERS

L’Europe occidentale sous la houlette de la France et de l’Allemagne voulait absolument imposer aux Etats Unis une limitation des bonus des traders dans le secteur financier, comme si les traders étaient les seuls responsables de la dérive du capitalisme financier.
Sur les bonus, la France a obtenu que ceux-ci soient limités mais non plafonnés, une piètre concession des USA qui ne changera rien sur le fonds.

En effet, les Etats Unis n’ont pas accepté que l’on remette en cause le libre échange qui a conduit nos économies au bord du gouffre.
Les pays Anglos- saxons ne veulent pas de contrainte et souhaitent continuer à peser sur le reste du monde en imposant leur système économique seul à leurs yeux capable de créer de la richesse. Ils ne veulent pas entendre parler d’une économie ou les états pourraient contrôler les excès des institutions financières et la marche de l’économie dont l’objectif devrait être de mieux rétablir les richesses.

LES NORMES COMPTABLES

Des mesures ont été prises sur les normes comptables et l’accroissement des fonds propres des banques pour contenir les activités à risques.
Comme les USA n’ont pas les mêmes normes comptables que les européens, les contraintes seront différentes et ne permettront pas d’édifier un système comptable s’imposant à toutes les institutions financières au niveau mondial.
La rivalité entre les normes comptable US GAAP et IAS est encore une réalité à ce jour. Ce qui veut dire que l’on n’est pas prêt d’arriver dans ce domaine à une harmonisation.
Néanmoins, les normes IAS pourraient connaître une large diffusion dans le monde. Elles pourraient être adoptées par bon nombre de pays en développement dont les référentiels comptables sont faibles, par des ex-pays de l’Est soucieux de se rapprocher des standards occidentaux et par l’Europe.
Toutefois, les normes US GAAP sont connues et généralement admises dans le monde. La SEC n’a, a priori, aucun intérêt à obliger les entreprises américaines à abandonner les normes US GAAP au profit des normes IAS, d’autant plus que sur les 13 000 sociétés cotées aux U.S.A. seulement environ un millier sont d’origine étrangère et publient déjà leurs états financiers selon les normes américaines.
Ceci constitue un handicap très important pour la diffusion mondiale des normes IAS.
Bien que les normes IAS ne soient pas d’essence européenne, la rivalité entre les normes comptables se traduit par une rivalité Europe-U.S.A.
Cette rivalité continue à préexister et ne semble pas prête à s’estomper dans un avenir proche. Nous sommes très loin encore d’une vision commune pour réguler et stabiliser le système financier international, contrairement aux apparences.
Pour mémoire, il est important de rappeler qu’il existe actuellement des règles prudentielles qui auraient dues permettre d’éviter à nos économies le séisme qu’elles subissent depuis l’été 2007 :
Le comité Bâle 2 sur le contrôle interne, institué en 1975, regroupe les autorités de surveillance prudentielle et les banques centrales des pays du groupe des Dix appelé G10 (Il regroupe réellement aujourd’hui 13 pays).
Il se compose de hauts représentants des autorités de contrôle bancaire et des banques centrales des pays suivants : Allemagne, Belgique, Canada, Espagne, États-Unis, France, Italie, Japon, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse. Ce comité se réunit généralement à Bâle, lieu où se trouve le secrétariat permanent de la Banque des règlements internationaux.
Ce comité n’a pas de pouvoirs réglementaires. Il doit son autorité à la qualité de ses travaux, du processus de concertation qui débouche sur des consensus, ou accords ou convergences, et du pouvoir ainsi que de la volonté de ses membres d’appliquer par la suite dans leurs pays respectifs les décisions prises.
Le comité de Bâle pour la supervision bancaire a promulgué en juin 2004 un nouveau dispositif de convergence internationale pour la mesure des fonds propres et normes de fonds propres appelé « International convergence of capital measurement and capital standards ». Il remplace depuis 2006, l’actuel accord dit Ratio Cooke.
Bâle 1 a entraîné un déphasage trop important entre risques réglementaires et risques économiques, entre fonds propres réglementaires et fonds propres économiques. C’est ce déphasage que Bâle 2 devait tenter de réduire, en réconciliant le réglementaire avec l’économique.
Avec un peu de recul, l’on peut constater avec amertume, que toutes ces règles mises en place par les pays industrialisés n’ont en faite étaient de peu d’efficacité pour éviter la crise économique actuelle.

LA REGULATION FINANCIERE MONDIALE

Une nouvelle fois, celle-ci a été survolée et non traitée comme elle aurait dû l’être. Il a été occulté de façon volontaire la question des monnaies et des accords portant sur les taux de change des grandes monnaies (dollar, euro, yen et yuan).
Les Etats Unis et la Chine continuent à s’opposer à propos du dollar sur son rôle de monnaie de réserve et son niveau.
La Chine reste dépendante des Etats Unis, car elle finance son endettement colossal en achetant des bons du trésor américain.
Cette distorsion entre les monnaies porte en germe un risque de spéculation boursière et immobilière.
Les banques chinoises commenceraient à avoir dans leurs bilans des bulles financières qui pourraient provoquer le même phénomène que les banques américaines avec leurs créances toxiques qui ont contaminé ses deux dernières années une grande partie du système bancaire international.
Le FMI qui devait être le super gendarme dont les règles devraient s’imposer à tous continue de dépendre des décisions du G 7.
La taxation des revenus venant des paradis fiscaux n’a pas été mise en place. Cela parait peu probable que ceux-ci disparaissent à court ou moyen terme.
Les banques américaines et les banques européennes, à peine recapitalisées, ont recommencé à spéculer sur les marchés pour leur permettre de continuer à distribuer de substantiels bonus à leurs meilleurs éléments et des dividendes à leurs actionnaires.
Celles-ci s’empressent d’ailleurs de rembourser les aides des Etats au détriment de la relance des crédits dans l’économie réelle, indispensable aux entreprises et aux particuliers.
Nous avons l’impression que personne n’a vraiment tiré les enseignements de cette dérive du système qui a jeté sur le pavé des centaines de millions de travailleurs à la recherche d’un emploi, qui mettront pour certains des années à retrouver.
Nicolas Sarkozy voulait un nouveau Bretton Woods. Ce vœu pieu semble hors d’atteinte aujourd’hui tant il parait impossible au vue des divergences actuelles entre les grandes puissances que l’on puisse à terme réguler voire réformer le système capitalisme.

LA PLACE DES PAYS EMERGENTS DANS LE CONCERT DES NATIONS

Les pays du G20 ont accepté de faire passer 5% des droits de vote au FMI des pays développés aux pays émergents, comme si cette avancée devait changer la face du monde. La France a même osé déclarer que les européens auraient accepté de faire un sacrifice sur cette concession infime faite à ces pays. La mise en place de cette réforme pourrait se faire d’ici 2010. Ce qui préfigure que celle-ci n’est pas totalement acquise.
En effet, les pays en voie de développement menés par la Chine et l’Inde, réclamaient plus de pouvoir au sein du FMI.
De plus les pays émergents recevront au moins 3%de droits de vote en plus au sein de la banque mondiale.
Il reste donc encore beaucoup de chemin pour que ces pays puissent se faire entendre et influent de façon significative sur la gouvernance mondiale.

LES EFFETS DE LA CRISE FINANCIERE SUR L’ENDETTEMENT DES ETATS

L’endettement des Etats devient insupportable et le chômage continue à croitre inexorablement.
La dette américaine totale représenterait 368% du PIB (produit intérieur brut), dont la dette publique plus de 78% du PIB, l’endettement domestique 277% du PIB et la dette courante (échanges extérieurs) environ 13% du PIB.
Les consommateurs, les entreprises et l’Etat américain sont endettés jusqu’au cou.
L’endettement de l’Etat allemand continue de croître sous les effets de la crise économique. Selon l’Office fédéral des statistiques, la dette s’élevait à 1 602 milliards d’euros au premier semestre 2009, soit 5,7% de plus qu’á la fin de l’année dernière. Le gouvernement a notamment souscrit des crédits auprès des marchés financiers internationaux. Les taux d’intérêts sont relativement bas car l’Allemagne est réputé fiable.
L’Etat allemand pourrait contracter 310 milliards d’euros de dettes nouvelles d’ici 2013, selon des documents du ministère des Finances source parue en juin 2009 sur le site internet de l’hebdomadaire Der Spiegel.
La dette de la France atteint 1428milliards d’euros soit 73,9% du PIB. Le déficit public devrait atteindre cette année 77,9% et le gouvernement table sur un déficit public de 84% fin 2010.
La France est actuellement le 19e pays le plus endetté au monde, par rapport à son PIB, parmi les 126 entités (sur 195 Etats) sur lesquelles la CIA publie des données (classement CIA au 31 mars 2008). Elle se situe entre l’Uruguay et le Portugal. Pour être plus précis, la France est 19e mondiale par le poids de sa dette publique par rapport à son PIB. Il se pourrait que sa situation se soit détériorée depuis cette étude.
La dette publique mondiale s’élèverait à ce jour à plus de 35 000 milliards de dollars. Les économistes du FMI (Fonds monétaire international) prévoient que la dette publique des dix pays les plus riches au monde pourrait atteindre 114% du PIB d’ici 2014.
Comment imaginer un seul instant que nous serions à l’aube d’une reprise de la croissance avec des chiffres pareils, quand nous écoutons nos gouvernants actuels.

LE CHOMAGE UN DEGAT COLLATERAL DE LA CRISE FINANCIERE

Le chômage dans le monde industrialisé devrait atteindre l’année prochaine son taux le plus important depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, dépassant le pic actuel, alors que la reprise en 2010 ne s’annonce que timide, estime l’OCDE dans un rapport rendu public mercredi.
Selon l’Organisation pour la coopération et le développement économiques, le chômage dans les 30 pays-membres devrait frôler les 10% au second semestre 2010, frappant 57 millions de personnes, et donc dépasser le chiffre actuel de 8,3%.
“Il y a une grande incertitude face à l’avenir, mais les conditions du marché du travail semblent en voie de se détériorer encore plus dans les mois à venir”, observe l’organisation internationale, prédisant “une reprise plutôt modeste n’intervenant qu’au premier semestre 2010”.
Ce phénomène de chômage élevé, perdurant après un pic de crise, risque de mettre “de nombreuses années” à se résorber, estiment les experts parisiens du Château de la Muette.
Les chiffres du chômage dans les pays membres de l’OCDE vont de 3,3% de la population active (Pays-Bas) à 18,1% (Espagne). Le chiffre aux Etats-Unis était de 9,5% en juin, soit supérieur au taux moyen de l’Union européenne (8,9%).
Depuis la fin 2007, estime l’OCDE, près de 15 millions de personnes sont venues grossir les rangs des sans-emploi dans la zone.
Dans le cadre de ce scénario, le nombre des chômeurs dans les pays membres de l’OCDE aura augmenté de plus de 25 millions de personnes en moins de trois ans, une hausse comparable aux pertes d’emploi enregistrées sur une période de dix ans jusqu’au début des années 1980.
Nous entrons dans une zone de turbulence, dont nous ne mesurons pas les conséquences à court moyen ou long terme, et nous ne savons comment le corps social va réagir aux politiques de rigueur que seront obligés de mettre les Etats pour réduire leur endettement, qui est une bombe à retardement pour les générations futures.
Tous les comptes sociaux de nos économies sont dans le rouge et ne permettent plus aujourd’hui de jouer le rôle stabilisateur qui devrait permettre aux citoyens du pays occidentaux de supporter la crise financière et économique la plus grave depuis 1929.
Pour ce qui est des pays émergents, les aides sociales n’existent pratiquement pas et il parait difficile de prévoir comment les peuples de cette partie du monde réagiront à cette crise qui ne fait que commencer.
De mon point de vue, l’origine de la crise actuelle remonte à la libération des marchés sur le plan mondial. Cette mondialisation des échanges commerciaux a modifié en profondeur les rapports économiques et les rapports de force entre les acteurs économiques, pas forcément dans le bon sens.
La tombée des frontières douanières a accéléré le processus de concurrence exacerbée entre les pays occidentaux et le reste du monde. Le dumping social et le dumping fiscal ont provoqué une délocalisation importante des entreprises dans des pays ou la main d’œuvre était la moins chère.
Cette politique de l’hyper libéralisme imposée par les états a eu pour connaissance de désorganiser le marché du travail et provoquer des drames humains.
Il faudrait revenir à une politique de coopération en évitant au maximum qu’une concurrence déloyale entre les pays persiste dans l’avenir. Des mesures protectionnistes devraient être prises pour permettre de rééquilibrer les distorsions de concurrence entre les cinq continents.
Les Etats Unis n’hésitent pas à protéger leur marché intérieur, pour quelle raison ne devrions-nous pas faire la même chose quand nos intérêts vitaux peuvent être remis en cause. Il y va de la stabilité du monde et de la préservation de la paix.
L’ouverture des marchés sans garde fou, contrairement aux idées reçues, a provoqué de profondes inégalités entre les continents. Elle n’a pas fait reculer la misère et n’a pas permis de faire avancer la démocratie dans le monde. Il existe toujours des régimes dictatoriaux, et des régimes théocratiques qui maltraitent et privent de liberté fondamentale leur population.
Je finirai par un extrait de la Déclaration de Barack Obama à Pittsburg à l’issue du sommet du G20.
« Nous devons veiller à ce que, lorsque la croissance reprendra, les emplois augmentent aussi. C’est pourquoi nous poursuivrons nos mesures de relance jusqu’à ce que nos concitoyens aient de nouveau un emploi et nous les supprimerons graduellement dès que notre reprise sera forte. »
Il ressort de cette intervention de Barack Obama que la crise actuelle n’est nullement terminée et que les remèdes pour y remédier risquent de prendre quelques années encore, avant que nous retrouvions une reprise de la croissance à l’échelle planétaire si tenter que celle-ci revienne un jour et bénéficie au plus grand nombre, ce que je doute fort.
Fabrice LETAILLEUR

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