Les islamistes n'existent pas : il n'y a que des musulmans

Le débat aussi musclé qu’inattendu avec Mohamed Sifaoui aura au moins permis une chose : la clarification de sa position. On sait maintenant que son combat contre les islamistes n’est qu’une couverture, pour mieux défendre l’islam tel qu’il est aujourd’hui dans le monde, à savoir rétrograde, discriminatoire, et d’extrême-droite. Je propose donc que l’on se pose sereinement mais sérieusement la question : à quoi, et à qui sert le mot « islamiste » ?
Mon angle d’attaque de cette question est celui de la guerre qui fait rage actuellement, au moins depuis la fin de la guerre froide : la guerre de l’information. Avec l’économique, ce sont les deux types de guerre qui ont lieu partout, sans faire de morts ou presque mais non sans faire d’aliénés en masse.
La guerre de l’information est bien plus puissante que la guerre des tranchées, ou même des chars et des avions, car elle agit directement sur la conscience des gens. George Orwell l’avait bien (pré)vue, dans son 1984, Alvin Toffler également, dans tous ses livres sur le changement de pouvoirs, passage de la violence et de la richesse à la connaissance. S’il est devenu une banalité que de l’affirmer, encore faut-il le démontrer, ce qui reste le plus difficile tant nos consciences sont imprégnées des concepts mêmes avec lesquels nous devrions combattre les plus malsains d’entre eux. Ainsi en est-il du terme islamisme, et de son dérivés islamiste, dont même Riposte Laïque use et abuse encore dans ses colonnes, c’est dire. Cela arrive même aux meilleurs, comme on dit.
L’encyclopédie ouverte Wikipedia nous informe du fait qu’à son origine, créé par Voltaire lui-même, islamisme était synonyme d’islam (retenez bien cela), mais c’est ensuite que son sens a évolué, pour devenir ce qu’il est aujourd’hui, à savoir une « idéologie manipulant l’islam en vue d’un projet politique : transformer le système politique et social d’un Etat en faisant de la charia, dont l’interprétation univoque est imposée à l’ensemble de la société, l’unique source du droit. »

En ce sens, Mohamed Sifaoui serait un musulman anti-islamiste, et Ben Laden un islamiste anti-tout le reste, y compris anti-musulman. Ainsi donc, selon cette définition, l’islamiste se réclamerait de l’islam mais ne serait pas musulman lui-même, et les musulmans ne seraient pas islamistes. Nous aurions affaire là à deux catégories bien distinctes, avec pour seuls points communs, excusez du peu : le Coran, Mahomet, les 5 piliers de la foi musulmane, les hadiths, la nourriture halal, dire « Allah ouakhbar », réciter les 99 noms de Dieu, aller à la mosquée, etc. etc. etc.
Malgré tout cela, la supercherie ne sautait pas aux yeux jusqu’à présent. Et pourtant, c’est un fait : les islamistes n’existent pas. Il s’agit d’une catégorie inventée par les aïeux de M. Sifaoui d’une part, de M. Blondel d’autre part, pour faire croire à la perfection de l’islam. En effet, les mauvaises interprétations de l’islam sont automatiquement exclues de l’islam, et qualifiées d’islamistes, quand aux bonnes interprétations, elles sont jalousement gardées, revendiquées, et défendues mordicus comme musulmanes. Les notions de bon et de mauvais changeant en fonction du lieu, de l’époque, et de la culture où les musulmans se trouvent. Il y a là un problème d’irréfutabilité, propre on le sait depuis sir Karl Popper, aux idéologies les plus totalitaires.
Mais il y a aussi un problème de logique, en tout cas dans l’acception occidentale de ce terme : plus un musulman se rapprocherait du dogme musulman, plus il suivrait le Coran à la lettre, moins il serait musulman. Plus on prendrait Mahomet comme modèle, ce que le Coran demande explicitement, moins on serait musulman. Si on ne devient pas schizophrène après cela !
Tous les Mohamed Sifaoui et tous les Marc Blondel du monde ne suffiront pas à démêler cette contradiction fondamentale, d’autant que la différence d’avec le christianisme par exemple est gigantesque. Il ne s’agit donc pas d’une logique qui serait propre aux religions seulement. Ainsi, plus on suit les règles de l’Evangile, plus on est censé être pacifiste, à l’instar de Jésus, mais plus on suit les règles du Coran, plus on est censé être guerrier et violent, à l’instar de Mahomet. On me répondra « et les croisades ? ». Lors des croisades, les chrétiens s’éloignaient de leur dogme, mais lors des conquêtes musulmanes, les musulmans se rapprochaient du leur.
En quoi Ben Laden ne suit-il pas l’exemple de Mahomet ? Au contraire, il suit ses préceptes quasiment à la lettre ! Il est donc musulman, et non islamiste.
Les islamistes n’existent pas, c’est une catégorie textuelle inventée de toutes pièces pour dédouaner l’islam de tout défaut, de tout problème, et rejeter la faute sur ceux qui auraient mal compris ou mal appliqué le Coran. Cette guerre sémantique a trouvé là une de ses plus belles armes, une arme de destruction massive des défenses intellectuelles contre l’islam.
L’islamisme permet toutes les diversions : de l’islam, mais aussi de l’islamisation. En effet, puisqu’il convient de combattre les terroristes, il convient aussi de défendre les musulmans dits modérés qui souffrent de la stigmatisation inhérente à la diabolisation des islamistes. Et le sacro-saint mécanisme de culpabilisation, lié à l’antiracisme et à la repentance, se trouve encore plus renforcé. Puisque la burqa est le signe des islamistes, il convient de la combattre, tout en défendant, implicitement voire explicitement, le voile comme étant acceptable puisque porté par des musulmans dits modérés. Fort heureusement, Riposte laïque n’est pas tombé dans ce piège-là et je vous en félicite, toutefois je vous invite à aller jusqu’au bout de votre logique et à bannir définitivement de vos futures colonnes et de vos futurs débats cet épouvantail sémantique, qui fait fuir le raisonnement et la logique et qui dédouane l’islam de ses véritables torts. Vous verrez que les choses deviendront beaucoup plus claires, d’elles-mêmes.
L’islam n’a pas évolué depuis Voltaire, époque à laquelle islamisme était synonyme d’islam. Il convient donc de revenir aux sources, et d’arrêter de tomber dans le même panneau, encore et encore.
Jean Robin

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