Les questions de race : ce que disaient nos experts en 1950

Nous sommes en effet très mal informés.  Le 20 juillet 1950 à Paris, l’UNESCO avait réuni un ensemble d’experts dont la collaboration fraternelle avait abouti à la rédaction d’un texte officiel au titre évocateur :  « Déclaration d’experts sur les questions de race ». On le trouve sur la toile.

Il s’agit d’un texte qui se présente sous la forme de quinze articles, quinze articles édifiants dont le premier stipule que « les savants s’accordent à reconnaître que l’humanité est une et que les hommes appartiennent à la même espèce ».

Très exactement ce que dit l’Eglise dans sa langue théologique lorsqu’elle postule l’unité du genre humain. En bons philosophes, les experts s’attachèrent alors d’abord à définir le mot. Une « race » (biologiquement parlant) peut donc se définir comme un groupe parmi ceux qui constituent l’Homo sapiens (souligné dans le texte original). L’article 7 admet que même si les races humaines sont classées différemment selon les anthropologues, ceux-ci s’accordent pour admettre trois grands groupes : mongoloïde, caucasoïde et négroïde.

En gros et à la louche, les blancs, les noirs et les jaunes. Ce sont nos grands savants eux-mêmes qui le disent. L’article 8 évoque la question de la sous-classification, pour ajouter que les experts ne sont pas d’accord et que rien n’est établi nettement. On peut donc déduire légitimement qu’il y a toujours trois grands « groupes ethniques » repérables, que la variable dominante semble la couleur, mais que pour des sous classifications, l’affaire est plus délicate.

Suit un certain nombre de considérations générales qui disent dans la langue pédante de nos savants jurisconsultes ce que nous savons tous, du moins lorsque les neurones sont correctement connectés, que ni le caractère ni la personnalité ne dépendent de la race.

Fort de toutes ces certitudes, l’article 13 affirme que rien n’interdit « l’hybridation ». C’est le mot utilisé. Aujourd’hui on dit plutôt « métissage », plus poli, plus élégant, moins désuet.

Or l’hybridation, selon nos grands savants, c’est « l’un des principaux mécanismes de la formation, de la fusion ou de l’extinction des races » mais ça n’entraîne pas de dégénérescence. Rien n’empêche donc d’imaginer que, à plus ou moins long terme, à force d’hybridation, il n’y aura plus que des blancs, ou des noirs, ou des chinois. Pardon, des mongoloïdes, des caucasoïdes ou des négroïdes.

Moi franchement, pourvu qu’on apprenne encore le violoncelle, qu’on prie Jésus Christ et qu’on chante l’Ave Maria de Gounod ou de Schubert, si l’une ou l’autre de ces couleurs disparaissait, je m’en remettrais sans dommages psychologiques lourds, même si je trouve qu’un monde café au lait perdrait en contraste. Nos savants préconisent par ailleurs de dire désormais : « groupes ethniques ». Je suis d’accord. J’avais moi-même proposé autrefois, « grands peuplements ». Mais personne ne m’a écoutée. J’avais 23 ans, et j’étais étudiante en anthropologie religieuse. Oui, cela existait. Mais on n’était pas très nombreux. Il y avait le fils du Premier ministre du Togo.

L’article 14 est admirable, il affirme que l’homme aurait un « instinct inné de coopération », une « tendance naturelle plus forte que la tendance égocentrique ». C’est très exactement ce que dit saint Augustin. Il y aurait même, et nos savant l’expriment clairement, « une éthique de la fraternité universelle et là, il faut citer in extenso : « c’est en ce sens que l’homme est le gardien de son frère ». C’est beau non ?

Le problème, comme le soulignent avec justesse nos grands savants, ce n’est pas le fait physique de la « race » ou plus exactement de la « variabilité qui se produit dans un groupe donné ». C’est l’interprétation qu’on en fait, le « mythe de la race ». Nous sommes d’accord.

Marion Duvauchel
Historienne des religions – professeur de lettres et de philosophie

Nota bene :
Signalons ce passage édifiant (article 15). « Il faut affirmer, et de manière la plus catégorique, que l’égalité en tant que principe moral ne repose nullement sur la thèse que tous les êtres humains sont également doués. Il est bien évident qu’au sein de tout groupes ethniques, les individus diffèrent considérablement par leurs aptitudes ». Il faudrait peut-être en informer d’urgence les membres de notre gouvernement ?
Oserais-je signaler que parmi les signataires, on trouve le nom de M. le professeur Claude Levi Strauss, auteur de Race et histoire et de Race et culture.
Deux ouvrages, que, question brûlante, il conviendrait peut-être désormais d’interdire, car ils posent un certain nombre de problèmes qui ne sont pas politiquement très corrects, comme par exemple la cohabitation de membres de groupes sociaux aux habitus incompatibles. M. Lévi Strauss souligne ailleurs qu’il lui serait difficile de vivre dans une société privilégiant le bruit, parce que son « ethos » d’homme d’étude demande le silence. Parfois nos experts ont tout de même du bon sens.
Je crois qu’aujourd’hui, on musellerait toutes ces éminences grises. Le texte est encore sur la toile. Profitons-en pour aller le lire tant qu’on le peut encore.