Lettre d’une horrible intellectuelle occidentale à la jeunesse islamiste

unnamed-24Hier, j’ai fait un rêve. Eh bien le voici : on y voit un enfant. Il a la peau brune, luisante, et les cheveux crépus. En guise de vêtements, il ne porte qu’un pagne tout maculé de sable ocre. Son corps est maigre et ses bras pendent avec nonchalance dans le vide qui encadre son diaphane squelette. Appelons-le Timi, et gageons qu’il a huit ou neuf ans. Il est calme, son beau visage baignant dans le silence, semble éclairé par de belles traînées de lumière orangées et bleues. Tout à coup, on entend le crépitement d’un feu. Du bois doit être en train de brûler quelque part dans la pièce, dont les murs de terre ont la même teinte que les poussières qui tachent sa culotte. Plus tôt dans la matinée sans doute, le garnement se sera-t-il frotté à l’un d’eux. C’est une bibliothèque de brousse et Timi vient d’y mettre le feu. Soudain, un adulte surgit devant l’enfant, entraîne le pyromane au dehors, court prévenir les villageois afin que ces derniers viennent combattre les flammes.

Tous deux s’asseyent au pied d’un flamboyant :
–    Timi, pourquoi as-tu fait cela ? Sais-tu bien malheureux, ce que tu viens de faire ? Tu viens d’incendier la Bibliothèque !
–    Oui, j’y ai mis le feu, là. Et puis après ?
–    Et puis après ! Mais comment, ignores-tu que sur Terre, il n’existe pire drame ? Ton acte est un crime ! Par lui, tu viens de priver des générations entières de racines et de moments d’extase ! Tous ces livres, songes-y, les as-tu au moins ouverts ? Les vers éternels, ceux qui te rapprochent du cœur des hommes, les as-tu récités ? Timi, as-tu seulement saisi un livre pour le serrer contre ton cœur d’enfant ? Car vois-tu petit, le livre, c’est un ami intime, c’est toi seul qui le choisis et pour que tu l’aimes fort, il te raconte des bêtises, t’étrangle de rire, fait de grands gestes, tombe par terre, se roule dans la neige dont il te décrit les cristaux, leurs formes, leurs teintes irréelles, la fraîcheur poudreuse immatérielle qui aussitôt posée sur le bout de ton doigt, fond et t’abandonne avec quelques gouttes de pluie.

Le livre Timi, c’est un miracle sans cesse renouvelé. Ah, que ne t’ai-je aperçu à temps pour te mettre en garde ! “Attends !”, t’aurais-je crié, “attrape un livre, là, sur l’étagère ! Approche-le de ton visage, plus près ! À présent, ouvre et respire !”. Car le livre, mon jeune ami, c’est la brise marine qui s’engouffre dans la grand-voile d’un navire glissant. Il emporte ta poitrine offerte vers les rivages exotiques d’un voyage à deux, à vingt, à mille ! Le grand frisson de l’aventure, c’est le livre qui te le procure. Bien avant que tu ne sois en âge de vivre ta propre existence, tu la rêves et le livre t’en inspire les contours iodés.

Les histoires dans lesquelles tu te retrouves merveilleusement précipité, n’ont plus d’esclaves ni de dictateurs. Grâce au livre, ton esprit se trouve sublimement illuminé et armé des seuls outils qui le protègent.Non pas ceux dont nous nous servons pour labourer la terre ; ceux-là, nous font courber l’échine. Pas non plus ceux que de sombres fous fanatiques nous obligent à tenir entre les mains ; ceux-là, versent le sang et font de nous des assassins de nos frères humains. Non Timi, l’immense cadeau que t’offre le livre, c’est d’accorder à ta conscience l’éveil et la capacité d’exercer un regard critique sur toute chose. Alors soudain, la croyance flamboyante pâlit, le livre sacré vacille subitement, tremblant sur ses propres piliers à la manière des gestes mal assurés des mauvais artistes, tandis que la récitation de versets haineux devient une succession incohérente de propos insensés irrémédiablement suspects, tant par la connaissance acquise, ton âme lumineuse s’est élevée bien au-delà de la Terre, par-delà toutes les visions obscurantistes du monde. Et toi, à la place de vouloir me rejoindre dans ces azurs illimités où la volupté sert de couche aux flammes immortelles, voilà que ton acte vient d’ouvrir ta prison, où tout n’est que sécheresse du cœur, ténèbres et désolations.

Petit, n’écoute pas les hommes en noir qui en investissant le village, on interdit l’accès à la case des trésors pillés. Ne sais-tu pas que le soir, tandis que nous dormons, ces derniers s’y enferment pour consulter les livres ? Or, s’ils font cela Timi, c’est pour trouver les arguments qui prétendront aux foules des Fidèles musulmans de la Terre, que la vénération d’un seul livre vaut mieux que tous les autres. C’est un piège, qu’ils tendent à la jeunesse des hommes. Enfant, je vais te dire le seul livre qui soit, c’est celui qu’écrivent les générations au cours des âges de l’humanité. Chaque page lue constitue la bibliothèque d’un homme, que ce dernier range sur les rayons d’étagères invisibles, lesquelles se nomment sa mémoire. Plus tard, lorsque la mort est proche, il ressent ce soudain besoin tendre d’en caresser encore quelques belles lignes, parce qu’elles l’avaient aidé à supporter sa vie. Et en un homme, mon tout petit, cette richesse meurt la dernière.

Prête l’oreille au murmure du savoir, il t’enseignera le respect de l’altérité, l’humilité contre tous les orgueils, le droit contre la tyrannie, la vérité contre le mensonge, la vertu contre le vice, le sens du devoir, l’honneur et le privilège suprême qu’il est à demeurer humain mais surtout Timi, l’amour pour son prochain, sans lequel nous ne serions rien. Les poussières émiettées des belles statues réduites en poudre sur le sol de la case prohibée, je sais que ton innocence s’y est roulée follement ce matin. Pour toi, qui es à l’âge des jeux interdits sans conséquences, l’expérience t’était toute naturelle. Comment eusses-tu pu savoir mon cher ange, que ces majestés sculpturales t’eussent révélées la beauté de ton âme ? Or, en brisant les merveilleux vestiges de ces ravissements laissés par les civilisations anciennes, ce sont les milliers de messages de tendresse qu’elles voulaient offrir en héritage qu’ils ont anéantis ; tant les hommes en noir caressent l’ambition de détruire définitivement l’amour, dans le cœur des hommes. Et toi mon enfant, mon frère, mon flambeau, songe que tu viens d’éteindre la lumière qui ne demandait qu’à éclore derrière tes grands yeux fiévreux. Dis-le-moi à présent, pourquoi as-tu détruit tout cela ?
–    Mais, c’est que… je ne sais pas lire, balbutie l’enfant.

Puis après un spasme de désespoir, Timi lâche encore :
–    Cinq fois par jour, mon père et ma mère récitent le livre sacré. Si bien qu’à force de les entendre, moi, je retiens les versets, je les récite, je les chante. Maman dit que ma voix est ensorcelante, comme celle du muézin. Alors elle est fière de moi. Et puis, elle dit aussi qu’Allah est fier de mes parents, parce qu’ils m’inculquent la foi. Moi, je veux juste que mon père et ma mère m’aiment…
Voyez-vous mes chers compatriotes, il existe hélas des millions de Timi en France, et bientôt plusieurs millions de ses frères auront atteint l’Europe. D’ailleurs, les plus déterminés ont déjà passé nos frontières. Mais je ne voudrais pas quitter ce monde avec la pensée que vous, avec d’autres, pussiez vous désintéresser de leur sort. J’aimerais au contraire que l’on songeât à ceci : Timi n’est pas né musulman. À sa naissance, son privilège n’avait guère différé de celui de tout être humain, qui est le don de la vie. Cependant aujourd’hui, la vie de Timi court les dangers d’une double menace : D’abord, celle qu’exerce sur son destin le fanatisme religieux de groupes barbares invisibles, mais déjà largement disséminés à travers les villes et les campagnes européennes. Et puis il en existe une seconde, plus pernicieuse encore parce que difficilement identifiable ; celle de l’éducation que l’enfant recevra de ses parents.

Le sanctuaire de l’école n’y changera rien. Il est éminemment dangereux de vouloir charger l’école d’une autre mission que celle de l’Instruction. Toute tentative de la sorte reviendrait à multiplier des lieux de garderie, où le “vivre ensemble” aboutirait à se partager une médiocrité commune de destins. Cette sinistre ambition pourrait-elle être le vœu d’aucun gouvernement ? Je ne puis me résoudre à en accepter l’augure. Ce serait l’assassinat de la pensée au nom d’une fausse charité et dans cette éventualité, les terroristes islamistes auraient gagné.

Alors, de quelles solutions dispose-t-on pour tenter de sauver Timi, sans courir le risque du renoncement à la civilisation occidentale ? Celle-ci peut-elle faire l’économie d’un lien de confiance avec les Musulmans laïques ? Or, l’authenticité de ces derniers suscite une suspicion légitime, car quelles garanties avons-nous que ces hommes, en apparence éclairés, tendent une main véritablement fraternelle ? Tout le piège réside précisément dans ce dilemme. Que penser d’une mère d’origine musulmane, qui voyant depuis sa fenêtre deux de ses fils refuser un simple contrôle d’identité et physiquement agresser les représentants des forces de l’ordre, descend et abat à sa tour sa main contre les agents puis s’en va se présenter comme la victime d’une violence intolérable dans une démocratie ? Faudra-t-il tomber dans le piège de l’indignation perpétuelle, là où seule la sournoiserie fût à l’œuvre ? Ou faudra-t-il que les Français se souviennent de cette seule certitude : il n’est de grand royaume que celui dans lequel se soumettre à la loi, est le privilège de l’homme libre ?

Mylene Doublet-O’Kane