L'incroyable cacophonie de la classe politique, au lendemain des cantonales

Devant le spectacle désastreux des réactions de la classe politique d’hier soir, j’ai envie de dire : « Allez, encore un petit effort, continuez à vous perdre collectivement dans les eaux usées, voire boueuses de la cacophonie. Continuez à livrer, à droite comme à gauche, vos états d’âme sur la stratégie à adopter face à la percée que je continue de qualifier de “parfaitement prévisible” du Front National depuis 1998, et à ce rythme là, le Front National n’aura plus besoin de faire campagne en vue des élections présidentielles de 2012 ! »
Qu’avons-nous, en effet, vu et entendu hier soir jusque tard dans la soirée ?
D’un côté, Jean-François Copé semblait satisfait des résultats obtenus par l’ U.M.P. Doit-on comprendre qu’il considérait que l’ U.M.P avait sauvé les meubles ? Apparemment, oui. Sur ce, il ajoute que sa représentation politique a “reçu cinq sur cinq” le message des électeurs qui ont voté pour le Front National ou ont opté pour l’abstention. Réaction qui laisse on ne peut plus perplexe si l’on se souvient que l’U.M.P avait déjà affirmé avoir entendu le message de ses électeurs lors des élections régionales de 2010. Or, qu’est-ce qui a changé dans la vie quotidienne des Français depuis 2010 ? Rien.
Seul Patrick Devedjian a tenu un discours intelligent, précisant qu’il fallait se méfier des annonces parfois montées de toutes pièces sur les intentions de vote de nos concitoyens et qu’on ne raconterait pas indéfiniment des sornettes à ce peuple qui en avait vu d’autres. Ouf, l’honneur est sauf ! Il y en a au moins un qui y voit clair, c’est déjà çà !
Néanmoins, la cacophonie a repris de plus belle dès ce matin. Les uns nous annoncent qu’il faut “mettre un terme à tous ces débats”. Comprenez d’emblée : le débat sur la laïcité annoncé pour le 5 avril prochain serait mort avant d’être né. Manière pour le moins assez cavalière de se moquer des Français ! Supprimer le débat sur la laïcité après l’avoir annoncé, c’est le meilleur moyen d’ouvrir un boulevard au Front National qui se l’appropriera intégralement et se gaussera de la majorité en place en clamant haut et fort, dans quelques mois, qu’il aura été le seul parti à débattre des sujets qui fâchent. Et que fera l’U.M.P à ce moment là ? Une fois de plus, elle constatera qu’elle s’est mis la tête dans le sac ! Mais la réalité est plus complexe qu’elle n’y paraît car, en fin de compte, rien ne dit que ce débat soit déjà mis au placard : sur un autre versant de l’U.M.P, s’expriment ceux qui, au contraire, souhaitent maintenir les débats annoncés, affirmant que “rien ne doit être tabou”. Point de vue que je partage sauf qu’il aurait juste fallu tenir ce discours il y a au moins déjà dix ans de cela, n’est-ce pas ? Finalement, nous découvrons, en vérité, une majorité présidentielle qui se fissure sous les coups de boutoir répétés du Front National qui risque de parvenir à abattre là sa carte politiquement la plus meurtrière.
Et les élus de gauche là dedans ?
Alors là, je dois avouer, une fois n’est pas coutume, que Monsieur Mélenchon m’a beaucoup faite rire et je le dis vraiment sans aucune ironie. C’est, en effet, le seul élu de la République française qui ne s’est pas noyé dans l’ivresse des résultats certes encourageants du Parti socialiste mais qui ne permettent pas pour autant de voir l’un des leurs d’office élu dans quatorze mois à l’élection présidentielle, allant jusqu’à se prêter à son exercice favori qui est la distribution de baffes bien ciblées tant à l’encontre de la droite que de la gauche. Tard dans la soirée, Madame Guigou en a d’ailleurs fait les frais : de manière, il faut bien le reconnaître, pertinente, Jean-Luc Mélenchon lui a remis vertement les idées en place sur la question du relèvement obligatoire du niveau des salaires, tant dans la fonction publique que dans le privé. J’aurais, au passage, apprécié que Madame Guigou nous parlât de ce que propose le Parti socialiste aux huit millions de personnes dans notre pays qui gagnent 840 ou moins de 840 euros par mois, pour leur permettre de sortir la tête hors de l’eau. Mais cette réalité sociale lui a, de toute évidence, complètement échappé.
Puis, décidément très en forme, Monsieur Mélenchon n’a pas oublié, à juste titre, de tirer la sonnette d’alarme en demandant à l’ensemble de la classe politique de cesser de se livrer à leurs petits comptes d’apothicaire, les uns comptabilisant les voix divers droites à celles obtenues par l’UMP, les autres greffant les voix des écologistes sur les “scores” électoraux du Parti socialiste. Donc et bien que je continue de ne pas partager, c’est le moins que l’on puisse dire, toutes les idées de Monsieur Mélenchon, j’encourage toutefois grandement ce dernier à continuer de secouer le cocotier sur la gauche de l’échiquier politique, notamment au Parti socialiste parti, semble-t-il, pour planer pendant quelques semaines encore sur le petit nuage de ses résultats électoraux.
Non, sérieusement, espérons que tout ce beau monde va se ressaisir à temps pour éviter au peuple français, déjà victime des crises économique, sociale et identitaire gravissimes, de ne pas devoir, en plus, trancher plus vite qu’on ne pourrait le croire, aux lieux et places d’une classe politique qui donne le sentiment de ne plus savoir où orienter le gouvernail, à ses dépens, les choix que notre classe politique aurait dû faire depuis longtemps. Je n’ai personnellement jamais douté que la France ait des tripes et, croyez-moi, le moment venu, elle saura les mettre sur la table. Elle y perdra peut-être la vie mais en aucun cas son âme : c’est là l’essentiel !
Bonapartine.

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