L’Ivraie, un roman décapant sur l’enseignement

L’Ivraie, un roman décapant sur l’enseignement
L’Ivraie (éd. Léo Scheer) est un roman d’une grande drôlerie sur un sujet dramatique : la fin de l’enseignement et de la transmission du savoir. On suit l’itinéraire de Jean Lafargue, un écrivain de cinquante ans, désargenté, une sorte d’anar de droite, solitaire et misanthrope, qui décide de quitter Lyon, où il vit, pour Vitrac-les-Saligues, une petite ville de la banlieue bordelaise, où il a accepté un poste de professeur de français et d’histoire dans un lycée professionnel.

Riposte Laïque. Est-ce que l’on peut dire que votre héros découvre finalement les effets délétères de l’antiracisme et du politiquement correct sur les esprits, autant sur ceux de ses élèves que sur ceux des autres professeurs ?
Bruno Lafourcade. Oui, sans doute, c’est en partie le sujet de ce roman. Par exemple, les élèves, qui peuvent être simultanément très orduriers, dans leur langage ou leurs attitudes, reprennent ce nouveau professeur parce qu’il dit « mademoiselle » : « Vas-y, M’sieur, comme ça existe plus c’mot, comme on n’a plus le droit de l’utiliser ! Ch’uis choqué. » Choqués, ils le sont aussi quand mon personnage, qui n’est pas le genre d’homme à se laisser dicter sa façon de s’exprimer, parle de « race ». « Il y a des quantités de sens à ce mot, dit-il. Pourquoi le limiter à ce que les nazis en ont fait ? ».

R.L. Le politiquement correct, c’est aussi l’influence des associations homosexuelles… On verra votre professeur aux prises avec un militant qui vient parler de tolérance…
Bruno Lafourcade. L’école sert moins à enseigner, aujourd’hui, qu’à « transmettre des valeurs » : la tolérance, comme vous dites, entre autres choses.

R.L. Et ça, votre personnage n’y croit pas…
Bruno Lafourcade. C’est le moins que l’on puisse dire. Jean Lafargue est un homme à l’ancienne, qui ne croit pas aux fameuses « valeurs ».

R.L. À quoi est-ce qu’il croit ?
Bruno Lafourcade. Il me semble qu’il croit moins au mélange qu’aux frontières : il y a des hommes, et ce ne sont pas des femmes ; des cancres, et ce ne sont pas de bons élèves ; des Français, et ce ne sont pas des Africains. Mon personnage croit aux différences et aux hiérarchies, et il pense que leur disparition a eu des effets désastreux sur la société.

R.L. Votre roman illustre d’ailleurs ce que les anglo-saxons ont appelé le white flight, la fuite des Blancs, c’est-à-dire le remplacement de la population indigène par de nouveaux venus, dont les mœurs et les intérêts se sont imposés à l’ancienne population, qui a préféré fuir.
Bruno Lafourcade. Oui, et on constate que, à l’origine de la venue de ces nouvelles populations, il y a eu une alliance entre le patronat et les hommes politiques locaux… Le héros, en étudiant l’histoire de la banlieue où il a atterri, constate que ces changements de population ont pour origine une gravière qui s’est installée entre le fleuve et le lycée et qui, trente ans plus tôt, a eu besoin de main-d’œuvre à bas prix…

R.L. Une élève sort du lot, dans une de ses classes : Noria, qui est d’ailleurs victime de quelques autres élèves…
Bruno Lafourcade. C’est le syndrome du « bouffon » : on ridiculise l’élève excellent, quand on ne le persécute pas…

R.L. Est-ce que des professeurs peuvent passer à côté d’un élève brillant ?
Bruno Lafourcade. C’est loin d’être impossible, de sorte que l’on en arrive à cette aberration, ce retournement complet : un bon élève « dépasse » les autres, il se fait remarquer, et ça contrevient à l’idée que se font certains professeurs de l’égalité…

R.L. Il y a beaucoup d’autres thèmes dans votre roman, notamment le complotisme qui a, dites-vous, gangrené tous les types de raisonnement, autant chez les élèves que chez des professeurs…
Bruno Lafourcade. Oui, Jean Lafargue dit même que « cent cinquante ans d’instruction publique et obligatoire ont abouti à l’obscurantisme d’avant Galilée »…

R.L. C’est aussi un roman sur l’écologie, sur le lien entre l’industrie et la destruction des paysages, et encore un roman sur la situation d’un écrivain à notre époque, puisque votre héros est lui-même écrivain… Il y a, par exemple, une description hilarante d’un salon du livre régional, avec un débat ridicule…
Bruno Lafourcade. … animé par Edwy Plenel…

R.L. Où l’on retrouve votre veine satirique, que l’on ne quitte d’ailleurs jamais longtemps… D’où vient cette envie de ridiculiser les travers de la société ?
Bruno Lafourcade. Oh ! rire, c’est souvent tout ce qui reste quand on se sent impuissant…

Propos recueillis par Roland Larrieu

http://leoscheer.com/spip.php?article2481
https://livre.fnac.com/a12429174/Bruno-Lafourcade-L-ivraie
https://www.amazon.fr/Livraie-Bruno-Lafourcade/dp/2756112410/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1534866240&sr=8-1&keywords=l%27ivraie+bruno+lafourcade

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14 Commentaires

  1. …..Thank God they are so dumbs. Ils ont la mémoire d’un poisson rouge.

  2. Si l’école enseigne la tolérance , en tant qu’enseignant , je suis le premier surpris .Les enfants se traitent de pédé dès le premier jour de mat.Après, cela continue mais sur le chemin du retour , en hypocrite. Le politicaly correct , c’est le langage des hypocrites. Plus tu l’es plus tu l’utilises.Voir Hillary.En public , elle est pour les Latinos ,les Noirs , les réfugiés. Dans ses e-mails, elle écrit qu’ils sont sales, des prédateurs sexuels et dit des Blancs..

  3. La dernière phrase de l’interview est magnifique.. le rire est vraiment tout ce qui nous reste.. et encore, pour l’instant ! J’ai hâte de lire le bouquin !

  4. Quand le Rire devient une forme de Lâcheté !
    Quand la Haine devient une Vertu…

    • Oui, car ils communistes, troskistes, maoistes, écologiques, humanistes, ect … en gros ce sont des cons parfaits et l’EN aime ce genre d’individus, j’en sais quelque chose, étant un ex !!!!

    • Bien obligés!!! Retraitée, je travaille bénévolement, pour le plaisir, et observe que mes jeunes collègues sont littéralement traumatisés par une série d’épées de Damoclès… auxquelles j’échappe!

  5. Cet entretien me donne l’envie de lire ce roman. Tant mieux si l’on rit un peu…

  6. Mon “résumé” de vieux prof aimant ses élèves: “L’école est une sorte de garderie où on fait semblant d’occuper des jeunes qu’on ne peut pas faire travailler.”
    J’en suis plus que navrée et tente de compenser un peu en apprenant… à lire et à écrire à des gosses de 15 à 20 ans, intelligents, qui se demandent ce qu’ils f… à l’école.

  7. Surprenant cet article! Il y a plus long de RL que de l’interviewé ! RL fait les questions et les réponses ? Il suffisait de faire un compte rendu du bouquin. Enfin, moi ce que j’en dis hein ?…..

    • Rien de nouveau sous le soleil. A l’époque (1984 ?) Maurice Maschino avait écrit un livre qui s’intitulait ” Voulez vous vraiment des enfants idiots “.
      C’est un peu le serpent de mer qui ressort à chaque période.

        • Dans un domaine différent, il y a un sketch très drôle sur le métier de prof de Gaspard Proust.

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