Londres, son palais royal, sa City, ses attaques à l’acide…

 

Adele Bellis, Katie Piper, Isobella Fraser, Pru Fraser, Samir Hussein. Ces noms ne vous disent rien ? Ce ne  sont que quelques noms d’une longue liste de victimes d’attaques à l’acide qui sévissent en nombre croissant telle une épidémie depuis quelques années  en Grande Bretagne, à Londres plus particulièrement. 450 agressions de ce type dans l’année écoulée qui  se produisent n’importe où, cinémas, boîtes de nuit, supermarchés, ou la rue tout simplement. Dernièrement, une bande de jeunes à motos a mené l’une de ces attaques dans des quartiers de la capitale.

Selon la Police londonienne,  aucune étude n’a encore été faite en Grande Bretagne  sur ce genre d’agressions. Il est donc difficile pour l’instant d’avoir des certitudes. Les cibles de ces attaques ?  On pense d’abord aux femmes, de préférence jeunes, et jolies. Et en effet, un  agresseur arrêté explique pourquoi il s’en est pris aux femmes en utilisant ce type d’agression :  un homme sera fier de ses cicatrices, il les montrera à ses potes. Tandis qu’une fille, c’est “regardez-moi”. De toutes façons ajoute-t-il,  si elles sont brûlées, c’est qu’elles ont fait quelque chose. Elles l’ont mérité. Aller à la police pour régler ses différends ? Ça ne se fait pas dans le quartier.

On pourrait donc  voir dans ce phénomène un nouvel aspect de la misogynie culturelle ou religieuse, l’importation, comme le disent certains lecteurs dans les commentaires des articles de la presse britannique, de coutumes orientales ou musulmanes. Mais il semble qu’il ne faille pas conclure trop vite en ce sens.

Contrairement à ce qui se passe dans certains pays d’Orient, Inde, Pakistan, Afghanistan, Népal,  où les femmes sont de fréquentes victimes de ce genre d’agressions, à Londres, on compte autant d’hommes que de femmes parmi les victimes. Le tabloid, The Mirror, publie une impressionnantes galerie de portraits de victimes, défigurées à vie.

Les motifs,  en fait, sont très variés et ne se limitent pas à la vengeance amoureuse,  Jaff Shah, président de l’association Acid Survivors Trust International, cite également le racisme,  les vols à l’arraché, le crime organisé ou l’acte gratuit.

Ces attaques sont d’autant facilitées que l’arme du crime est facile à trouver : des produits nettoyants domestiques à base d’acide sulfurique ou de chlore que l’on peut se procurer dans n’importe quelle grande surface, tels l’eau de Javel, les déboucheurs liquide ou l’acide des batteries. Le port d’armes est interdit en Grande Bretagne. Celui de produits à base d’acide, lui, ne l’est pas, ce qui explique, selon la police, la recrudescence de ces actes.

Si  les motifs semblent variés et les cibles  hétérogènes, les auteurs de ces attaques se recrutent majoritairement chez les  hommes,  jeunes, souvent mineurs.

Faut-il voir dans ce phénomène, non le dernier épisode en date d’un conflit ethnique ou religieux, mais la résurgence d’une lame de fond de violence apparue dès l’époque victorienne avec l’ère industrielle, connue sous le nom de vitriolage – le vitriol étant, dans les mélodrames du XIX° siècle,  l’arme de la vengeance ou celle des femmes jalouses voulant éliminer une rivale – particulièrement virulent en Grande Bretagne?

La France a ses convulsions qui prennent l’allure de jacqueries, de grèves, de révoltes, et autres révolutions. La Grande Bretagne a ses explosions de violence récurrentes, tels le hooliganisme, qui même s’il s’était répandu en Europe, y avait trouvé son berceau. Est-ce ce à quoi nous assistons : une nouvelle forme de violence urbaine à la sauce acide british et qui pourrait bien traverser la Manche?

Florence Labbé