M. Blondel, je me sens trahi par les positions de la Libre Pensée

Monsieur Blondel,
Je me suis syndiqué à FO quand vous en avez pris la tête. Retraité de l’Education Nationale, j’y suis toujours syndiqué. J’ai adhéré à FO pour son indépendance à l’égard de toute idéologie, politique ou religieuse et pour sa défense inconditionnelle de la laïcité. J’ai fait toutes les grèves appelées par FO, suivi tous les cortèges et assisté à tous les meetings, ainsi qu’à la grande manifestation commémorant le centenaire de la loi de 1905. J’ai bu et approuvé les paroles de votre discours qui a clos cette manifestation. Je n’imaginais pas à l’époque que je pourrais entendre de votre bouche les propos que vous avez tenus devant la commission parlementaire sur la burka. Je suis en désaccord total avec la position que vous avez développée sur ce sujet, position dont j’avais eu en substance connaissance auparavant par des membres de la Libre Pensée du Vaucluse à propos des cas de Robert Redeker et Fanny Truchelut.
Comment pouvez vous comparer la soutane des prêtres catholiques (que bien peu portent de nos jours) ou la cornette des bonnes sœurs (en voyez vous beaucoup dans la rue ?) avec la burka ou tout autre vêtement du même type ? Soutane et cornette sont des vêtements sacerdotaux que ne portent que les membres du clergé, alors que la burka peut être portée par toutes les femmes de la communauté musulmane. C’est le cas en Afghanistan et dans la plupart des pays où l’Islam est religion d’état, pays dans lesquels les femmes n’ont aucune liberté de s’habiller autrement. En Islam il n’y a pas de clergé au sens où nous l’entendons, il est diffus dans l’Oumma, la communauté des croyants.

Comment pouvez vous assimiler la soutane et la cornette à ce symbole de soumission et de négation de soi que représente la burka pour les femmes ? Les prêtres et les bonnes sœurs font-ils pression sur les hommes et les femmes afin qu’ils portent les uns la soutane, les autres la cornette ? Existe-t-il des pays au monde ou des femmes seraient condamnées ou assassinées pour avoir refusé de porter la cornette ?
J’ai entendu certains membres de la Libre Pensée de ma connaissance déclarer que puisqu’on interdisait le foulard islamique à l’école comme signe religieux ostentatoire, il fallait aussi interdire les petites croix ou les médailles de la vierge en pendentifs. Mais la main de Fatma au cou des petites musulmanes ou l’étoile de David au cou des jeunes Juifs ont-elles jamais posé problème ? Ont-elles jamais été considérées comme des symboles religieux ostentatoires ? Comment pouvez vous affecter d’ignorer que la burka, ou tout voile islamique, est le signe de la phobie du corps, en particulier du corps de la femme, qui caractérise l’islam ?
Ces femmes qui se voilent ou qu’on voile, ont-elles la liberté de faire du sport en short ou en justaucorps, de se mettre en maillot de bain sur la plage ou à la piscine ? Sauf, bien sûr en burkakini ou dans les créneaux horaires réservés aux femmes dans certaines piscines. En Islam, la femme doit se voiler pour ne pas éveiller la concupiscence de l’homme. Ces pratiques sont-elles acceptables dans notre pays, dans notre civilisation dans lesquels ces dernières décennies ont vu la libération du corps dans le vêtement comme libération pure et simple des carcans du puritanisme chrétien ? Peut-on accepter sur notre sol ce retour en arrière en vertu de préceptes moyenâgeux ? Comment pouvez vous affecter d’ignorer que la burka, ou tout autre voile, n’est pas un simple accessoire vestimentaire, mais une tenue religieuse militante manifestant un prosélytisme agressif à l’égard des femmes supposées être de religion musulmane ? En permettant, au nom des libertés individuelles, que de telles tenues soient portées dans l’espace (je tiens au terme !) public, on permet cette agression à l’encontre des femmes issues du monde musulman. Le permettre, c’est de la non assistance à personnes en danger.
Inapplicable disent certains en contestant le bien fondé d’une loi ? Laisserait-on circuler en toute liberté celui qui porterait un uniforme SS ? Ou celui qui déambulerait nu dans les rues ? Elle a bon dos la liberté individuelle !
La Libre Pensée me semble engagée sur une bien mauvaise voie dont je ne suis pas sûr qu’elle serait approuvée par ses fondateurs. Son silence assourdissant sur l’Islam, sa cécité sur l’offensive islamiste dans notre pays me font penser qu’elle a tourné le dos à l’idéal laïque de ses origines. Je la considérais pourtant comme un rempart de la raison contre l’obscurantisme et le retour aux vieilles lunes du passé.
Il est vrai qu’on peut sans risques critiquer les religions chrétiennes, il n’y a pas de représailles à redouter de ce côté-là.
Relents d’un sentiment de culpabilité mal placé quant à la présence passée de la France dans les pays du Maghreb ? Volonté délibérée de se donner bonne conscience en se plaçant dans le camp de ceux qui font profession de rechercher à tout prix du racisme même là où il n’y en a pas ? De se placer dans la nébuleuse de la gauche bien pensante aux côtés des crypto-islamistes du MRAP de Mouloud Aounit? Votre laïcité me fait étrangement penser à la « laïcité ouverte » ou à la « laïcité positive » de Sarkozy.
Toujours est-il, monsieur Blondel – dans le temps j’aurais dit « cher camarade »- que je me sens trahi par les positions actuelles de la Libre Pensée et que je me retrouve parfaitement dans celles de Riposte Laïque dont j’ai signé la pétition contre le port de la burka, pétition que je fais signer autour de moi.
Sentiments laïques
Daniel Carturan
PS. Il est évident que la burka est une provocation initiée il y a une vingtaine d’années avec la tentative de faire entrer le voile islamique à l’école, provocation qui sert de test pour les islamistes dans un contexte international : on teste les résistances de la France. Ne pas répondre à la provocation est facile et tentant. Mais c’est à double tranchant et risque d’être interprété comme un recul entraînant une nouvelle avancée : si on laisse passer la burka, qu’est-ce qui viendra ensuite ?

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