M. le maire de La Rochelle, faut-il un débat sur la laïcité, ou d’abord faire respecter la loi de 1905 ?

M. le Maire

Je prends la liberté de vous écrire en espérant que vous m’accorderez quelques instants de votre emploi du temps chargé. Je souhaiterais parler d’un problème qui fait l’actualité en ce moment : faut-il un débat sur l’islam et la laïcité ?

Fut un temps pas si lointain, 19ème siècle, où l’Eglise Catholique régnait en maître sur les consciences, sur la vie de la société, sur les décisions politiques ; à titre d’exemple, un certain Adolphe THIERS, grand bourgeois réactionnaire, n’affirmait-il pas : « Je veux rendre toute puissante l’influence du clergé, parce que je compte sur lui pour propager cette bonne philosophie qui apprend à l’homme qu’il est ici-bas pour souffrir… ». De nos jours, tout un chacun serait scandalisé d’entendre de telles paroles d’un autre âge !

Notre République a eu la chance de compter en ses rangs des hommes politiques de gauche, tels Jean Jaurès, Aristide Briand, Emile Combes, dont le combat a permis le vote de la loi de 1905 portant séparation des Eglises et de l’Etat, cantonnant les religions dans la sphère privée et pacifiant les rapports entre les membres de la société.
Monsieur le Maire, je ne vous apprends rien, vous savez mieux que quiconque quel lourd tribut votre ville de La Rochelle (« la Génève française », bastion de l’Eglise Réformée) a payé aux guerres de religion au cours de son histoire.

Je rappelle seulement le siège de La Rochelle du 11 février 1573 au 26 juin 1573 et son cortège de malheurs pour les habitants, les 40 ans que durèrent les Guerres de religion ayant entraîné tant de souffrances au sein du peuple et le départ du Royaume de France de 200.000 huguenots.
L’Edit de Nantes, dit « édit de pacification », signé le 13 avril 1598, mit fin aux guerres de religion ; cet édit de tolérance reconnaissait la liberté de culte aux protestants.

De l’avis des historiens, l’édit de Nantes marque un tournant dans l’histoire des mentalités : sa signature marque la distinction entre le sujet politique, qui doit obéir, quelle que soit sa confession, à la loi du Roi, et le croyant, libre de ses choix religieux dorénavant cantonnés à la sphère privée. L’homme se coupe en deux : une moitié publique et une moitié privée ; les actions et les actes sont soumis sans exception à la loi du Roi.
Je comparerais volontiers l’Edit de Nantes à la Loi de 1905.

Je rappelle également le siège de La Rochelle du 10 septembre 1627 au 28 octobre 1628, date de la capitulation des habitants, qui a anéanti votre ville, entraînant la mort de 22.500 des 28.000 habitants de la cité. Je rappelle aussi les innombrables mesures prises par Louis XIII, Louis XIV et leurs ministres, sous la pression des ligues catholiques, à l’encontre des protestants du royaume et aboutissant à la Révocation de l’Edit de Nantes le 18 octobre 1685 : une cinquantaine d’années de malheur pour le peuple de France, une fuite sans précédent des cerveaux (de 500.000 à 1.000.000 de huguenots) vers l’Angleterre, les Pays-Bas, la Suisse, la Prusse, les Pays scandinaves. Une véritable saignée pour la France.
Que de drames au nom des religions ! En l’occurrence la remise en cause par les catholiques d’un acte de pacification des rapports sociaux.

Monsieur le Maire, je pense que vous ne me contredirez pas, la France connaissait depuis le début du 20ème siècle et la promulgation de la Loi de 1905 une période de paix et de tolérance entre les religions, cette même Loi garantissant à chaque citoyen la liberté de conscience et de culte dans le cadre de la sphère privée.

Or, que constatons-nous depuis une vingtaine d’années ? L’émergence d’un islam radical et les multiples tentatives d’ingérence de cette religion dans l’espace public, ses revendications contraires à la loi hélas souvent satisfaites par des élus de la République (port du voile intégral dans les lieux publics, non-mixité dans des établissements publics, prières dans les rues, repas halal dans les cantines scolaires, financement public des mosquées…).

Faire cette constatation, qui est identique dans tous les pays d’Europe occidentale, est-ce faire preuve d’un « esprit de division », d’une « obsession anti-musulmane », est-ce « stigmatiser » les musulmans, est-ce être « raciste », « fasciste », « xénophobe » ? Défendre les valeurs de la République chèrement acquises par nos illustres anciens conduirait-il à tomber sous le coup des lois anti-discrimination ? N’est-ce pas le « monde à l’envers » ?

Afin de ne pas mécontenter les musulmans radicaux dont le but ultime est l’instauration en France de la charia (certains quartiers de Lille, Roubaix, des banlieues parisienne, lyonnaise, marseillaise sont déjà des enclaves communautaires islamiques où règne la loi coranique), des hommes politiques envisagent de « modifier », « d’aménager » la Loi de 1905. Ce serait un drame pour notre pays, la fin du Vivre ensemble, une trahison envers les Pères de cette loi, une renonciation à notre République Une et Indivisible, un plongeon dans l’inconnu obscurantiste !

Si la Loi de 1905 devait être « modifiée », « aménagée » au profit de l’islam, je considèrerais cette décision politique comme une « Révocation de la Loi de 1905 » (acte comparable à la sinistre Révocation de l’Edit de Nantes), signifiant un retour en arrière de 100 voire 300 ans et la mort de la France des Lumières.

Un débat sur l’islam et la laïcité est-il nécessaire ? Et si nous commencions par faire appliquer la Loi de 1905 et toute la Loi de 1905, de façon à ce que toutes les religions, et notamment l’islam, restent cantonnées strictement à la sphère privée ?

Restant à votre disposition et vous remerciant de votre écoute, je vous prie d’agréer, Monsieur le Maire, l’expression de mes sentiments distingués.

André Bonnetain

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