On attend d’un ministre de la République française un strict respect des lois laïques de la République, et en particulier du droit « de croire ou de ne pas croire » en matière de foi, et du droit d’expression de toute conviction religieuse et philosophique. Ce droit n’est pas réservé aux croyants ou aux fidèles des religions. Tout comme on peut respecter une religion, on a également le droit de la critiquer, et même de s’y opposer en paroles ou en écrits.
Or Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, vient de franchir la ligne rouge, et par deux fois.
Dogme n° 1 : l’islam est respectable
Le 30 septembre, elle déclare dans une intervention à un séminaire européen sur la radicalisation dans les prisons (1) : « L’Islam est l’une des grandes religions de notre pays, qui est respectable et qui est respecté. »
Il est étrange qu’une ministre de l’Intérieur d’un Etat laïque donne, dans une déclaration officielle, une version officielle sur la « respectabilité » d’une religion donnée. C’est déjà une atteinte à la neutralité laïque à laquelle elle est tenue. Mais c’est également porter un jugement de valeur sur l’islam, et dénier à quiconque le droit de trouver cette religion non « respectable », ou d’en critiquer des dogmes qu’on peut trouver « irrespectables » parce qu’ils sont contraires aux droits de l’Homme ou aux valeurs républicaines.
Dogme n° 2 : « Tous les Français » fêtent la fin du ramadan dans la joie et la piété
Le 1er octobre, l’AFP nous apprend que la même ministre a envoyé « un message de vœux aux musulmans » à l’occasion d’une de leur fête religieuse (2). C’est l’une des entorses à la neutralité laïque de sa fonction, comme on a pu en voir récemment de nombreuses de la part de nos ministres ou du chef de l’Etat, soit à l’occasion de la visite du pape, soit à l’occasion du « ramadan ».
Dans son message au président du CFCM, Michèle Alliot-Marie déclare s’associer « en pensée à ce moment de recueillement et de joie auquel se joignent tous les Français, qui seront nombreux à vous manifester leur amitié et leur attachement en cette circonstance. »
La ministre de l’Intérieur prend ses désirs pour des réalités. « Tous les Français » ne se « joignent pas » à l’Aïd-El-Fitr, dans le « recueillement » et la « joie ». La majorité d’entre eux s’en fichent totalement. Ce déni de réalité est bien curieux pour une ministre dont les fonctions comportent les « renseignements généraux » sur ses compatriotes.
La dhimmitude érigée en religion d’Etat
Mais au-delà de cette contrevérité ministérielle monumentale, dire que « tous les Français » se réjouissent avec piété d’une fête islamique, c’est dénier le fait qu’on puisse être un Français qui ne se soumet pas à cette pensée unique que nous prête Michèle Alliot-Marie. C’est imposer un seul rapport possible entre chaque citoyen et l’islam : la subordination à ses fêtes et l’obligation de les respecter – dans l’allégresse qui plus est -, même quand on n’est pas de confession musulmane. En terre d’islam, ça s’appelle la dhimmitude. On peut s’étonner d’une telle « radicalité » chez une ministre de l’Intérieur qui s’inquiète de la « radicalisation islamique » dans nos prisons.
Bien sûr, ces deux phrases semblent anodines par rapport à toutes les atteintes à la laïcité que multiplient chaque jour nos élus, nos gouvernants ou nos fonctionnaires. Elles sont pourtant très graves, puisqu’en affirmant que « tous les Français » trouvent l’islam « respectable » et célèbrent une fête islamique, non seulement Michèle Alliot-Marie donne dans la propagande religieuse par un mensonge d’Etat, mais elle proscrit tous les citoyens qui critiquent l’islam, ou ceux qui apostasient cette croyance et ses dogmes.
C’est la négation d’une réalité, et, plus grave encore, du « droit de croire ou ne pas croire » et du droit au blasphème. Quand une ministre de l’Intérieur érige la dhimmitude en religion officielle, et qu’elle prête à « tous les Français » un sentiment unique par rapport à une religion donnée, nous sommes littéralement en pleine police de la pensée.
Scoop n° 1 : il n’y pas d’islamophobes en France
N’en déplaise à Michèle Alliot-Marie, « tous les Français » manifestent bien plus d’« amitié » et d’« attachement » à Voltaire et à la laïcité qu’à Mahomet et à ses pompes. Nos compatriotes sont « nombreux » à trouver « respectables » Robert Redeker, Ayaan Hirsi Ali ou Théo Van Gogh. Ou encore Jack-Alain Léger qui se revendique « islamophobe » parce qu’il juge l’islam « athéophobe, éleuthériophobe, apostasiophobe, gynophobe, homophobe, judéophobe, hétérophobe, exogamophobe, érotophobe, hédonophobe, eidolophobe, oenophobe, et j’en passe » (3).
La ministre de l’Intérieur nie l’existence même de tous ces Français libres penseurs qui se foutent de l’islam et de la fin du ramadan, ou qui les critiquent. Mais que fait la Halde face à cette discrimination « islamophobophobe » ? Comment se fait-il que ni le Mrap, ni SOS-Racisme, ni la Licra ne s’inquiètent de ces discours officiels ?
L’ignorance de Michèle Alliot-Marie pour les Français indifférents ou opposants à l’islam a tout de même un avantage : comme elle semble ne pas les connaître, ils échapperont peut-être au fichier Edvige ou à son successeur. D’autant plus que l’« islamophobie » menace bien moins l’« ordre public » en France et dans le monde que les dogmes de la religion-idéologie qu’elle craint et qu’elle critique. Aucun « séminaire européen » n’a cru bon de cogiter sur la « radicalisation islamophobique » dans les prisons.
« Joie et recueillement » place Bellecour
Bien que cela n’ait a priori rien à voir avec la « radicalisation islamique » chez les détenus européens, les ministres de l’intérieur qui ont assisté au séminaire présidé par Michèle Alliot-Marie ont-ils évoqué les curieux faits divers qui se répètent toutes les douze lunaisons, partout dans le monde, y compris en Europe ? Que pense par exemple le ministre belge de l’intérieur, des affrontements récurrents entre bandes qui se déroulent à cette période dans un grand cinéma de Liège (4) ?
Un autre exemple : Michèle Alliot-Marie peut-elle nous expliquer pourquoi – selon le Progrès de Lyon (5) – « plusieurs bagarres ont éclaté » ce même jour « dans le centre ville de Lyon, parmi une foule de jeunes gens en sortie à l’occasion de la fête de l’Aïd-el-Fitr » ? La ministre de l’Intérieur ne peut ignorer cela, puisqu’elle a même pris les devants, toujours selon le quotidien lyonnais : « Comme chaque année depuis huit ans à cette période, la police avait mis en place un très important dispositif de maintien de l’ordre, avec une compagnie républicaine de sécurité (CRS) et une compagnie de gendarmerie mobile. Les forces de l’ordre étaient présentes en nombre place Bellecour et aux abords du centre commercial de la Part-Dieu où la situation avait gravement dégénéré il y a plusieurs années. »
Michèle Alliot-Marie sait donc qu’« à ce moment de recueillement et de joie auquel se joignent tous les Français » (selon elle), il y a au moins les cinéphiles liégeois, les commerçants lyonnais de la Presqu’Ile et de la Part-Dieu, les « passants apostrophés et bousculés » dans la capitale des Gaules, dont « une femme enceinte âgée de 25 ans », qui ne sont pas à la « joie » ou au « recueillement », et qui ne se préoccupent guère de « manifester » leur « amitié » et leur « attachement » au président du CFCM. Pas plus que les CRS et les gendarmes mobilisés pour l’occasion.
Scoop n°2 : la radicalisation islamique n’a rien à voir avec l’islam
Naturellement, ni à Liège ni à Lyon, ni à Massy (6), ni en Irak (7) ni au Pakistan (8), ni même dans le lointain Kirghizstan (9), ces événements n’ont un quelconque rapport avec l’islam, qui est « respectable et respecté » selon le dogme officiel de la place Beauvau. Comme l’explique Michèle Alliot-Marie au séminaire européen : « La source de la radicalisation n’est pas l’Islam en tant que religion ». Toujours selon le même exposé, l’origine de la radicalisation des jeunes délinquants est à rechercher dans leurs « sentiments d’hostilité violente à l’égard de la société et de ses valeurs », « parce que les prisons sont un lieu où s’expriment les échecs et les fragilités ».
Et Michèle Alliot-Marie a distribué à ses collègues européens un « manuel de bonne pratiques », qui « définit le processus complexe de la radicalisation ». Elle n’a pas jugé utile d’y joindre le Coran en annexe, ou du moins quelques extraits qui définissent un processus décomplexé entre des commandements d’Allah et des passages à l’acte (10). Elle a eu raison, puisqu’elle affirme que ça n’a rien à voir avec « l’islam en tant que religion », et que sans doute l’islam ne prend sa « source » ni dans le Coran ni dans la biographie d’un prophète chef de guerre et sanguinaire.
Mais la ministre de l’Intérieur aurait pu tout de même faire intervenir un astrologue spécialiste du calendrier lunaire, qui aurait expliqué l’étrange récurrence de faits divers qui ne peuvent sans doute être expliqué qu’au travers d’un « processus complexe ». Ou Ayaan Hirsi Ali, ou Robert Redeker, ou Wafa Sultan, qui n’ont nul besoin de s’abriter derrière des spéculations sociologiques pour démontrer que la « radicalisation islamique » s’explique d’une manière bien plus étymologique : un musulman « radical » celui qui retourne aux racines de l’islam, à ses fondements et à ses dogmes, au Coran et à Mahomet. Un musulman modéré est celui qui s’en éloigne peu ou prou.
Les faits sont têtus
Evidemment, cela rend l’islam un peu moins « respectable ». Mais ça colle au moins avec les réalités et les faits, qui sont tellement têtus que de plus en plus, « tous les Français » ne croient plus au catéchisme de la religion officielle que nos ministres et nos élus tentent de leur inculquer. On comprend donc mieux pourquoi Michèle Alliot-Marie est obligée de donner des coups de sabre dans la laïcité et la neutralité qui devraient être siennes !
Cette manière de faire est suicidaire. D’une part elle ne combat pas la source de l’islamisme, du jihadisme et du terrorisme, qui ont de beaux jours devant eux tant qu’on diffusera des Coran et des biographies de Mahomet. D’autre part elle ment aux Français, qui réalisent que les discours ministériels ne correspondent pas à ce qu’ils constatent et qu’ils vérifient par eux-mêmes. Et tromper un peuple se termine toujours par une crise politique, voire une rébellion qui risque d’être récupérée par des va-t-en-guerre ou des apprentis dictateurs.
Il faut « regarder les choses en face »
Les faits sont têtus. Michèle Alliot-Marie semble découvrir seulement maintenant la radicalisation islamique dans nos prisons, alors qu’elle existe depuis qu’il y a des musulmans radicaux en France. Ca fait huit ans que les CRS lyonnais se préparent à contrer des émeutes à chaque fin de ramadan.
Ca fait aussi longtemps, et même plus, qu’on lutte contre le terrorisme islamique, et qu’on nous annonce qu’il est de plus en plus menaçant. Ca fait huit ans qu’on combat les talibans en Afghanistan, et ils reprennent le dessus, et ce sont d’autres talibans, bien de chez nous qui agissent en franchisés à Madrid, à Londres ou dans les banlieues françaises.
Les « territoires perdus de la République » n’ont pas été reconquis d’un seul pouce depuis 20 ans, bien au contraire. Un rapport Obin ose dire que des Juifs sont interdits de séjour dans certaines écoles de la République ou dans certaines cités ? On s’empresse de l’enterrer, et de faire passer des chasses aux kippas pour des affrontements entre bandes.
On disserte depuis des années sur les violences urbaines et les « sentiments d’hostilité violente à l’égard de la société et de ses valeurs », et à chaque nouvelle flambée, on fait les mêmes grands discours pour dire « plus jamais ça », on pond un Nième « plan banlieue », et on ressort les mêmes dissertations pseudo-sociologiques. “Jusqu’à la prochaine émeute (11), jusqu’à la prochaine ” beurette ” tabassée ou tuée parce qu’elle osait contrevenir à la charia (12) dans l’un de ces ” quartiers sensibles ” qui ne cessent de se multiplier (13).”
Dans son discours sur la radicalisation dans les prisons, la ministre de l’Intérieur veut « encourager » les « personnels pénitentiaires, directeurs, personnels d’insertion et de probation, personnels de surveillance, médecins, psychologues, éducateurs » à… « regarder les choses en face ». Qu’elle commence par elle-même et par ses collègues au gouvernement ! « Tous les Français » n’attendent que ça, et non pas d’être assimilés à des dhimmis par leur ministre de l’Intérieur, et de voir l’aveuglement réel ou feint de leurs gouvernants, et de constater l’échec patent de toute leur politique contre l’islamisme.
Roger Heurtebise
(1) http://www.interieur.gouv.fr/misill/sections/a_l_interieur/le_ministre/interventions/seminaire-radicalisation-prisons/view
(2) http://www.la-croix.com/afp.static/pages/081001112933.oani9s8e.htm
(3) in « Tartuffe fait Ramadan », éditions Denoël, 2003. Autres citations ici : http://atheisme.free.fr/Biographies/Leger_tartuffe_ramadan.htm
(4) http://www.7sur7.be/7s7/fr/1502/Belgique/article/detail/435078/2008/09/30/Deux-bandes-rivales-s-affrontent-au-Kinepolis-de-Liege.dhtml et http://www.7sur7.be/7s7/fr/1502/Belgique/article/detail/435109/2008/09/30/Calme-partiellement-retabli-a-Liege-apres-une-rixe-entre-deux-bandes.dhtml
(5) http://www.leprogres.fr/infosdujour/rhone/1048709.html
(6) http://www.leparisien.fr/essonne-91/la-tension-entre-quartiers-monte-d-un-cran-02-10-2008-262157.php
(7) http://www.radio-canada.ca/nouvelles/International/2008/10/02/001-irak-attentats.shtml
(8) http://www.lemonde.fr/web/depeches/0,14-0,39-37170429@7-37,0.html
(9) http://fr.rian.ru/world/20081002/117386092.html
(10) http://atheisme.free.fr/Contributions/Coran_violence.htm
(11) http://www.ledauphine.com/nuit-d-emeutes-a-romans-drome–@/index.jspz?video=56467
(12) http://www.20minutes.fr/article/254684/France-Elle-marque-sa-fille-au-fer-rouge-pour-l-empecher-d-epouser-un-chretien.php
(13) http://www.marianne2.fr/Banlieues-ca-ne-va-pas-mieux,-mais-on-n-en-parle-plus_a91771.html