Mitterrand a tout perverti, et le peuple a perdu sa souveraineté

Ayant parcouru les expériences très intéressantes de 1981 des auteurs de RL, j’ai envie de me livrer au même exercice.
L’avis d’une femme ordinaire ne peut-il pas lui aussi être représentatif de quelque chose, justement parce qu’il est partagé par un certain nombre de gens « lambda » ?
En 1981, j’avais trente ans et ne faisais pas de politique. Mais cependant j’avais quelques idées bien définies, par exemple je ne voulais plus de Giscard, à aucun prix. Sa suffisance, sa manière de se prendre pour Louis XIV réincarné, son incapacité à réformer certaines choses, m’avaient convaincue. Et puis aussi cet immense espoir chez les jeunes de l’époque, qui nous soulevait comme une vague, nous faisant croire que tout allait changer avec Mitterrand.
J’avais bien un proche qui m’avait parlé de l’attentat bidon perpétré par lui-même sur lui-même par Mitterrand dans le but d’attirer l’attention sur lui, mais l’enthousiasme de toute ma génération (ou presque) l’emportait.
Mais en mai 1981 j’habitais à l’étranger, et j’ai donc demandé à ma soeur aînée de voter pour moi. Quand je lui ai dit que je voulais voter pour Mitterrand, elle m’a répondu sur un ton aussi choqué que si j’avais commis un attentat à la pudeur : « tu n’y penses pas, voyons ! Je ne vote pas pour toi dans ce cas !… Je ne prends ta procuration que pour Giscard !… » bel exemple d’intolérance , d’ingérence dans mes affaires privées, et d’irrespect pour le système de la procuration. Bref, ostracisée, réprimandée, punie, je l’ai laissée voter pour Giscard en mon nom.
Au moins, dès les premières erreurs de Mitterrand, j’ai pu dire avec la plus entière mauvaise foi : « non, je n’ai pas voté pour lui !…». Brève et mensongère (comme lui) consolation.
Lorsque les 39 heures ont commencé à être débattues et organisées, j’étais de retour en France, dans une maternité, en train d’accoucher. Je n’oublierai jamais l’aide-puéricultrice qui venait s’occuper du bébé. Elle avait un tout petit salaire, elle était de ceux qui avaient dû placer beaucoup d’espoir en Mitterrand, mais ce n’était plus le cas. Elle était horrifiée par les 39 heures. Tous les jours elle me parlait des problèmes d’organisation de la maternité avec ces 39 heures. Elle me racontait que c’était déjà la croix et la bannière pour organiser le service de nuit avec 40 heures, alors avec 39 !…Et en partant, avant de fermer la porte de ma chambre, elle levait un poing fermé. Les « petites gens », les mal payés, les inquiets, ceux qui avaient voté pour lui, ceux qui avaient mis le plus d’espoir en Mitterrand, déjà étaient déçus.
Et la suite a été pire.
L’un des auteurs de votre journal parle de l’abolition de la peine de mort comme d’une victoire. Certes, bien sûr, une victoire de l’humanisme. Mais apparente seulement. Car pour moi on pouvait tout à fait garder la peine de mort dans l’arsenal de peines, sans l’appliquer. Pourquoi alors l’a-t-on abolie ? Par défiance envers le peuple, mis ainsi sous tutelle. Je m’explique : cette abolition marque selon moi une mesure démagogique, et surtout une défiance à l’égard des jurys populaires, présentés jusque là comme émanation du peuple souverain. Le peuple n’était donc plus souverain. C’est dans la même logique qu’on peut aujourd’hui faire appel d’un arrêt de cour d’assises. Et la Justice, depuis, erre. Elle a complètement perdu la boussole, pour ne pas dire la boule. Elle ne sait plus où elle en est. On voit un journaliste poursuivi et condamné pour avoir dit la vérité. On voit poursuivre Riposte Laïque pour ses opinions, mais certains groupes de rap peuvent tranquillement et ordurièrement cracher sur la France. Même les instance supérieures de la justice peuvent errer : on lit sur le blog d’un avocat général près la cour d’appel de Paris, que la cour de cassation casse quand ça lui plaît !…Qui a encore confiance en la justice de notre pays ? Pour moi, ayant fait des études de droit, la justice était un monument de probité, de finesse dans le raisonnement juridique, etc. Mais c’est fini. Ceci a engendré cela, selon moi. Et excusez mon vocabulaire, mais nous nous sommes fait baiser, dans tous les domaines et pas seulement dans celui du travail ou de la justice, par Mitterrand. Et il en jouissait, comme il a joui par avance d’imposer sa concubine à son enterrement, à côté de son épouse légitime, juste pour choquer le bourgeois.
Mitterrand a tout perverti. Et le peuple n’est plus du tout souverain, en rien. C’est l’idéologie qui règne. L’idéologie, ça peut devenir rapidement fasciste, si l’on n’y prend pas garde.
Sandrine Bussan