Munich ta mère

Je reviens du Liban. Alors que l’on se bat en France pour ou contre les régimes spéciaux, la retraite à 50 ans et la prime pour l’absence de prime, une cinquantaine de députés libanais vivent terrés dans leur propre pays, reclus dans leur propre capitale. Prison de luxe ? Peut-être, mais les rideaux sont tirés et ils n’ont pas le droit de se rendre dans les salles à manger, encore moins apparaître sur le balcon de leur chambre, de peur qu’un tireur plus ou moins isolé ne les prenne pour cible. Six d’entre eux ont été assassinés en deux ans.

C’est ainsi, en effet, que dans un certain Moyen-Orient, on règle les élections présidentielles : par l’élimination en série des représentants de la majorité anti-syrienne, on pèsera le poids du sang pour changer le destin de ce pays grand comme deux départements français.

Ne nous faisons aucune illusion : le sort de l’Europe se joue aussi en Méditerranée orientale, dans le seul pays ouvertement pluraliste de la région. Que cette diversité qui a donné, depuis des décennies, l’éclosion culturelle que l’on sait, vienne à disparaître, et c’est pour longtemps le triomphe de Big Brother et de la tenaille mortelle dont les deux bras sont dictature et islamisme, qui tiennent en otage des peuples perdus que le pétrole noie au lieu d’arroser.

N’en doutons pas : ce qui se passe au Liban est notre guerre d’Espagne à nous. Honte aux députés européens, à cet Euro-parlement bouffi et nanti, qui n’a même pas manifesté sa solidarité à ses collègues assignés à résidence par le fanatisme ambiant. Si l’on accepte que Beyrouth 2007 finisse en Munich 1938, que l’on ne s’étonne pas, ici même en Europe, de récolter ce que notre lâcheté a laissé croître.

André Bercoff

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