Myard propose l’état d’urgence et une juridiction spéciale pour Marseille : des chiffres !

Comme prévu, le « pacte national » proposé par Manuel Valls pour Marseille, qui a donné lieu à une réunion entre préfets et élus samedi matin, se solde par un nouvel échec. Le ministre de l’Intérieur promet des effectifs supplémentaires sans les chiffrer, et on ne s’est mis d’accord que sur un « objectif » de « de finaliser un pacte de sécurité et cohésion sociale dans les trois mois, avec un comité de liaison permanent ». Blabla…

Il ne pouvait en être autrement quand chacun des élus continue sa politique politicienne, tacle ses concurrents, et n’a en tête que les élections municipales de 2014 précédées d’une primaire socialiste. On ne peut plus rien espérer de cette UMPS marseillaise, quand on constate que des gens comme Jean-Noël Guérini et Sylvie Andrieux ont osé participer à la table ronde alors que le Front national qui représente 25% des habitants n’était pas convié.

Quelle hypocrisie de voir Patrick Mennucci et Marie-Arlette Carlotti critiquer la présence de « Nono » Guérini alors qu’ils faisaient partie de son équipe de campagne lors des dernières municipales ! Quel crédit accorder au tacle de Michel Vauzelle contre Sylvie Andrieux alors que c’est lui-même qui a signé des dizaines de demandes de subventions à des associations communautaristes et fantoches ?

gaudin-carlotti-vauzelle-gueriniTout cela manque de sérieux. On ne règle pas les problèmes avec ceux qui les ont créés, et donc il faut cesser les commentaires politiques dérivatifs au jour le jour pour préférer l’étude de vraies solutions au problème de toutes les formes de délinquance à Marseille.

Etudions donc la méthode de Manuel Valls, qui après défini des ZSP (Zones de sécurité prioritaire), consiste en des opérations « coups de poing » multidisciplinaires dans telle ou telle cité. La dernière en date a eu lieu jeudi et vendredi dernier à la Cayolle, enclave « sensible » dans les quartiers sud. La Préfecture de police en dresse le bilan : http://www.maritima.info/depeches/faits-divers/marseille/24557/marseille-armes-et-drogue-saisies-a-la-cayolle.html

Près de 150 policiers + des équipes cynotechniques + un hélicoptère pendant 2 jours.

Résultats :
– découverte de 5 véhicules volés, un fusil à pompe, un gilet pare balles et du cannabis (une « petite quantité » selon la presse…) ;
– quatre personnes interpellées ;
– deux procédures pour travail dissimulé.

C’est mieux que rien, mais c’est vraiment une goutte d’eau quand on connaît le quartier ou qu’on lit des témoignages de riverains, comme celui d’un habitant de la Cayolle dans La Provence : « Les CRS partent chaque soir à minuit. À minuit et demi, le rodéo des voitures commence. Ça crie, ça beugle jusqu’à ce que la voiture soit brûlée et que la fumée entre par les fenêtres. »

D’autres réactions désabusées sur le site du quotidien régional : http://www.laprovence.com/article/actualites/2521039/marseille-des-policiers-en-plus-inutile.html

« Cent policiers nationaux supplémentaires, ça sert à quoi ? »

« Plus ils les arrêtent, plus vite ils les relâchent. »

policiers-la-cayolleIl faut donc voir ce qui cloche. Par exemple, la Préfecture de police parle de « la fouille minutieuse de l’ensemble des parties communes, des parkings, des box et des grottes situées derrière la cité ». Ainsi, on ne fouille pas systématiquement les appartements ? Ce n’est pas étonnant qu’on ne retrouve qu’un fusil à pompe comme armes ! Les armes, elles sont chez les truands ou chez des « nourrices ».

Les 150 policiers qui étaient à la Cayolle, ils ne sont pas ailleurs. Les opérations coups de poing à la Manuel Valls, c’est tantôt dans une cité, tantôt dans une autre, avec de bien maigres résultats. Sauf peut-être à la Castellane où on est tombé sur 1.200.000 euros en liquide, et Valls n’arrête pas de s’en vanter. Mais l’élu EELV Karim Zéribi qui habite dans le coin dit que les trafics ont repris dès que les policiers sont partis. Et ce sera pareil à la Cayolle, dont Valls a fait grand cas dans la presse… sans annoncer le résultat des courses. Et ailleurs.

Ce n’est pas ajouter 200 ou 300 policiers ou CRS à Marseille qui va changer grand-chose.

Samia Ghali sénatrice-maire PS des 15ème et 16ème arrondissements et vice-présidente du Conseil régional veut envoyer l’armée, même dans les hôpitaux. Mais combien de soldats ? Pour quelles missions précises ? Hélas on ne trouve pas l’ombre d’un véritable programme sur son blog électoral, que ce soit sur la sécurité et cette proposition militaire ou sur d’autres sujets : http://www.samiaghali2014.fr/

samia-ghaliC’est dans un communiqué du député UMP Jacques Myard que j’ai trouvé l’ébauche d’une méthode qui, à situation exceptionnelle, apporte vraiment une réponse exceptionnelle pour au moins « vider ces quartiers des armes qui s’y trouvent à profusion :
– instaurer l’état d’urgence sur toute la zone,
– boucler ces quartiers et passer au peigne fin toutes les habitations,
– expulser tous les étrangers qui sont reliés de près ou de loin à tous les trafics,
– démissionner la ministre de la justice et mettre en place une juridiction spéciale dédiée et à laquelle seront déférés tous les délits et crimes. »

Donc contrairement aux opérations ponctuelles de Manuel Valls, la solution de Jacques Myard propose une action globale (« toute la zone »), une fouille systématique des appartements, et un règlement judiciaire rapide.

Mais les propositions du député UMP doivent être chiffrées. Rappelons que Marseille c’est 860.000 habitants dont 481.000 en ZSP (80 cités), 3500 policiers. Combien de forces de l’ordre supplémentaires faudrait-il ?

L’opération que suggère Jacques Myard rappelle la fameuse bataille d’Alger, gagnée par l’armée française et enseignée dans toutes les écoles de guerre. Donc donnons quelques ordres de grandeur : 585.000 habitants (moitié quartiers européens, moitié quartiers musulmans), 5 000 membres du FLN, 8000 paras (en plus des policiers et militaires chargés du maintien de l’ordre). La bataille d’Alger, c’était des quartiers bouclés avec des barbelés, avec fouille à l’entrée et à la sortie, au moins 24.000 arrestations en 6 mois, etc.

Nous sommes donc dans les mêmes ordres de grandeur que Marseille en terme de population habitant en « zone sensible ». Donc pour appliquer le programme de Jacques Myard, il faudrait 10.000 à 20.000 policiers entièrement consacrés à l’opération. On ne les a pas. Il n’y a que 240.000 policiers et gendarmes en France et ils ont déjà fort à faire.

Alors l’appel à l’armée semble une alternative possible. Les militaires ne procéderaient pas forcément aux perquisitions et aux arrestations, mais ils pourraient servir à « boucler ces quartiers » et remplacer ou épauler les policiers dans le maintien de l’ordre.

jacques-myardJacques Myard demande également « une juridiction spéciale dédiée », mais là encore il faut y mettre les moyens. Il faut prévoir des centres de rétention pour des milliers de personnes, des centres d’interrogatoire, des salles de tribunal pour juger les prévenus immédiatement, etc. Et nos prisons sont pleines et insuffisantes (1773 détenus pour 1372 places aux Baumettes…), et nos tribunaux sont débordés. Seule l’armée avec ses casernes de plus en plus désertées pourrait apporter cette logistique.

Et après avoir nettoyé Marseille, il faudra faire la même opération en Seine-Saint-Denis, en banlieue lyonnaise, etc. Ou alors simultanément ? Mais on n’aura pas assez de militaires… Et dire que Hollande veut réduire les effectifs des armées !

Sur le plan légal, Jacques Myard propose d’instituer l’état d’urgence. Celui-ci est défini par la loi du 3 avril 1955 toujours en vigueur et déclarée constitutionnel à plusieurs reprises : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000695350&dateTexte=20100516

On peut aussi se référer à la fiche Wikipédia pour des explications simples sur les conditions et les conséquences de l’état d’urgence : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tat_d%27urgence_en_France

quartiers-nordEt on s’aperçoit que cela permet de répondre parfaitement aux autres préconisations du député UMP :

– Les préfets peuvent interdire sous forme de couvre-feu la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux précis et à des heures fixées par arrêté. Donc on peut « boucler ces quartiers ».

– Par disposition expresse, le ministre de l’Intérieur et les préfets peuvent ordonner des perquisitions à domicile « de jour et de nuit ». Les perquisitions peuvent être faites sans le contrôle d’un juge. Donc on peut « passer au peigne fin toutes les habitations ».

– La juridiction militaire, via un décret d’accompagnement, peut « se saisir de crimes, ainsi que des délits qui leur sont connexes ». Voilà donc ce qui pourrait constituer la « juridiction spéciale dédiée » proposée par Jacques Myard.

En résumé, décréter l’état d’urgence devient de plus en plus incontournable. Et il faudrait non pas des centaines, mais des milliers de policiers supplémentaires à Marseille, ou alors de militaires apportant un appui logistique. Il ne s’agit pas de faire une « bataille de Marseille » similaire à la bataille d’Alger, mais au moins de dire que pour faire une grosse omelette il faut casser beaucoup d’œufs et annoncer combien il faudra en casser.

Alors Samia Ghali et Jacques Myard, aurez-vous le courage de détailler et de chiffrer vos propositions martiales, oserez-vous aller jusqu’au bout de vos idées à l’encontre des bisounourseries de vos camps UMPS respectifs ?

Djamila GERARD