NC J-27 : la charte des valeurs calédoniennes, une double arnaque

Mi-septembre 2018, dans un fascicule distribué à 70 000 exemplaires intitulé Le patrimoine commun du peuple calédonien, le parti politique Calédonie ensemble, parti qui oscille dangereusement entre l’attachement à la France et une très très grande souveraineté de la Nouvelle-Calédonie / Kanaky, a dressé un catalogue des valeurs calédoniennes.

Un ramassis indigeste dans lequel pullulent les marqueurs habituels du panurgisme idéologique.

Dans ce catalogue qui d’après ses auteurs est le résultat de dix mois de travail intensif, on a souvent un copié/collé d’un rapport d’une mission pompeusement baptisée mission d’écoute et de conseil sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie publié en octobre 2016 .

Les rédacteurs y psalmodient les valeurs universelles et républicaines, inventaire à la Prévert qui s’étend de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 à l’accord de Paris sur le climat de 2015 en passant par les résolutions de l’ONU de décembre 1960 sur l’octroi de l’indépendance aux pays colonisés et la Convention sur la diversité biologique de 1992.

Un fourre-tout saoulant, superficiel et hors-sol.

Là-dessus viennent se greffer de prétendues valeurs kanakes et océaniennes. Parmi celles-ci, la tradition orale, la coutume, les lieux tabous, le respect des anciens, l’humilité. Il y a un petit côté moyenâgeux dans cette litanie qu’on pourrait lire sur un parchemin écrit à l’encre invisible pour Harry Potter.

Une manière d’enfermer la communauté kanake dans ses pires délires, alors qu’une partie de la jeunesse mélanésienne désire s’extirper de ce système pour entrer dans un autre siècle. Une manière aussi de faire plonger les autres ethnies dans ce chaudron de pseudo-valeurs.

Enfin, sous le faux nez de la laïcité, sont mises en avant des valeurs chrétiennes plus proches de François 0 que de Benoît XVI. Un attachement à des valeurs « humanistes » qui, sous des termes vagues (obligation de la solidarité et du partage, recherche du bien moral et de la paix – imagine-t-on le contraire ?), permettent toutes les interprétations indépendantistes.

Pour juger du partage, il faut retourner – si on le peut – sur les terres redistribuées aux Kanaks pour apprécier ce que signifie le terme. Depuis la réforme foncière des années 80, la brousse la plus sauvage y règne à nouveau. Les familles spoliées habitent Nouméa et ne retournent chez elles que dans des chansons ou des simagrées de gestes de réconciliation grâce auxquels elles repassent une journée sur les lieux de leur vie d’hier.

Le texte est truffé de « vivre-ensemble », de « poteau central » (celui de la case mélanésienne), de « terre de parole, terre de partage » (devise si mensongère qu’elle en est ridicule et moquée par la majorité de la population), de droits de l’homme et d’égalité (malgré le fait que 30 000 personnes ont été écartées du scrutin référendaire)…

Un des meilleurs moments de lecture : « Nous affirmons notre volonté de garantir et de promouvoir l’égalité des droits… »

Ouf ! enfin.

Mais les mots qui suivent rafraîchissent l’espoir de l’instauration d’une démocratie réelle en Nouvelle-Calédonie « … à toute personne en situation de handicap ».

Claude Lévi-Strauss parlait de consommation stérile des valeurs « capable seulement de donner le jour à des ouvrages bâtards, à des inventions grossières et puériles. »

Pour qu’il en soit autrement, il pensait qu’il fallait réapprendre que toute création véritable de valeurs « implique une certaine surdité à l’appel d’autres valeurs, pouvant aller jusqu’au refus, sinon même à la négation. Car on ne peut, à la fois, se fondre dans la jouissance de l’autre, s’identifier à lui, et se maintenir différents ».

Marier la coutume et les droits de l’Homme, le droit à la propriété privée et les droits collectifs sur les terres coutumières, parler d’une communauté de destin alors que l’on considère que les uns forment un peuple et les autres seulement des communautés, fait non seulement du fascicule un ouvrage bâtard mais surtout une arnaque intellectuelle avec caution de l’État. Le mariage de la carpe et du lapin.

La Calédonie vaut mieux que cela.

Lucette Jeanpierre

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2 Commentaires

  1. Il faut arrêter le colonialisme et libérer enfin la
    NC… et libérer la France de ce boulet financier.
    Allez la culture kana que ! Rire…

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