Jean-Pierre Chevènement vient de faire une tribune sur Marianne 2 intitulée “Contre Marine le Pen, la République, la vraie ! ” qui laisse pantois. Il ne s’agit pas ici de faire le panégyrique d’une Marine le Pen dont on ignore encore ce qu’elle fera du FN (et que l’on peut critiquer par ailleurs) mais de demander à l’ancien ministre de l’Intérieur d’être objectif.
Il a eu le courage de démissionner quand il n’était pas d’accord, pourquoi n’aurait-il pas celui de reconnaître que sur certains points Marine le Pen est bien plus républicaine que tous les autres candidats et qu’il n’y a personne, absolument personne, actuellement, dans l’arc qu’il indique, allant de Mélenchon à Villepin pour relever le gant républicain ? Même pas lui, hélas, triplement hélas ! Et par refus de s’attaquer aux vrais problèmes.
On ne dira pourtant jamais assez à quel point Le Che a porté nos aspirations, nos espoirs, en 2002, et à quel point sa défaite du premier tour nous a désespérés, dans la conscience de repartir, condamnés, avec le tandem UMPS qui sévissait -et a sévi depuis- avec tant de conséquences néfastes pour la France… Certes la culture, la lucidité et la capacité d’analyse de l’ancien ministre de l’Intérieur sont énormes, mais il est de plus en plus porteur d’oeillères.
D’abord, relevons cette remarque anecdotique : il prétend ne pas connaître les chevènementistes qui graviteraient autour de Marine le Pen et être même prêt à les désavouer… Jean-Pierre Chevènement peut-il empêcher des gens qui ont apprécié ses idées et voté pour lui d’être passés au Front ? Connaît-il tous ceux qui ont voté pour lui ? Connaît-il même tous les anciens adhérents du MRC ?
Ensuite, au nom de quoi parle-t-il d’extrême-droite pour Marine le Pen ? Qu’est-ce qui, dans ses discours, ses interviews, ou son programme relèverait de l’extrême-droite ? On aurait aimé qu’il ne se contente pas d’affirmation mais qu’il le démontre, pour apporter de l’eau à son moulin. Je n’ai pas tout lu, pas tout entendu, je ne suis pas d’accord avec ses positions sur le mariage homosexuel, le déremboursement de l’IVG et l’idée du referendum sur la peine de mort mais je n’ai nulle part lu ou entendu qu’elle voudrait interdire la démocratie, remettre en oeuvre la censure, reconnaître à quelques élus aidés par la religion le pouvoir de tout régir, prôner la haine de l’autre etc.
Mais, surtout, ce qui m’a fait bondir, c’est ce passage : “elle est incapable de mettre en œuvre une politique de réindustrialisation et d’intégration des immigrés parce que l’idée même du citoyen lui reste étrangère. Quoi qu’il fasse, le Front national restera le parti de l’ethnicité et ne deviendra jamais celui de la citoyenneté. Il suffit de voir Marine Le Pen brandir la menace d’un « nouveau califat » sur le pays : elle nous ramène aux croisades, alors qu’il s’agit seulement de faire appliquer la loi républicaine, la même pour tous.”
Une fois de plus, dès qu’il est question d’islam, Jean-Pierre Chevènement perd sa lucidité et son objectivité : il est malhonnête d’affirmer que MLP est étrangère à l’idée de citoyenneté parce qu’elle est la seule responsable à pointer du doigt les dangers de l’immigration et des menaces que fait peser, justement, l’islam, sur la République et ses lois. Ce ne sont pas des vues de l’esprit et il n’est pas besoin de manoeuvres électorales pour constater ce que tous les Français voient tous les jours et ce que des spécialistes de l’immigration comme Michèle Tribalat ou Jean-Paul Gourevitch ont démontré avec maestria dans leurs livres.
Ensuite, prétendre que si le Front National remportait en 2014, à défaut des présidentielles de 2012, les élections locales, ” il s’approcherait alors du pouvoir de l’Etat. La France, pour le coup, en sortirait défigurée !” est quelque peu culotté, car il faut être aveugle pour ne pas se rendre compte que la France est, actuellement, déjà, défigurée, et que rien, je crois, ne pourrait être pire que de retrouver aux manettes ceux qui l’ont abîmée, délibérément et consciencieusement depuis 30 ans ; or c’est ce que nous propose le Che avec son appel à un improbable candidat qui serait présent dans les partis qui vont de Mélenchon à Villepin, de ceux qui fleurent la trahison, qui fleurent les compromissions avec l’islam, qui fleurent la régularisation des sans-papiers et l’appel à toujours plus d’immigration, de ceux qui ne valent pas mieux que les Strauss-Kahn/Aubry-Sarkozy/Fillon… Jean-Pierre Chevènement sait aussi bien que nous qu’il n’y a personne, pour le moment, dans cet espace, même un Dupont-Aignan a montré, comme Jean-PIerre Chevènement, son incapacité à être courageux en ayant un discours fort sur l’islamisation de nos pays, qui sera un thème majeur de la campagne de 2012. Ces deux républicains authentiques ont laissé passer leur chance, et ils voudraient crier au feu avant même de savoir ce que le FN deviendra sous la houlette de Marine le Pen. Ni nous ni eux ne pouvons le deviner ni le savoir, mais le minimum serait de ne pas faire de procès d’intention et de prendre à bras le corps les vrais problèmes pour secouer les rares républicains qui existent encore, peut-être, à gauche et à droite…
Christine Tasin