Occuper l’Allemagne en 1920, c’est découvrir un trésor basque en 2020

Thomas Ospital

J’ai enfin pu visionner « Occuper l’Allemagne ! » de Jérôme Prieur, 2019. Il dit : « J’ai voulu comprendre comment, en occupant une partie de l’Allemagne, la France avait joué avec le feu ». J’ai moi-même fait une autre découverte, un vrai coup de cœur sans coup férir.

Pour ceux qui auraient loupé ce documentaire captivant classé 5 étoiles, il est dispo en intégralité.

https://www.youtube.com/watch?v=xO8D05q2MKI

Triste vérité : Paris lâché par Londres et Washington

Jérôme Prieur survole la Rhénanie et la Ruhr de 1919 à 1930. On y voit l’uniforme bleu horizon dans les rues de Mainz, Koblenz, Wiesbaden, Düsseldorf, Essen : images atypiques pour un œil plutôt habitué aux bottes allemandes dans le Nord-Pas-de-Calais.

Au sentiment d’humiliation de l’occupation et à la résistance passive sous forme d’arrêt massif de la sidérurgie de la Ruhr, se joint un argument racial qui attribuera rapidement à la France le mauvais rôle, ce qui reste a posteriori surprenant au vu des préjudices irréparables causés par l’occupation allemande sur le sol français. L’Allemagne s’attirera même la sympathie de la part de l’opinion publique anglo-saxonne, les bourreaux devenant victimes en cinq ans à peine.

Ce mauvais rôle est conséquent à la perception singulière des Anglo-Américains souhaitant au plus vite le rétablissement d’une Allemagne industrielle stable. On prétexte la menace bolchevique mais la raison véritable relève des intérêts anglo-américains, d’où leur retrait précoce des zones occupées.

Dans sa quête de réparation des dommages de guerre, Paris sera lâché par Londres et Washington, visiblement indifférents au chaos régnant toujours dans le nord-est de la France… alors que les villes allemandes sont entièrement intactes ! L’expression « Honneur au vaincu » prend ici tout son sens, celui de la résilience des échanges extracontinentaux et surtout d’une Allemagne importatrice de denrées américaines.

Munich, 1923 : « Nous ne voulons pas être des serviteurs ! »

1920 : « Oui, nous voulons être des barbares »

Au point de qualifier les nouveau-nés de « Rheinlandbastarde » ou bâtards de Rhénanie, sobriquet donné sous Weimar aux enfants afro-allemands nés d’unions entre femmes allemandes et hommes des troupes coloniales françaises. En 1920, environ 20 % des forces françaises d’occupation appartiennent aux troupes indigènes, une partie en provenance d’Afrique noire.

Bertolt Brecht, pourtant non suspecté d’accointances ultérieures avec les nazis : « En Rhénanie, les nègres, par compagnies entières, engrossent les femmes. Ils s’en tirent sans punition, se rient des protestations de la population ».

L’exploitation propagandiste par Adolf Hitler prendra une tournure délirante : « Les Juifs sont responsables de la venue des Noirs en Rhénanie, avec pour but ultime l’abâtardissement de la race blanche qu’ils honnissent, afin d’abaisser son niveau culturel et politique pour que le Juif puisse la dominer », Mein Kampf.

Alfred Rosenberg enfoncera le clou en plaçant Français, Juifs et Noirs dans le même sac à ennemis. Selon lui, la France est à la pointe de l’abâtardissement de l’Europe par les Noirs et ne compte plus réellement parmi les États européens, c’est plutôt un avant-poste de l’Afrique, avec les Juifs à sa tête (!)

Brutalité • Bestialité • Égalité
La propagande allemande tente l’amalgame « occupant = sauvage noir »

2020 : « Oui, nous voulons être champions d’Europe »

Tout cela n’est plus qu’un lointain passé. Aujourd’hui, le talentueux Serge Gnabry – titulaire Bayern Munich et Mannschaft – est chargé ni plus ni moins que de ramener le trophée Euro 2020 à Berlin. Et le challenge est à sa portée, les nostalgiques de la peau blanche pouvant compter sur Marco Reus, Timo Werner et un Manuel Neuer visiblement plus à l’aise sur un ring de boxe, pas de remake Schumacher-Battiston svp.

Gnabry Made in Stuttgart, maman allemande, papa y voit rien ivoirien

Thomas Ospital s’invite en Allemagne occupée

Nietzsche disait que la tragédie grecque avait décliné parce que privée de sa musique. En toile de fond, la musique de Marc-Olivier Dupin est divine, accompagnant parfaitement la tragédie entre Français revanchards – on le serait à moins ! – et civils allemands de plus en plus révoltés.

J’ai été fasciné par l’organiste. Après recherche, il s’agit de Thomas Ospital, un jeune des Pyrénées-Atlantiques, actuellement professeur d’harmonisation au clavier au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris. https://thomasospital.com/

Un chat de gouttière, un Chat Noir, une clé de sol, un Thomas Ospital

De ce documentaire, je garderai en tête une France flouée financièrement, dont le montant des remboursements aux Américains fut supérieur à celui des dédommagements perçus des vaincus, l’une des nombreuses iniquités du siècle écoulé. Ma grille de lecture fut également mélomane à savoir les sonorités magiques de Thomas Ospital. Je suis réellement impressionné par cette perle basque, elle qui redonne à l’orgue toutes ses lettres de noblesse.

Richard Mil+a

Éducation musicale autour de l’orgue avec Thomas Ospital

https://www.youtube.com/watch?v=Pkj4FlVMOCU

Thomas Ospital en la Cathédrale de Bruxelles
Au répertoire : Bach, Mendelssohn, Schumann, Liszt