Monsieur Mélenchon nous déclare que les communistes n’ont pas de sang sur les mains. Il se réveille d’un sommeil long de presque un siècle, bercé par le souvenir apaisé de la Terreur. Franchement, je me félicite de ne pas avoir croisé ce type finalement antipathique du côté du couvent des Carmes, en septembre 1792.
En disant publiquement cela, Monsieur Mélenchon se love dans le cocon douillet des exterminateurs. À ses côtés, ronflant, le ventre plein, la tête dans les nuées des purifications en tous genres, ronronnent Staline et Mengistu, Pol Pot et Mao, d’autres encore, petits boutiquiers des massacres, en fait une compagnie de tueurs dont les mains rougies, encroûtées par le sang des peuples, n’eurent pas besoin de cuir ou de laine pour se protéger du froid. Cent millions de morts! Qui n’auraient pas un peu saigné avant de mourir? Monsieur Mélanchon nous prend-il vraiment pour des cons?
On ne rit plus. Les diatribes de Georges Marchais sur le bilan globalement positif du communisme en deviennent d’aimables conversations de salon, rangée sur les étagères empoussiérées de l’INA. On change de monde.
Pas de sang sur les mains des communistes, en France? Le beau mensonge! Des amis de la génération d’avant, aujourd’hui disparus, me racontèrent comment ils durent faire face aux Allemands, en 1940, avec des fusils dont les culasses avaient été rabotées, et les canons, voilés. Ainsi désarmés, des dizaines de leurs camarades payèrent de leur vie le Pacte germano-soviétique qui fit, du jour au lendemain, des soldats français des ennemis à abattre en priorité.
Pas de sang sur les mains, en Algérie? Je ne sais si Monsieur Le Pen a torturé là-bas. En revanche, je sais que les porteurs de valises du FLN stipendiés par les glorieux anciens de Monsieur Mélenchon ont participé à la mise à mort d’assez de jeunes gens, leurs compatriotes, suffisamment insouciants pour être allés prendre un pot à la terrasse de bistros d’Alger, d’Oran ou de Constantine. Pas de sang sur les mains de ces transfuges, vraiment?
Pas de sang sur les mains, le camarade Boudarel, qui participa à la rééducation par la faim, la misère psychique et bien souvent la salve exécutoire, des prisonniers sud-vietnamiens livrés à sa besogne de commissaire du peuple?
Et ailleurs, un peu partout dans le monde, de nos jours, pas de ce sang inutilement bourgeois, mécréant ou impur que les alliés présents de Monsieur Mélenchon, ces musulmans pour qui la vie d’un être ne vaut pas celle d’un chien, répandent quotidiennement au nom d’un Dieu parait-il miséricordieux, qui les laisse faire et les encourage? Quant au conglomérat gauchisant qui ingurgite et digère sans nausée le verbe du Guide-en-gestation, rien sur les mains, pour de bon, lorsqu’il collabore tout honneur aboli avec de pareils compagnons de route?
L’Histoire, on ne la ré-écrira pas. Mais face à elle, la morgue truqueuse de Monsieur Mélenchon résonne comme une sordide incitation à de nouvelles trahisons, à la levée, dans notre pays, de forces hostiles à sa pérennité, à sa seule survie. Par ses affirmations qu’en d’autres temps on eut trouvé loufoques, Monsieur Mélenchon se pose en géniteur d’une de ces guerres civiles dont les peuples sortent exsangues, soumis, anéantis. Déjà, il porte une lourde part de cette responsabilité-là.
La geste de cet homme, c’est la métamorphose d’un tribun habité par la lutte des classes en nettoyeur paranoïaque capable de s’allier au Diable pour purger la société de ses miasmes, en gros vingt à trente millions de gens. Car ne nous y trompons pas, son discours est le copié-collé à peu de chose près parfait de celui qu’entendirent, avant d’en subir le couperet, les cohortes de condamnés dont les fantômes étiques rôdent au-dessus des charniers de Sibérie, du Wollo éthiopien ou du pays khmer, pour ne citer que ceux-là.
Ainsi muni de son viatique pour l’instant simplement électoral, Monsieur Mélenchon, dont la crispation de la mâchoire évoque des modèles rhétoriques que l’on croyait inhumés pour toujours au cimetière des araseurs, s’avance vers nous pour nous promettre la grande éclaircie, le nettoyage par le vide sous le ciel purifié, la France enfin offerte à ceux qui en revendiquent ouvertement la propriété. Alors, je veux que les Français entendent cette parole et que surtout ils en interprètent le sens réel. Je veux qu’ils s’en saoûlent, qu’ils en soient pénétrés au point de finir, et le plus tôt sera le mieux, par la rejeter comme on se débarrasse, d’un geste, du suaire sous lequel on va être enterré vivant.
Je m’oppose de toutes mes forces mentales à Monsieur Mélenchon, mon compatriote que je persiste malgré tout à considérer comme tel. Et comme tel, je lui demande seulement de cesser de mentir et, pour ne pas trahir, de rompre l’alliance nouée sous nos yeux de citoyens de l’an 2012, avec le pire de nos ennemis, partant, des siens aussi. Et je demande à ceux du pouvoir qui, l’entendant comme moi et sachant pertinemment qu’en ne s’opposant pas frontalement à lui, ils accélèrent le mouvement qu’ils ont eux-mêmes amorcé et entretenu, d’avoir le courage élémentaire de se lever pour nous protéger, toutes affaires cessantes, de la tragédie.
Alain Dubos