Pour l’architecte Anne Demians, la démocratie, ce n’est pas pour le peuple

Ri7Révolte des Bonnets rougesL’autre jour, sur le plateau de Ce soir (ou jamais !), une architecte intervenait autour du vif débat, sanctionné par un vote de refus du Conseil de Paris, concernant le projet de construction d’une imposante tour dans le quartier de la Porte de Versailles, XVe arrondissement de la capitale. La tour Triangle, baptisée ainsi eu égard à sa forme, devait mesurer 180 mètres et être le troisième édifice le plus haut de la ville, après les tours Eiffel et Montparnasse (source : Wikipedia).

L’architecte en question, Anne Démians, face au refus passéiste des habitants et des élus, eut alors une de ces phrases « formidables » qui en disent plus long sur les élites – au sens large du terme – que n’importe quel discours. Elle prenait comme exemple Louis XIV, qui n’avait eu besoin d’aucune autorisation pour le château de Versailles. Il fallait oser ! Convoquer, dans une République, le monarque absolu par excellence et ensuite expliquer doctement que certaines questions d’architecture n’étaient pas du ressort de la populace, voilà ce qui me fit dresser la cocarde ! On aurait pu décliner cette affirmation à toutes les sauces et considérer que la valetaille que nous sommes n’était bonne qu’à élire çà et là des candidats idéologiquement conditionnés et sortis du même moule. Rappelons que l’émission s’intitulait : « Trop de démocratie tue la démocratie (ou le contraire) ? »

Par A+B, nous avions là une démonstration de ce que signifie ladite démocratie pour les hommes et les femmes des hautes sphères, lesquelles n’aiment pas beaucoup que l’on fourre notre nez plébéien dans leurs affaires.

Vous me direz, il ne s’agissait là que d’une tour. Mais une tour en cache bien d’autres, et nous ne devons pas nous leurrer lorsque des élus clament les vertus du référendum. Voter, d’accord ; seulement, si nous n’allons pas dans le sens qu’il faut, on passera outre nos décisions. Ainsi que l’explique si bien Eric Zemmour dans son dernier essai, les Français avaient rejeté le traité de Constitution européenne en 2005. Qu’à cela ne tienne, le traité simplifié de Lisbonne, identique au précédent mais en plus court, fut adopté en décembre 2007 par l’Assemblée nationale, qui autorisait ainsi le Président de la République à le ratifier. Et, pour citer Zemmour : « Le souverain peuple avait vécu. L’Europe aristocratique d’hier et l’oligarchie technocratique d’aujourd’hui tenaient enfin leur revanche sur ces incorrigibles Français. »

Le référendum, modèle de démocratie directe voulu par de Gaulle dans la Ve Constitution, n’est désormais plus qu’un os à ronger.

Et pour des questions aussi sensibles que le mariage pour tous ou, soyons audacieux, l’immigration, confier la décision à un peuple dont on redoute la réponse, c’est hors de question, quand bien-même on l’ignorait par la suite : ce serait trop voyant ! Idem pour la politique : les anciens des grandes écoles ne sont pas prêts à céder la place à des citoyens de la vraie vie. Parfois, tout de même, des René Monory, ancien garagiste, parviennent à faire carrière, mais bien encadrés : il ne s’agirait pas que la méritocratie se substitue à la courtisanerie !

Madame Démians avait finalement raison : c’est bien la cour de Louis XIV et pas la République qui est devenue le modèle référant. Les favorites peuvent interpeller des représentants de l’ordre afin de se frayer un passage parmi la plèbe. Tout de même, elles sont : « la fiancée du Président ! » Les sites contestataires peuvent être supprimés, ou menacés de l’être, sur simple lettre de cachet, si telle est la volonté des régnants. Quant à admonester Facebook et les fournisseurs d’accès s’ils n’aident pas mieux les autorités dans la lutte contre les recruteurs djihadistes, certainement pas : il y a derrière ces « agités » des familles d’électeurs bien dociles, pour l’instant !

Françoise Giroud avait vu juste en donnant à son livre, consacré aux amoures secrètes d’un chef de l’Etat français, le titre suivant : Le Bon Plaisir.

Mais puisqu’ils jouent à l’Ancien Régime, jouons de notre côté à 1793 : la terreur changera de camp…pour une fois !

Charles Demassieux

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