Premier mai : forcément social, laïque et républicain !

Des hommes de gauche pur jus, nos chefs du PS, c’est sur. La preuve, vous aurez observé que ces messieurs et dames ont fait savoir qu’ils s’associent aux cortèges du 1er mai. La démonstration serait ainsi faite qu’ils feront du social s’ils reviennent au pouvoir.
Si Aubry n’a rien eu à dire, refusant fermement de donner le contenu de son programme alternatif à celui du gouvernement, en matière de retraites, ce n’est pas parce qu’elle n’en a pas, ce n’est pas parce que les mesures prises dans les différents pays de « l’union européenne » en vertu de la méthode ouverte de convergence (MOC) ne sont rien d’autres que les déclinaisons « gauche » ou « droite » de choix stratégiques de la bureaucratie régnante siégeant à Bruxelles, avec une échéance située à l’horizon 2050. Non ? C’est parce que la cheftaine lilloise ne veut pas travailler pour le roi de Prusse de l’Elysée, c’est qu’elle ne veut pas lui fournir des pistes de travail lui permettant de redorer son blason, en piquant des bouts de bonnes idée du bon et toujours social parti dit socialiste. Voila, pas d’autre raison au mutisme de madame la cheftaine, nous a expliqué Vincent Peillon il y a quelques jours.
Au fait, pourquoi ai-je intitulé cet article « premier mai, forcément social, laïque et républicain » ?
La raison n’en est pas bien compliquée.
Il y a depuis le régime de Vichy, un Premier mai officiel, une « fête du travail ». Elle n’a pas grand-chose à voir avec la tradition née du choc provoqué par les assassinats judiciaires d’ouvriers syndicalistes de Chicago, choc se traduisant dans les manifestations ouvrières et syndicales du premier mai dans les différents pays.

La tradition ouvrière en France, ce n’est pas non plus qu’une remémoration, chaque 1er mai, des martyrs syndicalistes du prolétariat de Chicago

Le 1er mai, dans ce pays, c’est aussi la réaffirmation d’une tradition qui puise au plus profond dans un terreau, dans la conscience née des jacqueries du moyen-âge, puis labourée par le combat du petit peuple des faubourgs parisiens, produisant la sans-culotterie et le mouvement sectionnaire qui donneront à la première commune parisienne sa puissance organisée et ses moyens se traduisant dans les soulèvements qui firent chuter la monarchie et amèneront la Première République.
Des prêtres, proches du petit peuple et du prolétariat, joueront un rôle éminent dans le mouvement des sections parisiennes. Sans elles, la première république ne serait peut-être pas née. Les plus connus de ces prêtres, Leclerc et surtout Jacques Roux, figures de proue de ces « curés rouges » de 1792, s’opposeront à Robespierre et aux bourgeois Jacobins, au nom des revendications immédiates, sociales et politiques, des Sans-culottes.

Comme les autres curés rouges, Jacques Roux s’était défroqué

Ont voit ici que les « chiffons » ou les « bouts de tissus » des soutanes représentaient pour eux bien plus qu’un « vêtement » ; ce débarrasser de cet uniforme, ce n’était pas changer de vêtement et de « bouts de tissu », c’était affirmer une rupture avec un ordre politique oppresseur. Jacques Roux et ses amis considéraient que les signes extérieurs de la religion ne devaient pas entraver le mouvement du peuple œuvrant effectivement pour son émancipation !
La Première République et son puissant outil que sera la première Commune parisienne ne sépareront pas les revendications économiques, et mêmes les premières actions à caractère communiste ou socialiste, des revendications démocratiques concernant les institutions et la place de la religion dans la vie de la cité.
L’une et l’autre se forgeront comme les deux faces d’une même médaille.

C’est pourquoi, la destruction radicale de la puissance politique et économique du pouvoir religieux fut un des axes de la grande Révolution

On connait certains effets de cette particularité, que les théoriciens et les praticiens de la « diversité » veulent à toute force remiser aux oubliettes : Les petits paysans vendéens furent solidaires de leur bas- clergé qui refusait de prêter serment à la république en jurant sur la constitution. La république connaîtra dix années de guerre terrible pour soumettre les prêtres réfractaires et leurs supporters. L’âpreté du conflit déterminera l’envoi des colonnes infernales, se déchaînant dans les bourgs et les hameaux du bocage vendéen.
Sous l’Empire, cet affrontement brutal trouvera une nouvelle expression dans la mesure de police prise contre le Pape par Napoléon. L’Empereur l’envoyant chercher et ramener à Fontainebleau, entre deux gendarmes, pour le mettre en résidence surveillée au château de Fontainebleau.

La République ne céda pas !

Elle ne confondra pas : la lutte pour faire respecter la loi par la puissance religieuse et « stigmatisation » des populations rurales vendéennes et bretonnes, profondément croyantes et attachées à leur clergé papiste.
La seconde Commune parisienne est née dans le processus qui balaiera le second empire en septembre 1870.
Elle aussi ne séparera pas les revendications concernant les transformations sociales immédiates et à venir, -celles concernant la vie quotidienne et le bien être des ouvrières et des ouvriers et de leurs enfants- et les exigences impératives de séparation du religieux et du social dans l’état et au travail.
Elle ne séparera pas, la Commune.
L’amélioration sociale, l’évolution économique durable en faveur du prolétariat, de l’action immédiate pour affaiblir « l’opium du peuple » (la religion).
Comme sa devancière du début des années quatre vingt dix du 18ème siècle, la Commune parisienne du printemps de 1871, agira immédiatement pour séparer l’état de la religion, pour que cette dernière soit, ramenée, définitivement, au statut de particularité individuelle strictement privée.
On peut donc s’interroger et se dire : que lorsque des dirigeants syndicaux montent au créneau, pour qualifier de « fasciste » ou de « xénophobe » une prise de position syndicale contre l’imposition de normes religieuses alimentaires (le manger hallal d’office) sur le lieu du travail, on tourne le dos, à 180 degrés, aux traditions révolutionnaires qui ont forgé le mouvement ouvrier dans ce pays. On tourne ainsi le dos aux traditions qui ont permis de produire les grandes grèves de masse, les grèves généralisées de mai-juin 1936 et les grandes conquêtes des accords Matignons, la grève généralisée d’août 1953 et l’abrogation des décrets Laniel contre les retraites, la grève généralisée de mai-juin 1968 et les accords de Grenelles ; sans parler des conquêtes sociales et démocratiques de la libération-notamment en ce qui concerne les transformations dans le statut de la femme, que les pro bourqua-niquab-hijab et autres signes plus ou moins ostentatoires d’infériorité, voudraient voir marquer le pas pour faire tourner les choses en sens inverse, aux fins de « saoudiser », « somaliser », « soudaniser », « pakistaniser », « algérianiser » la vie quotidienne et le statut des femmes, les musulmanes d’abord, les non musulmanes ensuite.
Dire que l’on va enquêter et que l’on envisage une exclusion pour cette élémentaire réaffirmation du caractère strictement privé des normes et des réglementations religieuses, quelles qu’elles soient, c’est manifestement tourner le dos à la seconde commune de Paris et à sa devancière.
C’est, à l’opposé de toute la tradition communarde puis jauressiste, tourner le dos au premier mai, en tant que réaffirmation de toute la tradition ouvrière et démocratique ; c’est la châtrer, pour la rendre « islamo-compatible », en même temps qu’on la rend maastrichto-compatible… C’est défigurer la signification du 1er mai et le rôle des manifestations qu’il occasionne.
Alain Rubin