Le week-end dernier a vu l’élection de deux hommes présentés comme modérés à la tête des organes représentants leur religion. Gilles Bernheim élu grand rabbin de France a une large majorité qui remplacera Joseph Sitruk qui occupait la place depuis vint et un an, en janvier prochain. Pour les musulmans, c’est Mohammed Moussaoui qui a été élu à la tête du CFCM ( Conseil français du culte musulman) tournant ainsi la page avec l’ère de Dalil Boubaker, qui bien avant de présider le CFCM crée en 2003 assurait le rôle de représentant oOfficiel de l’islam…
Rupture de générations et de style pour ces deux représentants présentés par la presse comme modérés.
Pour Riposte laïque, chacun sait que la religion n’est pas notre tasse de thé. Pourtant, contrairement à ce que disent nos pourfendeurs, nous sommes très tolérants et n’empêchons personne de croire à qui bon lui semble Dieu, Yahvé, Allah, Bouddha ou Zarathoustra. Bien que ces croyances nous semblent personnellement un peu désuètes, tant que cela ne dérange personne, chacun est libre de pratiquer la religion de son choix ou évidemment de ne pas en avoir ou encore même d’en changer.
En revanche, ce qui nous chiffonne vraiment et nombre d’articles en témoignent, c’est quand les religions au lieu de rester chez elles, dans ce que l’on appelle la sphère privée à savoir chez soi, dans les lieux de culte ou dans des salles privées réservées à leurs co-religionnaires, veulent s’imposer dans l’espace public. Parce que nous sommes intransigeants sur l’égalité et la liberté des individus, nous ne voulons pas savoir qu’elle est la religion de celui que nous croisons dans la rue, avec lequel nous étudions, avec lequel nous travaillons. Cela ne nous regarde pas, comme diraient « les Inconnus ». Si cette conviction est si forte, c’est que nous savons combien les guerres de religion ont fait de victimes en France : apprend- t-on encore dans l’école de la République les guerres de religion, la nuit de la Saint Barthélémy qui fit tant de victimes et qui ouvrit la voie au début d’une séparation de l’Eglise et de l’État ?
Nous savons aussi comment les États basés sur une religion oppriment les autres, la liste serait longue mais citons pour exemple la situation des cooptes en Egypte, des chrétiens en Algérie, pour ne parle ni de l’Iran, de l’Arabie Saoudite! Excusez moi mais je ne trouve pas d’exemple de pays chrétiens qui répriment les autres religions…et si je pense à l’Irlande, l’Inde ou le Pakistan , il s’agit d’affrontements inter-religieux.
C’est pourquoi nous voudrions profiter de l’arrivée de ces deux hommes pour leur adresser cette prière, une prière laïque :
Messieurs, pour préservez le vivre en France, la cohabitation de tous dans l’espace public, appelez vos ouailles à ne plus afficher leurs appartenance religieuse. Quoique vous pensiez, nombre de Français parce qu’ils ont été éduqués dans le respect de la neutralité ressentent cet affichage comme une provocation. Nous avons vu disparaître les soutanes des curés et les cornettes des bonnes sœurs. A l’école, on faisait ranger sous le chemisier les croix de celles qui en portaient.
Cécilia Gabizon rapporte (le Figaro24 juin 2008) que vous, Monsieur Gilles Bernheim « conseillez aux croyants d’abdiquer d’un symbole, la kippa, pour la remplacer par un couvre chef plus anodin. »
Espérons que vous serez entendu car effectivement, il n’est pas indispensable de porter la kippa en dehors de la synagogue et nombre de citoyens juifs s’en dispensent. Mais il serait sans doute aussi souhaitable de convaincre même si ce sera plus difficile de convaincre les plus fondamentalistes qui font porter des perruques à leur femmes, des robes de laine à leurs fille en plein été, des papillottes à leurs garçons d’évoluer vers une pratique moins intégriste. Est-ce pour emporter ses élections face au grand rabbin Joseph Sitruk, il semble que pour prouver votre orthodoxie, votre femme porte une perruque du matin au soir. Pour vraiment être moderne, il faudrait encore quelques efforts. Heureusement que d’ores et déjà bon nombre de juifs ont déjà abandonné ces pratiques d’un autre âge.
Pour qu’il n’y ait pas d’équivoque cela ne saurait justifier, est-il besoin de le préciser, que le port d’une kippa provoque des agressions comme celles qui semblent se propager dans certains quartiers parisiens. Sans être certain qu’il soit totalement clair que l’attaque du jeune Rudy relève uniquement de l’antisémitisme, il paraît qu’il n’ait pas été totalement absent dans l’origine des affrontements entre bandes. Il reste néanmoins qu’un certain nombre de commentateurs ont laissé une étrange impression de vouloir assez vite évacuer le motif antisémite pour ne pas accabler de jeunes noirs. Car il ne faudrait pas renvoyer dos à dos, des agresseurs et ceux qui refusent de jouer les victimes et se défendent. On attend d’ailleurs toujours le procès du meurtrier d’Ilan Halimi.
Quant à vous, Monsieur Mohammed Moussaoui, qui êtes également présenté (le Monde du 24 juin 2008) comme un homme « qui souhaite mettre en valeur l’islam du juste milieu », il est dit que vous êtes arrivé en France en 1986 à Montpellier pour y suivre des études de mathématiques. 1986, c’était l’époque de SOS Racisme et vous avez du rencontrer ces militants qui rêvaient de mélange, de la fraternité. A l’époque, les femmes ne portaient pas le voile et certainement pas dans les universités ce qui est désormais tristement banal. Il y avait pourtant déjà de nombreux musulmans et musulmanes en France. Mais ils ne se sentaient pas obligés d’afficher leur religion ! Le port du voile n’était donc pas indispensable !
Ce n’est qu’en 1989 que les premières « affaires de voile » ont émergé ce qui a d’ailleurs conduit SOS Racisme et son Président Harlem Désir a se fourvoyer, accusant celles et ceux qui étaient contre le voile de racisme ! Et que vous même, avez commencé à prêcher alors que votre père était instituteur laïque. En Tunisie, j’ai vu les femmes porter parfois un petit voile de mousseline. Et en Algérie, des images récemment diffusées sur 1968 à l’université d’Alger ne montraient aucune femme voilée. Mieux encore, au moment de l’indépendance, les femmes de milieux sans doute plus modestes jetaient leur voile ! En Turquie, le voile a été banni par Kémal Attaturk. Tous ces États, tous ces peuples n’ont sont pas moins restés musulmans.
Alors pourquoi faudrait-il que dans notre pays, la France, attaché profondément à la laïcité, les musulmans se sentent obligés d’afficher avec autant d’ostentation leur appartenance religieuse. Non seulement les femmes souvent nées en France s’enferment le visage dans un, deux ou trois foulards, mais portent le hijab ou pire la burka. Est-ce bien nécessaire ? Les hommes ne sont pas en reste et l’on rencontre, surtout le vendredi, de plus en plus d’hommes portant le cami et la barbe islamique qui signent une appartenance religieuse évidente. Pourquoi tant d’ostentation ? Ces signes ostensibles apparaissent sont autant de barrières mises pour garder la distance avec les autres que certains n’hésitent pas à qualifier de mécréants.
Quand les individus s’enferment ainsi dans leur religion, il n’y a plus de citoyens égaux et libres. Enfermés dans leur communauté, réclamant des repas hallal, des horaires spéciaux à la piscine, c’est une société séparée qui se met en place.. Ces comportements sont en train de détruire les valeurs universalistes qui fondent notre pays. Ils manifestent la volonté de s’imposer dans l’espace public, de marquer le territoire, de faire nombre, de repérer les frères et d’éloigner les autres. Et ce n’est pas la propagande du conseil de l’Europe et de la commission européenne réunis sur l’année du dialogue interculturel et interreligieux appelant à la tolérance, qui changeront quelque chose car c’est une conception de la société contraire à l’histoire de la France.
Alors de grâce, usez du pouvoir qui est le vôtre pour que vos adeptes comprennent que la religion se porte dans son cœur ou dans son esprit mais qu’il s’agit d’une question intime, spirituelle qui ne regarde pas les autres.
Ainsi, les tensions intra communautaires qui connaissent un développement fâcheux pourront-elles s’apaiser. Et la France continuer à s’inscrire comme le pays de la déclaration des droits des l’Homme et des citoyens de 1789, des hommes égaux en droits et en devoir ainsi que dans le respect de la loi de1905 sur la laïcité. C’est dans ce cadre et sur cette base de principes universels que vivre ensemble est possible.
Gabrielle Desarbres
http://www.lemonde.fr/archives/article/2008/06/25/gilles-bernheim-le-pari-d-un-judaisme-ouvert_1062631_0.html