Un Dimanche dans le Paris des touristes. J’observe la foule sur le parvis de Notre-Dame. Elle est dense, colorée, plutôt joyeuse sous le ciel complice. Les visiteurs de mon pays ont de la la chance, cette année, l’été se prolonge quant à la capitale, elle est d’une pérenne et fulgurante beauté. Pour eux.
Des adolescentes allant par deux, porteuses de ces blocs cartonnés que l’on fait signer dans la rue pour pétitionner, slaloment entre les groupes, frôlant les gens, l’une proposant le crayon et le papier, l’autre repérant d’un rapide coup d’oeil le sac ouvert, la poche de veste baillant sur le portable, le porte-carte dépassant à l’arrière du jean.
Des Roms ou du moins ce qu’il est convenu de nommer ainsi. Petites et souples, quinze ans au maximum, le teint mat, les cheveux tirés en chignons plutôt sages, sans doute capables de courir le 100 mètres en moins de quatorze secondes, elles opèrent avec une telle dextérité qu’il est impossible, sauf à les filmer, de saisir leur geste. Le temps pour moi de réaliser, d’aller vers les gens, elles ont disparu.
J’alerte. On se fouille, incrédule. Là, c’était un petit appareil photo numérique, dans un sac de plage. Tristesse plus que colère. J’ai honte. Il faudrait faire le boulot supposé de la Police, suivre à distance ces gamines formées au larçin et les choper sur le fait. La Police ? Elle est à deux pas de là, Quai des Orfèvres, loin semble-t-il, pourtant, des fourgons vides que les filles ont dû longer en riant. C’est facile de gagner sa vie en été, à Paris.
Lorsque Monsieur Mélenchon compare, sur France-Inter, la présence en France de telles collégiennes au retour des Pieds-Noirs il y a cinquante ans, il m’insulte. Il insulte mon père chirurgien passionné, qui dut exerçer, à soixante ans, la médecine générale parce que ses confrères, souvent amis d’enfance, ne voulaient pas de lui dans leur cénacle. Il insulte mes copains de lycée maltais, juifs, siciliens, arrivés ici avec cent francs en poche et devenus depuis chefs d’entreprises, avocats, politiciens, gens de plume, artistes ou simples honnêtes négociants.
Il insulte tous ceux qui parvinrent sur les quais de Marseille ou de Port-Vendres, à l’été 62, la faim au ventre et les poches vides, hébétés, le désespoir à l’âme, encore hantés par une brute terreur que l’on prit alors souvent, ici, pour de la mauvaise humeur. Il les insulte, tous ces petits qui, passé le temps de la seule nécessité de survivre, se mirent au travail partout où c’était possible, dans une patrie souvent inconnue qui les accueillait du bout des lèvres. Une patrie, c’est vrai, qui connaissait alors le plein-emploi. J’atteste que ces gens, dans leur écrasante majorité, y réussirent tout en donnant à leur enfants, par l’éducation et le sens de l’honneur, l’envie de les imiter.
Il insulte, au-delà, des Pieds-Noirs et de leur odyssée, les milliers de nos compatriotes que la politique d’immigration folle menée depuis des décennies (et à laquelle il participa directement comme co-responsable) contraint aujourd’hui à la fréquentation usante de Pôle-Emploi, quand des populations itinérantes pour qui l’art consiste à détrousser le plus habilement possible celui qui possède encore quelque chose, s’engraissent aux dépens du cochon de Français.
Il insulte les lycéens lucides, ils sont nombreux, dont les parents se saignent pour qu’ils puissent aller jusqu’au diplôme qui leur donnera leur chance dans la vie, quand d’autres reçoivent, dès qu’ils ont acquis la marche et outre les scandaleuses subventions arrachées de force aux honnêtes gens, l’ordre de se servir de leurs doigts pour saisir à la volante l’objet qui ne leur appartient pas. Et la technique qui va avec. Ponctionneurs en costume-cravate, sous écharpe rouge ou en jupe gitane, qui se ressemble s’assemble !
Il insulte beaucoup de monde, Monsieur Mélenchon, en vérité quelques dizaines de millions de gens qui tentent de s’en sortir, de toutes parts, par les moyens légaux. Pied-Noir, lui ? D’une phalange de planqués qui, par chance, par calcul ou par combine, échappa au désastre algérien, j’en ai peur. Je mets dix euros sur la Promotion “Boumedienne”, ça m’évitera d’évoquer encore Laval ou Boudarel*.
Alain Dubos
*Agent des communistes indochinois, il tourmenta mentalement les prisonniers français dans les camps où on les rééduquait.