Réflexions sur l’article de Christine Tasin évoquant Onfray et Mélenchon

Madame Tasin,

Je vais tâcher d’apporter mon point de vue sur la problématique que vous soulevez, à savoir pourquoi le philosophe Michel Onfray, partisan de l’honnêteté intellectuelle, affirme son soutien à Jean-Luc Mélanchon, qui semble en manquer.

Tout d’abord, je ne vous cacherai pas que j’apprécie également dans une certaine mesure, le propos général de M.Onfray, contrairement au passage à la quasi-totalité de la sphère académique, qui prouve par là même son corporatisme exacerbé et son orgueil ombrageux… mais passons car là n’est pas le sujet. Michel Onfray donc, est, comme vous le soulignez, un des rares penseurs contemporains à chercher la Vérité sans faire (a priori) sciemment d’entorse à sa quête. Mais cela ne veut toutefois pas pour autant dire qu’il soit absolument apte à la pensée parfaite, il est humain, trop humain comme aurait pu dire, entre deux migraines, Nietzsche, philosophe d’ailleurs fort apprécié de celui qui nous intéresse. Cette faillibilité, inhérente à son humanité ne peut lui permettre d’échapper totalement à ses propres racines, et en l’occurrence à son tropisme de Gauche -tendance libertaire-, fût-il largement dépassé eu égard, comme je le faisais plus ou moins remarquer dans une précédente intervention, aux nécessités du temps.

Aussi, malgré sa bonne volonté semble-t-il évidente, Michel Onfray peut persister dans une voie qui nous semble être celle de l’erreur, c’est à dire le soutien à la frange politique qui se revendique historiquement du libéralisme politique, tempéré par un interventionnisme étatique propre à canaliser les dérives d’un anarchisme débridé. Et en cela, Onfray fait preuve d’une pertinence certaine; Il sait que la maturité de l’esprit n’est pas dans les positions tranchées, mais comme le soulignait Philippe Muray dans sa préface à la seconde édition de Céline, que les vérités ne sont parfois que boiteuses.

Parallèlement, Onfray tombe dans l’écueil classique de l’intellectuel, il nage dans l’Idéal (on ne se débarrasse pas facilement de l’héritage du fondateur officiel de la Philosophie, fût-on un Michel Onfray avide de souligner les failles de l’histoire académique) et se montre parfois peu enclin à la subtilité. Plus héritier de Rousseau que de Hume, il lui sera difficile d’accepter que l’on ne peut souvent agir qu’en creux et par exemple, faire autrement que de favoriser la religion catholique face à l’islam dans un monde qui hélas, se drogue au Merveilleux, ou que, pour continuer dans la même veine, il y a indubitablement quelque chose de furieusement “progressiste” (au sens contemporain, c’est à dire, disons, de “gauche”) dans le christianisme par rapport à un islam qui prendrait la forme d’un virage, “à droite toute” dans l’adoration du Divin. Non, Onfray se bornera à fustiger (et comment pourrait-on, sur le fond, lui donner tort?) toute forme de religion, sans distinctions aucune, ou à considérer qu’un philosophe “de droite” comme Ferry est, par delà des convergences factuelles, un ennemi ontologique, ou, pour reprendre une expression de La Puissance d’Exister, un “Délinquant Relationnel” .

S’il y a une chose à retenir du Poker, c’est que celui qui prétend avoir toutes les cartes en main est un tricheur. Michel Onfray ne les a pas, et peut par là même perdre la partie. Nonobstant cette considération, il apparaîtra que Michel Onfray, et je le crois, poursuivra son cheminement intellectuel dans son optique d’honnêteté et se rendra compte le moment venu que M.Mélanchon n’est, pas davantage que Besançenot, autre chose que le jouet plus ou moins consentant des forces vives de la gauche de compassion et de ses propres désirs politiciens. Onfray, force vive de la Gauche de conviction, comme nombre d’entre nous, s’en désolidarisera, à moins bien sûr que nous surestimions ses capacités de remise en question, et par conséquent son entendement, et qu’il ne soit pas apte à dépasser les antagonismes puissants (mais néanmoins artificiels) ayant fondé sa formation. Seul l’avenir nous le dira, car, après tout, qui peut se prétendre assez fort pour assurer qu’il n’est en rien mû par d’anciennes déterminations, conscientes ou inconscientes d’ailleurs?

Salutations républicaines,

Brenn César

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