Réforme des retraites ou réforme de l’État ?

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Un État républicain obèse et nuisible

La classe politique de nos élus de toutes sortes et les fonctionnaires d’État et territoriaux représentent une charge considérable. Côté fonctionnaires : avec quelques 2,5 millions de fonctionnaires d’État, près de 2 millions de fonctionnaires territoriaux, près de 1,2 million de fonctionnaires hospitaliers dont, rappelons-le, un tiers sont des « bureaucrates » invisibles du patient, la France compte triomphalement environ 5,6 millions d’agents. Côté élus, outre les 577 députés, les 343 sénateurs, les quelques 2 000 conseillers régionaux, les un peu plus de 36 000 maires et les 520 000 conseillers municipaux, nous avons tout aussi triomphalement plus de… 600 000 élus ! CQFD.

La charge économique totale de ce magnifique édifice ne se compte pas en milliards, pas même en dizaines, mais en centaines de milliards. Nous conviendrons tous que le rapport entre le nombre, le coût et le résultat est catastrophique. La plupart des ministères dysfonctionnent totalement et ne produisent aucun des résultats attendus dans leur mission : éduquer, soigner, rendre la justice, nous défendre par exemple. Nous plongeons à grande vitesse dans tous les classements sur tous les critères : illettrisme croissant, insécurité, délais de justice, corruption même, déficience des soins, etc.

Cependant ce très bel édifice entrave toute initiative, il contraint chaque geste personnel, du citoyen, du médecin, de l’entrepreneur, de l’étudiant, de l’artisan, etc. L’État et les principaux élus de la nation considèrent que l’urgence absolue, c’est la réforme des retraites, pour quelques milliards d’éventuelles économies, fort contestées en termes d’utilité réelle.

Mais qui s’inquiète de cet État obèse, impotent, inefficace mais tout de même intrusif, normatif, se pensant apte à gérer nos vies dans les moindres détails ? En reprenant mes vœux pour 2023 de se libérer de l’autoritarisme au pouvoir (cf. article du 1er janvier) il faut oser sortir du projet républicain qui nous assassine depuis les guerres de Vendée, qui détruit la France et les Français, les emprisonne, les infantilise et les appauvrit, avant de les envoyer à la guerre quand on leur dira que les fautifs de leurs malheurs, ce sont les Russes. Le scénario est écrit. Alors, non, construisons la France libre et libérée de la République, par plus de démocratie et de libertés. C’est un vrai programme de révolution politique qu’il faut expliquer, assumer et mener.

Pour cela, il nous faut initier une révolution française contre l’État républicain envahissant et destructeur. La réforme de l’État, c’est bien plus qu’une réforme, c’est un changement d’époque. De très nombreuses idées sont à débattre pour que les Français prennent conscience pleinement du degré d’enfermement dans lesquels les élus et les fonctionnaires de cette République les emprisonnent au quotidien, dans leur seul intérêt cupide : la gamelle est bonne.

Commençons par quelques constats avant d’envisager un changement de régime à l’initiative de chacun de nous.

Trois premiers constats si révélateurs de la paralysie

1. Les partis politiques ne servent à rien, même pire… Les révélations d’Henri Proglio ne font que confirmer ce que nous savons tous. L’idéologie dirige, l’incompétence l’accompagne et les petits arrangements entre amis, ce qui s’appelle normalement la corruption, font le reste. Les partis trahissent les électeurs, ils déversent des tombereaux d’inepties, ils phagocytent le pouvoir, les mandats et les ressources et ils cooptent des personnes serviles qui rentreront dans le jeu de toutes les corruptions avec ces entreprises qui elles aussi phagocytent les marchés publics dans un jeu de corruption bien connu ; mais inefficace, onéreux et au détriment de tous.

Et que je sache, il n’y a pas un philosophe politique ou un juriste qui n’ait jamais défendu les partis. Tous y ont toujours vu la mainmise de clans, l’influence pernicieuse d’intérêt ou l’idéologie plus ou moins révolutionnaire d’agitateurs souvent agités par des puissances étrangères, soucieuses de nous affaiblir : les écologistes en sont un triste exemple. Il y a des pistes démocratiques et une première mesure : supprimer les partis politiques qui saccagent depuis des décennies la vie démocratique en France. Nous avons besoin de représentants loyaux ayant un mandat, mais pas le pouvoir du peuple souverain en toute circonstance.

2. Les échelons administratifs ne créent rien, même pire… et ils ne cessent de s’ajouter les uns aux autres : commune, intercommunalité, département, région, établissements interrégionaux, assemblées nationales et européennes, etc. Tout cela engendre des fonctionnaires, de nouvelles missions, de nouvelles administrations, de nouvelles instances avec leurs obligations, leurs dossiers et de nombreux travaux, sans oublier les émoluments des élus et fonctionnaires territoriaux et d’État. Plus on avance, plus on en crée et on recrute et on manque de personnel, car il faut administrer les nouvelles administrations, les contrôler, etc. Kafka, Ionesco, Courteline, au secours !

Pourtant, aucun élu ni aucun fonctionnaire ne trouve à redire à ce qui le nourrit sur le dos des malheureux contribuables. Bien plus nombreux que les aristocrates, ils cannibalisent aimablement plus d’un euro sur deux de la richesse produite. Il est temps de partir sur d’autres bases, surtout que le résultat est désastreux. Dès l’échelon communal, à peine élu, la plupart se transforment en généreux donateurs dispendieux de l’argent public. Avec l’argent du peuple, il est facile de s’arroger les mérites d’une générosité infinie. Absurde, inefficace, incohérent, fabrique à passagers clandestins, de l’abus de toutes les aides personnalisées aux entreprises aux accointances régulières. Tout cela s’appelle corruption au détriment du travailleur loyal.  

Il est urgent de penser totalement autrement l’administration du territoire, d’ouvrir l’espace des libertés politiques et de la créativité des institutions selon les territoires en respectant deux principes : la liberté assortie de la totale responsabilité personnelle pour ceux qui endossent des décisions.

3. Les élus et les fonctionnaires entretiennent le Léviathan, ce monstre étatique qui se nourrit de l’argument que les populations sont incapables de réfléchir et de décider. Et le résultat est pitoyable. La folie des règles, l’empilage des normes, la multiplication des intrusions de l’État ont paralysé nos sociétés, corseté chacun de nous au profit d’un corps persuadé de sa toute supériorité. À ce que je sache, les pompiers sont des volontaires et leur organisation n’a pas attendu l’État Léviathan, les Sauveteurs en Mer, les sociétés de chasse, la gestion des forêts, l’entretien du patrimoine à l’initiative des collectifs locaux, l’extraordinaire inventivité sportive et culturelle ou industrielle : le puy du Fou, le Vendée Globe, les festivals, les aventures industrielles dont Airbus ne doivent pas grand-chose à l’État. Il me souvient que dans Ces messieurs de Saint-Malo, l’auteur fait répondre aux négociants de la Compagnie des Indes à Louis XIV s’inquiétant de ce qu’il pourrait faire pour les aider : « Rien, Sire, surtout rien » ; indiquant que la seule chose dont ils avaient besoin, c’était la liberté.

Il faut donc en finir avec le Léviathan, de manière ferme, pour en rationner la part, en délimiter constitutionnellement les prérogatives régaliennes en dehors desquelles il n’a aucun droit d’agir pour diriger le souverain, c’est-à-dire nous tous. Ces missions sont connues depuis la nuit des temps : organiser la défense de la nation, rendre justice et préserver la tranquillité de tous par l’action de police. La culture n’est pas son affaire, l’économie n’est pas son affaire, l’éducation n’est pas son affaire, la santé non plus. Nous sommes libres et assez grands pour nous organiser en responsabilité.

La liberté d’imaginer d’autres institutions, notre droit le plus absolu

La République n’a pas vocation à l’éternité. Elle est une forme de gouvernement qui s’est imposée par la violence sacrificielle en France et dont les buts restent très discutables, puisque le bilan est à tous égard catastrophique : colonialisme acharné initié par Jules Ferry et la IIIe République, deux guerres mondiales qui ont décimé la jeunesse et détruit nos sociétés, une emprise idéologique étouffante sur les populations, au nom d’un progressisme doctrinaire mais destructeur : éducation, famille, santé, justice, armée.

Alors pourquoi ne pas se libérer de ce carcan avec quelques idées nouvelles ? L’objectif de cet article et de quelques suivants par opportunité de l’actualité, semer la liberté d’instituer notre futur régime de gouvernement, en dehors de la prison républicaine. Je ne prétends pas avoir le monopole des solutions, mais pourquoi s’interdire des nouvelles pratiques politiques, là où les acteurs en place n’ont rien à nous opposer, tant le bilan est celui du cancre que l’on ne peut pas bien écouter ; puisqu’il défend sa soupe bien plus que l’intérêt de tous.

Élection, électeur, mandataire et responsabilité

La suppression des partis politiques doit s’accompagner d’une réforme radicale des processus électifs. Depuis 2000 ans la plus vieille institution existante en Occident pratique l’élection sans candidat : les papes. La pratique n’est pas dénuée d’intérêt et aujourd’hui tout à fait réalisable à l’échelle de nos communes pour que chacun puisse s’exprimer, donner son avis, exprimer des projets, se faire connaître, puis l’élection sans candidat permettrait d’installer ceux qui ont la reconnaissance de leurs pairs. Un conseil municipal fait de bonnes volontés non partisanes cautionnées par les souverains, ce ne sera pas pire, voire plus efficace et transparent. Le tirage au sort est aussi une bonne idée sur la base d’une représentation de la population, en âge, en activité, etc.

À cet égard, dans le respect de ce qui reste le principe de copropriété des communs, ces élus auraient la charge de préparer des dossiers, des projets et de veiller à la bonne gestion, étant entendu que le périmètre d’action de la commune doit lui aussi se limiter au régalien communal soit la voirie communale, les infrastructures communes, mais certainement plus ces détournements de l’impôt au service de minorités : associations, publics spécifiques, etc. Ce clientélisme abuse de la ressource de l’impôt au profit de quelques-uns. C’est une hérésie. L’argent public sert les communs, rien que les communs et jamais une minorité, une catégorie ou une cause. Ce n’est pas le mandat du politique.

Finalement, comme dans une copropriété, le souverain reste le seul décideur car il est le payeur. En conséquence, les élus présentent périodiquement les projets clairement documentés et le peuple communal vote souverainement en assemblée générale communale. Et nous sommes collectivement informé des coûts, des crédits, de la charge, du budget d’investissement et de fonctionnement futur. Aucun chèque en blanc, sous peine d’annuler des décisions prises sans le consentement éclairé du souverain.

Voilà une option très démocratique qu’il conviendrait de mettre en œuvre.

Démocratie, liberté et plus encore totale responsabilité

Mais la démocratie inclut la vertu et la responsabilité. C’est oublier Montesquieu, les Grecs et même la tradition médiévale que de déresponsabiliser les élus. La liberté exige la responsabilité pleine et entière et une justice sociale soucieuse non pas de rendre la justice pour un homme, mais de juger au nom de la souveraineté pour dissuader de pourrir la société. Au passage, la charge improductive des conflits juridiques dans nos pays civilisés est le signe de leur corruption et d’un gâchis financier considérable.

La responsabilité oblige de définir la loi non pas à proportion du délit ou du crime, mais bien plus en disproportion assumée, car celui qui pollue la société de son incivilité est un adversaire de la liberté, car il en fait un usage fallacieux, pour abuser ses égaux, pour tromper ses clients, pour exercer une domination. Il faut jeter nos codes et réécrire quelques textes principiels simples et suffisants avec l’assentiment référendaire du peuple souverain. Le souverain est royal en ceci qu’il s’applique à lui-même les exigences de sa fonction de souverain : probité, intégrité, loyauté.

De même, il n’existe pas de fonction qui puisse déroger à l’obligation de rendre des comptes à son souverain. La République a créé de toute pièce des îlots de pouvoirs arbitraires et abusifs : les juges en particulier. Il importe de rendre la justice au souverain et de cesser de la déléguer. Les jurés sont la règle, le juge expert l’exception. Et les juges ont des comptes à rendre, parce qu’ils doivent être élus et non pas nommés par un pouvoir soucieux de ces petits arrangements judiciaires.

 Économie à taille humaine et inventions techniques pour l’autonomie locale

Nous avons largement paralysé notre pays par des économies de monopoles privés et publics. Il est indispensable de limiter les pouvoirs économiques qui entravent la liberté souveraine des peuples. La loi anti-trust américaine avait pour unique raison de briser ces monopoles qui ont trois conséquences funestes : la position dominante, la corruption de l’appareil d’État et plus encore l’entrave à l’innovation technique et scientifique.

Il est donc indispensable de penser une économie à taille humaine, en brisant tous les groupes monopolistiques, en limitant la taille des entreprises pour que jamais elles n’acquièrent cette position de parasite des libertés politiques. Vrai de la grande distribution, vrai de l’énergie, vrai des télécommunications. Et la reconquête de nos indépendances locales et nationales passe par une souveraineté en forme d’indépendance dans nos capacités de production, récemment bradées et détruites.

Mais l’enjeu d’une telle révolution économique, c’est de redonner à l’Occident ce qu’il a totalement perdu : l’élan créatif et scientifique, l’élan des entreprises inventives, l’élan des solutions adaptées aux potentialités des territoires et à leur intelligente exploitation. Il est simplement temps de sortir de l’ère des industries mondialisées qui nous mettent en esclavage dans trop de domaines. Cela signifie que le pouvoir économique doit s’organiser autour de collectifs d’entrepreneurs d’un secteur qui ont, eux aussi, à rendre des comptes au souverain sur leur utilité, leurs services, la valeur de leurs actions, l’emploi, au niveau local et national.

Je m’arrête là, mais il faut urgemment se libérer les méninges de ce fatras de certitudes technocratiques qui ont momifié nos sociétés au prix fort. La conquête d’une nouvelle manière de faire le politique nous appartient. La liberté, c’est l’action, non la soumission, la dépendance ou l’obéissance servile. Si les lecteurs trouvent un intérêt à cet article, je continuerai.

Pierre-Antoine Pontoizeau