Regagner la confiance du pays, mission impossible pour Macron

La crise des Gilets jaunes a consacré la fracture béante entre la classe dirigeante et le peuple. Entre ceux qui prennent les décisions et ceux qui en supportent les conséquences.

Le lien de confiance est aujourd’hui rompu entre le chef de l’État et une grande partie des Français. Sa cote de popularité est en chute libre dans les sondages. Dix-huit mois après avoir arraché le pouvoir à une classe politique déconsidérée, Macron subit aujourd’hui le choc en retour de son « hold-up électoral ».

Il ne suffit pas d’avoir des idées et l’ambition de réaliser ses projets. Encore faut-il qu’ils soient en adéquation avec les attentes du peuple. Un peuple qui a été bercé d’illusions pendant des décennies et qui, aujourd’hui, à l’heure d’Internet et des réseaux sociaux, exige des résultats immédiats de ses dirigeants politiques.

Macron, en pur produit de la caste mondialiste et apatride, ne connaît pas le pays réel pas plus qu’il ne s’intéresse aux Français. Contrairement à ses prédécesseurs qui avaient tous suivi le cursus honorum des candidats à l’élection présidentielle en se frottant au suffrage universel à travers différents mandats électoraux, le jeune banquier d’affaires a brûlé les étapes. Passer de la banque Rothschild aux cercles du pouvoir ne prédispose pas à connaître la précarité de l’emploi et les fins de mois difficiles des gens les plus modestes.

Mais la réalité s’est rappelée brutalement à lui à travers cette révolte du peuple des « Gilets jaunes ». Une crise que ni lui, ni son entourage composé d’énarques et de polytechniciens déconnectés n’a vu venir. Et pourtant il y a bien longtemps que la colère grondait dans les campagnes, dans cette France périphérique décrite par la géographe Christophe Guilluy et que Marine Le Pen avait baptisée « La France des oubliés ». Il fallait être aveugle et sourd pour ne pas l’entendre !
Néanmoins, pendant trois semaines, le pouvoir est resté « droit dans ses bottes », répétant avec obstination qu’il ne changerait pas de cap. Jusqu’à ce que Macron décrète le 10 décembre « l’état d’urgence économique et sociale » accompagné de l’annonce d’un certain nombre de mesures. Changement de stratégie ou leurre destiné à calmer la colère des Gilets jaunes ?

Césarisme technocratique

Sur les ronds-points occupés, le scepticisme est de mise. L’intervention télévisée du chef de l’État n’a pas convaincu les Français. Ni sur le fond, ni sur la forme. Un discours froid, inexpressif, désincarné. Pas la moindre empathie. Rien pour réchauffer le cœur de ces laissés pour compte d’un système inégalitaire. Le césarisme technocratique à l’état pur !

Comment Macron pourrait-il espérer regagner la confiance du peuple sans donner de lui une image d’humanité à défaut d’être charismatique ? C’est aussi cela qu’on attend d’un chef d’État. Qu’il fasse preuve de sensibilité et d’humilité en même temps que de fermeté.

Il n’est pas déshonorant, bien au contraire, de reconnaître ses erreurs et de faire son mea-culpa. Mais cela paraît bien au-dessus des forces de l’actuel locataire de l’Élysée tout occupé qu’il est à chercher les 10 à 12 milliards que coûteront les engagements qu’il a pris devant le pays et dont il n’a pas le premier euro.

Ainsi Macron se trouve-t-il pris à son propre piège. Lui qui espérait gonfler les recettes de l’État en taxant toujours plus les automobilistes, au nom de la transition énergétique, se voit aujourd’hui contraint de creuser encore un peu plus le déficit budgétaire. Pire, celui qui se voulait le chantre de l’Europe, volontiers donneur de leçons en matière d’orthodoxie, va devoir présenter un budget dont le déficit atteint 3,4 % du PIB, au-delà de ce que prévoient les règles européennes. C’est ce qui s’appelle manger son chapeau.

Revendications catégorielles

Et cela n’est, sans nul doute, qu’un début. Le mouvement des Gilets jaunes qui a fait plier le pouvoir va encourager d’autres revendications catégorielles. À commencer par les policiers qui ne se contentent plus de belles paroles et de poignées de mains mais réclament plus de « considération » et de meilleures conditions de travail. Autrement dit que la « reconnaissance » des pouvoirs publics se traduise en espèces sonnantes et trébuchantes. On ne voit pas comment l’État dont ils sont les gardiens de la paix publique pourrait ne pas répondre favorablement à leur demande. Reste à savoir où trouver l’argent, puisque les caisses sont vides.

L’exécutif a « manqué d’humilité » regrettait Gérard Collomb, quelques jours avant de quitter le gouvernement. Interrogé par RMC/BFMTV, l’ancien ministre de l’Intérieur ajoutait : « Il faut toujours regarder ce que pense la base. Il faut que tous les ministres gardent leurs racines, de manière à entendre ce que disent les gens, parce que vite, dans les palais de la République, on perd la capacité de lien et d’écoute avec la population ».

C’est précisément l’orgueil et l’arrogance de la Macronie qui ont provoqué et nourri le mouvement des Gilets jaunes. Il s’est, partout, manifesté par un rejet viscéral du chef de l’État. Dans ces conditions, regagner la confiance du peuple relève de la gageure. Et ce ne sont pas les milliards promis qui ramèneront la paix dans le cœur des hommes et des femmes révoltés. Ceux-ci attendaient un geste fort sur le plan politique. Il n’est pas venu. Le problème reste entier.

Alain MARSAUGUY