Réponse à Finkielkraut : l’islamophobie se développe aussi à cause de revendications juives

Au cours de l’émission de RCJ du 22 septembre 2013, Alain Finkielkraut attribue le concept d’ « islamophobie » au sens d’interdit de tout discours critique de l’islam, à la critique de l’orientalisme par Edward Said.  Il rappelle qu’Edward Said accuse les savants non musulmans étudiant l’islam, les orientalistes, de n’énoncer que des clichés sur l’islam, et il rappelle que le préfacier de son ouvrage, Tsvétan Todorov, qualifiait d’esprit de colonisation la prétention à savoir la vérité sur l’autre.

Alain Finkielkraut critique Said  à juste titre mais il passe tout de même à côté d’un point capital dans la formation de la notion d’islamophobie …

L’accusation de Said  est grossière : en somme il qualifie les orientalistes d’incompétence. Le sophisme de Todorov consiste à confondre vérité de l’autre et vérité sur l’autre, car les orientalistes ont bien la connaissance des textes de l’islam, des textes des musulmans, c’est-à-dire de la vérité de l’autre, avant d’énoncer éventuellement leur analyse et leur compréhension de ces textes, c’est à dire leur opinion sur l’autre, leur « vérité » sur l’autre.

On peut ajouter qu’il est particulièrement malhonnête de la part de musulmans militant pour interdire, conformément à la loi islamique, tout discours non apologétique de l’islam, de dénoncer cette critique au nom du colonialisme. Car en agissant ainsi, ils pratiquent eux-mêmes une colonisation de nos concepts de droit et de liberté, en tentant par le terrorisme intellectuel de divers procès d’intention, d’en déformer le sens. Nos concepts de droit et de liberté sont ceux de l’égalité, toutes choses égales par ailleurs, de la liberté bornée par la liberté d’autrui, et de l’abus de droit, et non de l’interdit d’émettre une opinion, d’avoir un discours non apologétique envers une doctrine quelconque, notamment l’islam. Ils plaquent, eux, leur compréhension de la liberté et exigent que nous appliquions cette conception : il s’agit bien là d’un colonialisme.

Alain Finkielkraut oublie un élément de la formation du concept confus d’ « islamophobie ».

La création du concept actuel d’islamophobie doit beaucoup (plus ?) au militantisme juif pour faire qualifier d’antisémitisme la critique du judaïsme. La confusion entre critique du judaisme et antisémitisme s’explique par les circonstances historiques, par le poids en pratique de l’anti-judaisme dans le développement de l’antisémitisme, par la paranoïa compréhensible des juifs après la guerre et leur volonté de « border », de verrouiller tout ce qui pourrait conduire au retour de la « bête ».  Mais cette confusion est injustifiable théoriquement. La rationalité des Lumières dont parle Alain Finkielkraut s’applique autant à la critique de telle religion qu’à telle autre, qu’à toute doctrine en général, quelle que soit la dose d’éléments métaphysiques qu’elle contienne.

Cette confusion fut une erreur magistrale des juifs qui prirent la parole pour l’instaurer et de tous ceux qui les ont approuvés ou laissé faire. Elle s’avère aujourd’hui en pratique être une arme terrible permettant le développement de l’antisémitisme, puisqu’elle interdit la critique de la principale idéologie antisémite actuel : l’islam des textes.

Elisseievna

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