Riposte Laïque devrait s’inspirer des Femen, et non pas les dénigrer

L’usage de la liberté d’expression effectué au sein de Riposte Laïque est un bien d’autant plus précieux qu’il n’est plus guère en usage dans les autres médias. Pour autant, les auteurs d’articles ne doivent pas perdre de vue que l’objectif premier de notre mission est d’interrompre le processus d’islamisation entrepris dans notre pays et y faire respecter l’esprit de la laïcité. Dans ce sens, nous devons réaliser, par-delà nos oppositions politiques et idéologiques, l’union de tous ceux qui souhaitent se dresser contre l’islam.

Il paraît pourtant difficile d’atteindre cette union en multipliant les sources de divisions en notre sein, par des débats sur des sujets qui ne sont qu’au mieux périphériques à notre combat. Nous avons pu lire ainsi, depuis quelques mois, différentes opinions exprimées sur la question israëlo-palestinienne, le choix du régionalisme ou du jacobinisme, ou le degré d’influence des juifs sur l’opinion publique, sous le biais par exemple des organisations antiracistes, etc…

Dans tous ces cas, les arguments ne sont pas restés feutrés et cela a fini par des empoignades musclées. Certes de nombreux lecteurs savent faire la part des choses, en y voyant des conséquences inhérentes à tout débat. D’autres surmontent la déception de constater ces tensions et de lire des conceptions qui les agacent, ne perdant pas de vue la primauté de la lutte contre l’islam envahissant.

Malheureusement, certains n’ont pas cette capacité à se rassembler avec des personnes n’ayant pas leur vision de la société et ils nous ont quittés. Sans compter ceux, qui venant les toutes premières fois sur notre site, sont désarçonnés et ne nous reliront pas. Nous perdons ainsi l’aide précieuse d’auxiliaires qui nous seraient bien utiles.

Les tribunes de ces deux dernières semaines, concernant le débat sur le mariage permis aux homosexuels, participent de ce risque de désunion. Nous avons tous, pour la plupart, un avis sur la question, mais est-il bien la fonction de notre journal d’en publier les différents argumentaires ?

Tout autant dommageable, dans une veine analogue, sont les attaques contre des organisations oeuvrant à dénoncer des aspects néfastes de l’islam. Ainsi, en marge d’ailleurs du débat sur l’extension du mariage aux homosexuels, sont parus la semaine passée dans RL deux articles dénonçant les Femen. Le dénigrement se poursuit encore avec un article dans l’édition hebdomadaire de ce lundi soir.

Pas moins de trois articles les chargeant ! Diantre, mettraient-elles la patrie en danger ? Voir en les Femen un mouvement venu casser la société française n’est pas réaliste. Si l’action qu’elles ont effectuée le dimanche 18 octobre s’inscrit dans le soutien au mariage des homosexuels, modifiant par cela la conception traditionnelle chrétienne du mariage, elle n’était pas, pour autant, orientée contre « les chrétiens » et donc contre les fondements culturels judéo-chrétiens de notre société, mais contre des chrétiens intégristes.

Effectivement l’institut Civitas, à l’origine de la manifestation du 18, ne cache pas son désir d’instaurer un Etat de droit divin : « L’Eglise, parce qu’elle sait que toute autorité vient de Dieu, réprouve le principe selon lequel l’autorité de l’Etat est illimitée […] S’il advient que les gouvernants prescrivent quelque chose contraire à la loi de Dieu, il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. » « Le but de la société humaine est la félicité temporelle subordonnée au bonheur éternel. » Tout cela est du même acabit que « le coran est notre constitution » des islamistes.

Les calotins de Civitas sont assez grands pour se défendre seuls. Il est difficilement compréhensible qu’au sein d’un journal laïque tel que Riposte Laïque, on puisse envisager de se porter, même indirectement, au secours d’un mouvement qui assimile les « lois de laïcité des XIXe et XXe siècles » à « une loi injuste, en contradiction ouverte avec le droit naturel et chrétien ».

Si on peut voir en eux d’éventuels auxiliaires pour entraver les desseins d’expansion islamique, il est hors de question à des militants de la laïcité d’y perdre leur âme. Il est en effet contre-productif de protester contre les intentions liberticides des responsables musulmans, qui sont dans l’attente de pouvoir rétablir le délit de blasphème, tout en affichant une indignation lorsque des intégristes chrétiens sont chahutés.

Intégristes de Civitas, qui rappelons-le, avaient montré, l’automne dernier, une aspiration analogue à celle des responsables musulmans, en souhaitant refuser toute atteinte au sacré, lors de manifestations sur la voie publique et à l’intérieur d’un théâtre ayant conduit à l’interruption d’une pièce de théâtre qu’ils jugeaient blasphématoire. On avait ainsi assisté à une opération rondement menée, attentatoire à la liberté d’expression. La justice en avait bien pris conscience, puisque 15 individus avaient été déférés pour « entrave à la liberté d’expression ».

On peut contester les méthodes agressives utilisées par les Femen qui ont effectivement joué la carte de la provocation en s’immisçant au sein des manifestants tout en les aspergeant du contenu d’extincteurs domestiques, attitude d’autant plus peu appropriée que se trouvaient parmi les manifestants des enfants en bas âge. Mais cela vaut-il la peine de les dénoncer avec une telle hargne ?

Certes, les Femen ne sont pas le symbole du meilleur goût, particulièrement lorsque sur une page de leur site, est affichée la photo d’une femme aux seins nus, exprimant une euphorie joyeuse, en brandissant d’une main une serpe ensanglantée qui a servi à couper une paire de couilles tenue dans l’autre main. Certes, la multiplication des « fuck » peints sur leurs torses et dos nus ne sont pas de la délicatesse la plus mûre.

Certes, Inna Shevchenko, au nom des Femen, a scié l’immense croix qui jouxtait la principale place de Kiev, montrant ainsi un mépris du patrimoine culturel, qui relève plus du talibanisme, de l’iconoclasme, ou des pillards de la révolution française, que d’un féminisme responsable. C’est d’ailleurs ce saccage qui l’a amené à quitter son pays immédiatement après. Certes, le financement du mouvement est sans doute dirigé en sous-main par des Américains, comme le fût d’ailleurs la révolution orange en Ukraine.

Pour autant, ces femmes courageuses méritent-elles d’être traitées de dégradantes, de dégénérées ou d’autres qualificatifs aussi péjoratifs ? Leurs actes, même déroutants ont bien une portée politique. Pourquoi aussi cette dénonciation, commune aux trois articles de RL, de leurs seins nus ? Etrange pudibonderie que l’on verrait plutôt associée à de stricts musulmans. Pudibonderie qui rappelle celle exprimée par Baubérot l’islamophile qui dit comprendre le désarroi des musulmans confrontés à l’exhibition dénudée exprimée dans nos publicités et nos plages de France.

Femen manifestant à Londres afin d’attirer l’attention sur le statut des athlètes féminines issues de pays musulmans

Faut-il rappeler que l’idée de liberté exprimée dans la société française est concomitante au libertinage des mœurs. Ninon de Lenclos, qui réunit en son salon tous les grands esprits du milieu du XVII° siècle, symbole de la femme cultivée et indépendante, précurseur de la femme libre et indépendante, a dédaigné sa vie durant toute respectabilité, préférant collectionner une ribambelle d’amants, se moquant de toute bienséance, marquant ainsi sa liberté de corps et d’esprit.

Qu’est devenu l’aspiration à la liberté de leur corps, que les féministes exprimaient entre autres par le rejet du soutien-gorge, suivies en cela par l’écrasante majorité des Françaises, qui sur les plages bronzaient les seins nus dans les années 70 et 80 ?

Non vraiment, les Femen ne méritent pas notre mépris. Existe-t-il tant d’opposants déclarés au grand jour à l’islam, qui osent dénoncer le machisme inhérent à l’islam ? Elles ont eu le courage de défiler seins nus dans le quartier de la Goutte d’Or, en septembre, avec des inscriptions telles que « muslim let’s get nake », « woman is not an object », « laïcité = liberté » « intégrisme, dégage », « notre dieu est une femme ». En réaction, le président du Comité islamique de Russie a menacé qu’ « elles se feront battre ou tuer tôt ou tard », « on les considère comme des animaux et non comme des êtres humains ».

Femen manifestant au Trocadero

Au Trocadéro en avril, elles avaient déjà été une dizaine, dos à la tour Eiffel, à arracher leur burqa pour s’exhiber seins nus, dévoilant, peints sur leurs corps, des slogans comme “Intégrisme dégage” ou “No charia”. Dans un autre registre, elles avaient aussi manifesté devant le domicile de DSK, déguisées en soubrettes, aux cris de « Voulez-vous coucher avec moi ce soir ». Pas une semaine sans qu’elles ne fassent une intervention.

Beaucoup de leurs interventions rentrent dans la logique exposée par une de ses dirigeantes : «l’un des principaux messages que nous essayons de faire passer à travers notre combat est que la religion, et donc l’Église, répand des valeurs misogynes. Je crois que là où commence la religion s’arrête le féminisme. »

Si au départ de leurs performances, beaucoup ne les prenaient pas au sérieux, il faut reconnaître qu’aujourd’hui leurs actions connaissent un retentissement. Leurs mises en scène histrionnantes ne laissent pas indifférents et sont relayées par les médias. Avec très peu de militantes, elles obtiennent la reconnaissance de leur message.

Quel intérêt de les dédaigner au risque de s’en faire des adversaires ? Ne choisissons pas entre la Cagoule, la synagogue et les Femen : travaillons dans le même sens contre les emprises islamiques, et lorsque nous ne partageons pas les mêmes stratégies, ne donnons pas du grain à moudre à nos adversaires en exposant avec véhémence nos différents, et faisons en sorte de ne pas nous diviser.

Concernant leur intervention du 18, l’attitude la plus sage et la plus politique était celle de Cyrano ou de Martine Chapouton, qui, évoquant cette journée, se sont bien gardés de qualifier l’attitude pourtant peu avisée, ce jour-là, des Femen, tout en leur reconnaissant leur label de féministes.

Plutôt que de les dénigrer, et sans totalement les copier, ne devrions-nous pas à Riposte Laïque s’inspirer quelque peu de leurs méthodes, afin de créer le buzz et de faire mieux connaître notre cause ?

Jean Pavée

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