Riposte Laïque est il en train de virer de bord ?

On ne peut s’empêcher de ressentir une drôle d’impression en lisant l’article d’Henri VAUMORET, non par ce qu’il laisse supposer dans le domaine du pire, mais par le ton qu’il emploie, tout en retenue et pourtant d’une lucidité prévisionnelle qui, contrairement à ce qui pourrait passer pour un délire paranoïaque, n’en révèle pas moins une vista d’analyse qui contraste avec les commentaires entendus ça et là sur toutes les chaînes d’information.
Si le mythe du complot, tel le souvenir d’une cinquième colonne, peut être motif d’interrogation,voire de perplexité, il n’est pas douteux que nous ne sommes pas suffisamment informés pour dire si la théorie d’Henri VOMAURET tient la route ou pas. En tout cas, c’est assez bien démontré pour que la fiction d’aujourd’hui ne devienne, hélas, la réalité de demain, mais cela, il est évident que seul l’avenir nous le dira. Je préférerai qu’il se trompe.
Sur ce plan là, R.L. pose clairement, au travers de ses « auteurs » (occasionnels ou réguliers), sa particularité si attachante, celle de se montrer ouvert aux avis, fussent-ils divergents, comme je le faisais remarquer en rendant hommage à Hubert SAGE. (A son sujet, il ne m’a guère convaincu quant à son article faisant l’apologie du sieur MELENCHON, car, toutes considérations politiques dites « de gauche » mises à part, ce dernier ne semble pas encore prêt à considérer que les mouvements islamistes en France constituent un véritable questionnement, et que les réponses qui sont données par M. Le PEN sont devenues un véritable problème. Une fois de plus, on est prêt à passer sur les détails pour se ranger vers ce qu’on pense être l’essentiel, en ignorant que ce sont souvent les petits cailloux dans la chaussure qui entravent la marche, bien davantage que les énormes rochers).
Nous assistons donc, doucement mais sûrement, à une évolution du site, sous couvert d’un assentiment marqué à l’aune du bon sens. Est-il en passe de se transformer en plateforme de lancement politique, tout en avouant le regretter, pour ce qu’il estimerait relever de la logique des apparentements souhaitables, ou inévitables ?
La démonstration se fait sur des plans qui ne souffrent pas de contradiction, car frappés au coin de ce fameux « bon sens », et j’ajouterai « populaire ». J’ose l’avouer, et qu’on y voit aucun mépris vis à vis du peuple, le terme « bon sens populaire » m’a toujours inquiété. Je n’en ai pour preuve que l’acte référendaire. Il faudrait être d’une malhonnêteté évidente pour accepter de considérer que la valeur républicaine d’ « Egalité » puisse signifier autre chose qu’une égalité devant la loi, et si les systèmes scolaires étaient bien faits, devant les chances qui justifiaient la méritocratie républicaine. A savoir que si demain un référendum sur la peine de mort était proposé, rien ne nous dit qu’il ne recueillerait pas un oui massif. L’acte référendaire, loin de résoudre les questions, apporte des accumulations d’avis sans attendus ni commentaires. Et de même, pour d’autres questions qui font appel au « bon sens populaire », c’est-à-dire à l’expression personnelle épidermique de la notion de choix, (cf : « c’est mon choix ») qui laisse à la porte le sens de l’intérêt général pour ne favoriser que les intérêts particuliers.
Aussi, pour en venir au principal de mon courrier, l’éditorial de CYRANO, qui ne pêche, ni par absence de logique, ni par manque de culture, m’a laissé sans voix.
Il faut posséder un sens de l’humour développé pour oser écrire au sujet de la candidate Marine le Pen: « Aujourd’hui, n’en déplaise au petit monde politico médiatique, c’est elle qui incarne Marianne, l’amour de la France, et de sa république laïque » (sic).Il aurait pu ajouter : « hélas… » ça m’aurait rassuré.
(Passons sur l’appréciation portée globalement au « petit monde politico médiatique », comme si le site de RL souhaitait se situer en dehors de celui-ci ?).
Intelligemment, CYRANO joue avec les prénoms : Marine devient Marianne, et le Front National (dont il est imaginable qu’il ne pourra longtemps renier ses enfants, sa famille, son passé, ses amis et affidés), s’inscrit comme le chantre de la laïcité ! Ce serait oublier un peu vite pour quel futur peuvent nous engager les convictions du F.N., même s’il donne à penser qu’il est le seul à ne pas utiliser la langue de bois, et qu’il s’est saisi opportunément du bâton boueux. Ils osent, et ils ont raison…ce sont les autres qui ne l’ont pas fait qui devraient le regretter. On ne balaie pas la poussière en l’envoyant sous les meubles.
Ce que j’aurais à reprocher à R.L. , c’est de me donner l’impression qu’à compter de ce constat, il a choisi son camp, et qu’il le fait au nom d’un principe dangereux qui consiste à affirmer que : « les ennemis de mes ennemis sont mes amis », ignorant – ou c’est du moins ce que je persiste à croire comme une erreur de sa part – qu’il sera l’objet d’un « baiser de la mort » le moment venu, remercié comme il se doit pour son rôle d’idiots utiles par un parti qui saura rapidement se débarrasser de tout ce qui pourra gêner ses réelles visées. La question qui embarrasse tout le monde est de pouvoir jauger l’indice de sincérité du F.N., et en particulier de son leader M.L.P. qui offre, y compris à ses détracteurs, une image séduisante de vérité, surtout en ce qui concerne toutes les questions qui inquiètent, au détriment de toutes les autres.
C’est à n’en pas douter, l’histoire qui jugera qui avait raison et qui se fourvoyait. L’histoire bégaie, nous devrions y penser dans ce cas d’espèce.
Ce qui est certain, c’est qu’on n’a jamais vu dans aucun pays du monde les idéaux d’extrême droite apporter un quelconque progrès social, ou autre chose qu’un régime autoritaire, xénophobe, replié sur lui-même, et incapable d’assurer aux populations la liberté à laquelle elles aspiraient. Et quant aux principes de la laïcité, si le F.N. les avaient défendu, ça se saurait.
Alors, lorsqu’un organe comme Riposte Laïque, enfant spirituel de Respublica, se met à se détourner ostensiblement des principes qu’on aurait imaginé aux antipodes de celles du F.N., laissera, je le crains, un grand nombre de ses sympathisants pantois et déçus, avec les conséquences d’adhésion qui se produiront inévitablement.
J’en fais partie, n’en déplaise à ceux qui m’apporteront, et je n’en doute pas, une contradiction solidement étayée.
Paul Ramon

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