Robert Hossein, l’homme qui respectait le public

En plus de ses calamités – amplifiées par un pouvoir discrétionnaire et non moins stupide à l’occasion –, l’année 2020 a particulièrement frappé le cinéma français : Maurice Barrier ; Claude Bolling (entre autres compositeur de la musique de Borsalino de Jacques Deray) ; Claude Brasseur ; Roger Carel ; Jean-Laurent Cochet ; Caroline Cellier ; Suzy Delair ; Olivia de Havilland (l’éternelle Melanie Hamilton était naturalisée française !) ; Michael Lonsdale ; Tonie Marshall ; Michel Piccoli…j’en oublie. Et enfin, le 31 décembre, une figure mythique à la fois du cinéma et du théâtre a rejoint ce triste cortège : Robert Hossein.

Évidemment, je me ferais étriper par ces dames si j’omettais de parler en tout premier lieu de Joffrey de Peyrac, l’un des plus fameux balafrés du cinéma. Joffrey et Angélique – interprétée par la voluptueuse Michèle Mercier – formeront en effet un couple romanesque à souhait comme la France en produit depuis des siècles. Ainsi, sous la direction de Bernard Borderie, de 1964 à 1968, les aventures d’Angélique s’étaleront sur cinq films : Angélique, Marquise des anges ; Merveilleuse Angélique ; Angélique et le Roy ; Indomptable Angélique ; Angélique et le Sultan – où il est notamment question des femmes-objets en islam, mais je m’écarte de mon sujet !

Cependant, réduire Robert Hossein aux courbes exquises d’Angélique serait lui faire injure. Car il fut un comédien et surtout un metteur en scène de premier ordre – au théâtre comme au cinéma – qui, à défaut de déglutir un égo bobo dans des démonstrations scéniques absconses, ennuyeuses et bien entendu subventionnées, proposait des spectacles populaires et non moins passionnants, impliquant souvent le public.


Je me souviens d’une de ses mises en scène, au Palais des Sports à Paris – Dans la nuit la liberté – où toute la salle était tétanisée par l’intrusion dans les gradins de soldats allemands tirant à la mitraillette. C’était ça, Robert Hossein : faire du théâtre un spectacle total, à la manière de Shakespeare jadis, au théâtre du Globe à Londres et dont on peut avoir une idée dans le film de Roland Emmerich : Anonymous.

Avec la complicité d’Alain Decaux, Robert Hossein offrira ainsi des moments de bravoure comme L’Affaire du courrier de Lyon ; La Liberté ou la mort ; Celui qui a dit non, jusqu’à Ben Hur au Stade de France. On lui devra aussi le spectacle musical Les Misérables, qui sera un succès outre-Atlantique. Il reviendra d’ailleurs au roman de Victor Hugo en l’adaptant au cinéma et en offrant à Lino Ventura la possibilité de camper l’un des plus convaincants Jean Valjean, rôle tenu autrefois par son ami Jean Gabin, dans le film de Jean-Paul Le Chanois.

Certes il y avait de la démesure dans ses mises en scène, mais cela valait toujours mieux que la mesquinerie idéologique d’un Jean-Michel Ribes accueillant volontiers l’ordure sur les planches, dont la pièce Golgota picnic fut un sommet de l’immondice.

Robert Hossein aura aussi puisé chez les grands auteurs : Dostoïevski, Gorki, Shakespeare, Rostand, Dumas, etc. Avec Dumas, il permettra à Jean-Paul Belmondo – jadis turbulent élève du Conservatoire, avec sa bande – de monter sur les planches avec panache dans la version de Kean adaptée par Jean-Paul Sartre. Découvreur de talents, Robert Hossein trouvera la perle rare au début des années 1970, à savoir Isabelle Adjani, qui a si justement déclaré à l’annonce de sa mort : « Voilà qu’il s’absente symboliquement le dernier jour de cette pathétique année 2020. Paix à son âme slave ! »

Le cinéma occupera aussi beaucoup sa vie, devant et derrière la caméra. Comme acteur, il sera dirigé par des pointures comme Yves Allégret, Julien Duvivier, Claude Lelouch, Édouard Molinaro, Roger Vadim, Henri Verneuil, etc.

Robert Hossein savait tout jouer et n’avait pas besoin d’en faire trop pour donner à une scène sa densité. Par exemple, dans Le Professionnel, de Georges Lautner, son duel avec Jean-Paul Belmondo demeure un des sommets du genre. Et que dire de son interprétation dans Les Uns et les Autres de Claude Lelouch !

Enfin, Robert Hossein, fils d’une mère juive et d’un père zoroastrien, avait la foi catholique chevillée au corps. On se souvient de sa pièce fervente Jésus était son nom. « Quand je vois des gens qui ne croient plus en Dieu, je leur dis : le problème n’est pas là. Il est plus important de savoir s’il croit en vous que de savoir si vous croyez en lui », disait-il. Je veux croire qu’il est là où il veut maintenant…

Charles Demassieux




 

image_pdfimage_print

27 Commentaires

  1. Superbe article !
    Vous avez raison de parler “d’Angélique et le Sultan” (j’ai lu tous les Angélique dont le dernier se passe au Canada), parce que cette série est compréhensible à plusieurs niveaux de lecture.
    Anne et Serge GOLON ont su parler de l’essentiel aussi bien que de la romance entre Angélique et Joffrey.
    Ils ont parlé du traitement des “incroyants” par les musulmans : fouettés, encagés, crucifiés, traités en esclaves, toujours à leur merci !

    Le regard profond de Robert HOSSEIN parlait pour lui.
    Il avait le charme incroyable du peuple slave qui est peut-être le fruit de tant de souffrances, du courage nécessaire pour combattre le froid intense, la faim, les guerres, encore pires que chez nous. Et surtout leur intelligence trop souvent frustrée par des politiques fous !

  2. bien sur pas un merdias n’as repris l’article de Vosges matin ou candice patou la femme de robert hossein engeul .. les journalistes pour avoir publier que hossein était mort de la covid alors que c’est faux !!

  3. Charles Merci pour cet hommage .
    Un grand Monsieur .
    Oui il est tellement beau dans le rôle de Joffrey de Peyrac ❤️ et dans tous ces autres rôles .
    Ces spectacles sont inoubliables.
    Chapeau bas à Robert Hossein pour sa carrière .

  4. Un grand acteur de parti actuellement c’est l’hecatombe des GRANDS ACTEURS ILS NE SERONT JAMAIS REMPLACES PAR LES NOUVEAUX

  5. Grandiose dans ses spectacles, d’une rare modestie dans le privé.
    Je le croisais souvent, seul, cabas à la main, au Marché. Inconnu dans ses pensées…
    Il faisait “Peuple”, mais le Glorifiait ! Adieu.

  6. J’aurais toujours en tête sa voix exceptionnelle nous contant l’histoire tragique de la Vendée lors de la cinéscénie du Puy du Fou.
    Ça m’a pris au tripes à chaque fois, merci Monsieur Robert.

  7. Merci Charles pour ce bel hommage à un grand Monsieur, il en reste peu, hélas. Certaines œuvres démesurées de l’Artiste contrastaient merveilleusement avec la discrétion et l’humilité de l’homme. Cet “inventaire” non exhaustif de son travail est magnifique.
    Très cordialement, avec tous nos vœux sincères. Philippe Decousset

  8. J’ai revu hier sur la 3 les miserables qu’il avait mis en scène avec Lino Ventura en Jean Valjean et Michel Bouquet en Javert excellent ,il va manquer ,grand acteur et grand metteur en scène.

  9. Magnifique comme d’habitude, vos commentaires sur tous ces grands acteurs me font pleurer c’est tellement vrai. Merci beaucoup.

  10. Homme magnifique dans tout les sens du terme. Je suis allez voir ” Jésus était son nom ” avec les apôtres qui se levaient l’un après l’autre, assis dans la salle permis les spectateurs pour rejoindre la scène, une mise en scène et une interprétation magnifique !

  11. Le problème c’est que le monde du cinéma était après les années 60 acquis à la gauche qui avait pris le pouvoir après 68.
    Delon était dans les années 80 un des seuls acteurs libéral encore à droite.
    Oui Robert était un excellent comédien mais ce n’était pas un patriote nationaliste revendiqué malheureusement.

    📯⚔️🇫🇷

  12. Juste vous dire que je faisais l’acteur/figurant en 1992 au Palais des Sports pour “Jésus était son nom”… Juste dire cela… On l’aimait cet homme. Vraiment. Combien de jeunes acteurs à l’époque, avait il pris et engagés pour avoir nos premiers cachets et quels cachets !! Fidèle il était. Merci à lui de m’avoir aidé à mes débuts.

  13. Après cette hécatombe funèbre heureusement qu’il nous reste encore Omar Sy l’étoile montante actuelle sans cela le cinéma français était foutu ; par contre je suis incapable de citer un metteur en scène actuel, vous savez les ceusses qui nous nous pondent des navets propagandistes que personne ne va voir…

  14. I’homme qui “respectait le public” peut etre…?
    Mais qui n avait pas la memoire du ventre…
    En tous les cas il ne respectait pas ceux l ayant aide au debut de sa carriere… ( voir du cote de michelle mercier qui avait tout fait pour qu il endosse le rôle de Joffrey de Peyrac dans “Angélique marquise des anges” qui a fait de lui une célèbrite dans les 60s )
    D ailleurs l’actrice ne mâchait pas ses mots a son propos “Il n’a jamais pensé qu’à lui. Je l’ai bouclée pendant plus de quarante ans. Ras le bol ! Je l’ai aidé à plusieurs reprises mais il n’a jamais renvoyé l’ascenseur. Pire, il a été un des premiers à m’enfoncer”, avait-elle déclaré !

    Pas beau…et pas aussi enthousiaste que vous sur le personnage

    • Apparemment il y a eu énormément de conflits dans le tournage de ce film. Difficile de démêler le vrai du faux dans toutes les accusations venues de tous les côtés et contre tout le monde.

    • Mais j’aurais aimé savoir : est-ce que ce n’est pas Robert Hossein qui avait monté un grand spectacle théâtral assez glauque dans lequel, à la fin, il faisait voter la vie ou la mort de Marie-Antoinette ?

      Si c’est bien lui, ce n’est pas vraiment à son honneur. Même au théâtre, entraîner les gens à vouloir la mort, en toute bonne conscience, d’un de leurs semblables, ce n’est pas joli-joli…

      (Je ne suis pas nostalgique de la monarchie comme certains dans les colonnes de RL, mais je crois en la noblesse ou en la bassesse de l’expression de certaines émotions, et je n’ai jamais aimé l’effet de foule et les gens qui en profitent pour exprimer ce qu’il y a de pire chez l’être humain.)

      • Bon, quoi qu’il en soit, paix à son âme, ne serait-ce que pour Joffrey de Peyrac.

      • Il est vrai que la République a montré, notamment à sa naissance, des vertus indépassables comme le génocide des Vendéens.

        • Alors est-ce que c’était lui ou pas qui avait monté ce spectacle ?

          Ca date un peu, je ne me souviens plus. En tout cas, République ou pas, j’avais trouvé ce truc assez ignoble, même en jeu.

        • Je ne l’ai pas vu moi-même, ce spectacle, c’est vraiment pas mon truc.

          Mais je connaissais quelqu’un qui l’avait vu, et qui m’avait dit fièrement “Ah moi, j’ai voté la mort !”

    • en tout cas moi, comme beaucoup avons la mémoire du grand comédien et metteur en scène

  15. Un homme de coeur et attachant nous quitte. Ils partent tous les uns après les autres comme les oiseaux migrateurs. Un page se tourne. En Ecclésiaste: Une génération s’en va, une autre vient, et la terre subsiste toujours….

Les commentaires sont fermés.