Robert Redeker : Dans 15 jours, ce sera le procès en appel de celui qui m'a menacé de mort…

Riposte Laïque : Peux-tu nous dire quelle est ta vie, aujourd’hui, depuis que le 19 septembre 2006, tu as publié un texte dans Le Figaro qui a bouleversé ton existence ?
Robert Redeker :
C’est une vie définitivement différente de la vie « normale » dans la mesure où pour beaucoup je suis devenu une sorte de symbole. Symbole de la liberté de penser pour les uns, et symbole de l’offense, du blasphème, de l’abjection, pour d’autres.
Voici ce qui s’est passé il n’y a pas très longtemps, fin octobre. C’était à Paris. Comme à chaque fois, toujours j’ai été pris en charge par deux fonctionnaires de la police (des ex-RG) dès mon arrivée à l’aéroport d’Orly. Ces gens ont très bien fait leur travail, m’accompagnant partout, Dans le local privé des éditions Panama, rue Bertholet, où je croyais être en parfaite sécurité je leur ai dit que je restais là et qu’ils pouvaient aller déjeuner s’ils le désiraient. Je suis resté seul dans ce local à l’heure du déjeuner, les employés, le patron, mon attaché de presse étant partis.

Vers 13h30 un coursier entre livrer un colis. C’est un jeune maghrébin. Il me reconnaît. “Vous êtes Monsieur Redeker, je vous reconnais…” Il me prend violemment à partie. Ca dure dix minutes. Peut-être quinze. Il m’accuse de ce qu’il tient pour le plus horrible des crimes. Il me dit “je ne vais pas vous tuer, mais si d’autres le font….” sous-entendant que je l’aurais bien cherché. Il s’emporte sur le génocide, prétextant que les Arabes aussi sont de s sémites, tonitruant qu’Hitler était chrétien, que le génocide est l’œuvre des chrétiens. Il tient des propos de type islamiste en me disant que la différence que je fais entre modérés, islamistes, fanatiques n’a aucun sens “on est musulman ou on ne l’est pas”. Il ne cesse de répéter qu’en critiquant Mahomet j’ai blessé tous les musulmans. Que Mahomet est pour les musulmans plus qu’un père. Que ce que j’ai fait est très grave. Etc… En colère il repart. Je téléphone à mes deux protecteurs des RG qui arrivent rapidement, précédés par Roger-Pol Droit venu à) mon secours. Les RG m’évacuent. Ils me ramènent illico sur Orly, ce n’était pas la peine de rester dans ce local.
Cet événement montre bien la nécessité d’une protection, et les dangers que je cours. Deux leçons sont à tirer, considérant que ce garçon est un musulman ordinaire. 1. Ma photo circule dans ces milieux, un climat de haine contre moi et 2. Les idées islamistes imprègnent nombre de musulmans de base.
Comment je vis ? La vie quotidienne est devenue plutôt compliquée. Avec prudence, toujours sous protection policière. Je n’ai pas d’adresse postale je vais chercher tous les jours le courrier dans une lointaine boîte postale. Peu de personnes savent où j’habite. Je laisse le moins de traces possible de mon domicile. Je ne dois pas avoir de liens sociaux avec mon entourage géographique. Je ne parle à personne dans le coin, où je suis invisible. Je vais faire mes courses loin. D’une certaine manière je vis en clandestin. Comment faire quand il faut éviter les salles d’attente des médecins, celles des laboratoires d’analyses biologiques (l’exemple cité plus haut montre pourquoi) ?
Riposte Laïque : Comment analyses-tu que tu aies été aussi peu soutenu par le milieu de l’Education nationale, et même parfois qualifié de « raciste » par certains milieux laïques ?
Robert Redeker :
Auprès de beaucoup de professeurs, dans de nombreuses salles des professeurs, je suis devenu l’homme à abattre. D’abord parce que les événements dont je suis l’objet font exploser leurs mythes douillets, leur angélisme confortable. Seul le SNALC s’est intéressé à mon sort. Hypocrite comme souvent, le SNES s’est contenté d’un communiqué tardif. Ensuite, l’explication par l’obscurantisme politique, qui s’est emparé de toute une partie de la gauche française, en particulier syndicale et associative (le MRAP, la LDH). On se souvient avec quelle obstination la gauche de notre pays a voulu nier pendant des années l’antisémitisme des banlieues. Frappée de cécité volontaire, elle a voulu fermer les yeux pour ne pas avoir à renoncer à ses illusions.
Dans notre pays, certaines associations et syndicats fonctionnent comme des boîtes à transformer l’obscurantisme religieux en obscurantisme politique. Il est vrai qu’en la matière, la gauche peut s’appuyer sur une solide tradition d’aveuglement devant le pire. La motivation de cet aveuglement est à chercher dans une haine de ce que nous, Occident, sommes, couplée avec un désir puéril et rassurant de croire que le Bien, si ce n’est le paradis, est ailleurs, chez l’autre. Moscou, Tirana, Pékin, etc…ont par le passé joué ce rôle dans l’obscurantisme politique à la française. De nos jours, l’islam joue le rôle de cet ailleurs, de cette différence magnifiée.
Implicitement, toutes les personnes qui m’ont attaqué à la suite de mon article (en disant que je l’ai bien cherché, que j’ai « chatouillé la fatwa », que j’ai « abusé de la liberté », etc…) sont favorables à la censure et à la peine de mort pour délit d’opinion. Ces gens-là pourtant se disent de gauche.
Riposte Laïque : Notre journal a publié les conditions dans lesquelles tu as littéralement lynché, à l’émission de télévision de Laurent Ruquier. Peux-tu nous décrire les conditions de cette émission, et ce que tu ressentais, à ce moment là ?
Robert Redeker :
Cette émission, que je ne connaissais pas, fut un piège. Le Tribunal de l’Inquisition se trouva réinventée par Ruquier pour tuer symboliquement celui qui avait tenu des propos irréligieux. Il faut bien comprendre ceci : alors que j’étais sous le coup d’une condamnation à mort, l’émission de Ruquier se plaça du côté des accusateurs, dressa sur le service public du pays de la laïcité le procès que les islamistes ne pouvait donner eux-mêmes. Vous vous rendez-compte, sur le service public ! Je croyais que c’était une émission culturelle, du style Apostrophes, je ne savais pas que c’était le rendez-vous des braillards avec même, tenez-vous bien, un « chauffeur de salle ». Des brailllards rigolards ! Seul Eric Zemmour s’est montré digne. Ruquier est apparu sous le sinistre visage du procureur chassant les malpensants, comme Torquemada jadis. Je fus donc exécuté symboliquement.
Ruquier devrait méditer cette belle phrase d’Alain : « « Penser, c’est dire non. (…) C’est par croire que les hommes sont esclaves. Réfléchir, c’est nier ce que l’on croit. Qui croit ne sait même plus ce qu’il croit. »
Après l’émission tous ces braillards bienpensants sont tranquillement repartis chez eux. Moi, je suis reparti entre deux policiers, raccompagné à mon hôtel dans une voiture de police.
Riposte Laïque : Lors du premier procès, l’accusé, qui t’a menacé de mort, Mustapha Dian, a été condamné à 6 mois de prison avec sursis, et 750 euros d’amende. Comparé à Fanny Truchelut, cela fait peu. Qu’as-tu ressenti à l’énoncé du verdict ?
Robert Redeker :
Ce premier verdict sonne comme un encouragement aux malfaiteurs. Un message implicite leur est délivré : vous ne risquez pas grand-chose. J’ai obtenu 150 euros de dommages et intérêts ! Même pas de quoi payer un avocat. C’est pourquoi lors de l’appel je ne serai vraisemblablement pas défendu, n’ayant pas les moyens de payer des frais de justice. Par ailleurs, pour les raisons que l’on devine je ne serai pas présent à l’audience. Dans cette affaire je suis pourtant la victime.
Riposte Laïque : Tu as fait appel de ce premier jugement, et le jugement en appel aura lieu le 19 janvier prochain. Qu’attends-tu de ce deuxième procès, et penses-tu qu’une condamnation plus lourde changera quelque chose dans ta vie ?
Robert Redeker :
Curieusement, c’est le condamné, Mustapha Dian, qui a fait appel. L’appel que mon avocat a envoyé est arrivé hors-délais. Les propos de M. Dian sont gravissimes: il parle au nom de tous les musulmans et il étend la menace de mort à toute ma famille. Il faut les citer ici : « “Tu osé insulté notre prophètes bien aimé (…) mais sache que tous les musulmans (…) sont tes ennemis pas juste les extrémistes
(…) alors maintenant coure toi ta femme et t enfants mais un jour crois moi tu va mourir “.
Je garde les fautes d’orthographe commises par M.Dian, une insulte à la langue française.
Riposte Laïque : Penses-tu que la société française ait pris davantage conscience, deux ans après la rédaction de ton article, de la gravité de l’offensive de l’islam, en France et dans le monde ?
Robert Redeker :
Toute cette affaire s’est déroulée dans un climat de capitulation. La société française est l’objet aujourd’hui d’une manipulation idéologique visant à faire passer l’islamophobie dans l’ordre des délits en l’alignant sur le racisme et l’antisémitisme. Le procès a lieu dans ce moment culturel où le chantage à l’islamophobie essaie de créer un nouveau délit en procédant à des amalgames abusifs et mal intentionnés avec l’antisémitisme et le racisme.
L’amalagame entre l’islamophobie et le racisme est destiné à se retourner contre toute critique de la religion, si importante dans la culture européenne depuis Bayle et Voltaire, si importante aussi dans l’élaboration de l’idée républicaine. Est-il « raciste » de refuser les exactions qui se pratiquent, de la Mauritanie jusqu’au Pakistan, au nom de l’Islam? De refuser la charia, les lapidations, les mutilations, l’esclavage (encore vivace dans des sociétés musulmanes), la criminalisation de l’homosexualité, les décapitations au sabre, la promotion de l’obscurantisme, le statut inférieur des femmes, l’exécution des homosexuels, la dhîmitude, le code de la famille en vigueur au Maghreb, etc. ?
Intéressons-nous à l’origine des mots. Antisémitisme a été forgé au XIXème siècle par Marr pour désigner une doctrine stigmatisant le peuple juif. Islamophobie a été forgé dans les années 1970 par le régime assassin de Khomeiny pour incriminer les esprits libres, dans un premier temps des femmes, hostiles sinon à l’islam du moins à la folie islamiste. Islamophobie est un mot d’origine totalitaire signifiant : partisan de la liberté de penser, de se vêtir, de se nourrir, etc… C’est un mot forgé pour opprimer. Ceux qui le reprennent naïvement devraient y réfléchir.
Quant à la reprise d’un mot forgé par des oppresseurs pour étouffer la liberté, dont la France se réclame, dans le droit français elle serait si monstrueuse qu’elle en est impensable. Il ne s’agit pas de nier cependant que des racistes peuvent instrumentaliser le refus de l’islam (tombes profanées, mosquée s saccagées, croyants attaqués etc.. ) ; ces gens-là, je les ai toujours combattus, et il existe des lois antiracistes qui s’appliquent à ces méfaits.
L’origine théototalitaire du concept d’islamophobie devrait rendre prudents ceux qui souhaitent l’instituer en délit. L’islamophobie – qu’on ne peut rapprocher du racisme et de l’antisémitisme, qui sont la haine d’un ou de plusieurs peuples, sans commettre de faute de logique – est un droit dans la mesure où l’islam est une construction idéologique au même titre que le communisme ou le libéralisme. Comme on peut être anticommuniste ou antilibéral (même si les altermondialistes antilibéraux professent souvent l’islamophilie) on peut être islamophobe.
L’islam est une construction intellectuelle totalisante englobant tous les aspects de l’existence, y compris la cité. Offrant une vision du monde, c
ette religion se présente comme une construction à travers laquelle le croyant interprète l’existence dans toutes ses dimensions, y compris politiques. Il s’agit également d’une construction normative, prescriptive, prétendant régir la vie individuelle et collective, ne manquant pas de renvoyer certaines parties de l’humanité, les femmes et les juifs par exemple, à un statut indigne. Aucun argument solide ne peut interdire d’être opposé à cette vision du monde et aux prétentions qu’elle formule concernant la vie de la cité, et de l’affirmer, par des paroles, des écrits, des caricatures.
Propos recueillis par Pierre Cassen

image_pdfimage_print