Sandrine Mazelier ouvre la chasse au vocabulaire de la France moisie

Madame Sandrine Mazelier représente les heureux contribuables de la 8è circonscription de Paris à l’Assemblée Nationale. Pour l’Histoire, elle restera celle qui, la première, se sera engouffrée dans la brèche ouverte en l’an 2013 par les araseurs d’une société française tirée d’un honteux sommeil bi-millénaire à grands coups de pied dans le cul.

C’est la Belle au Bois Dormant rectifiée théorie du genre. Ici, la princesse de mauvais poil secoue durement la marâtre avec qui elle a passé la nuit, tandis que le Prince modifié façon Abelard se tire du château par les douves où l’on espère qu’il se noiera.

Au fond, tout ça n’est qu’une question de sémantique. Exemple : la citoyenne Mazelier éprouve pour le mot « maternel » une aversion dont on cherchera, si on en a le temps, la cause. Comme l’enfant en bas âge est en ce moment en première ligne des durs combats menés pour son bien, son école devient un champ de bataille prioritaire.

La parlementaire dégaine vite. Haro sur le lieu devant lequel les parents abandonnent, le cœur serré, des petits en larmes, un matin de Septembre. De maternel, le voici destiné au statut d’« élémentaire ». C’est ce qui s’appelle en effet neutraliser le débat. Pandore ayant vu sa boîte ouverte, il faut maintenant aller plus loin, la déléguée du peuple Mazelier va devoir se retrousser les manches.

On est né quelque part, dit la chanson. À la Maternité répondrez-vous. Horreur ! Et pourquoi pas à la Paternité, dites donc! Vous cherchez la solution, il faut trouver quelque chose, et vite. Pas de panique, on est là pour vous aider. Pondoir, ça vous va ? Ou Centre Asexué d’enfantement ? Joli, non ? Tenez, pour faire plaisir à nos amis allemands, Lebensborn. C’est court, ça sonne bien, c’est très tendance GPA donc déjà prêt pour la méthode-à-Eugène. Vendu.

Amour maternel. Prenons garde, parquet glissant. « Attention particulière ciblée par l’un, l’autre ou les deux parents sur le produit de conception » me semble infiniment plus pertinent. Car en effet, rien pour le père et quand il y en aura deux, imagine-t-on le désarroi du couple, sa juste colère face à l’injustice ?

Quid enfin de l’essentiel ; de cet instinct tenu au fond secret des génitrices (serais-je déjà contaminé ?). Que fera-t-on de ce lien intime, viscéral, magique, jusqu’ici impossible à partager et que les « parents de sexe mâle pérenne » (les messieurs) vont désormais devoir établir avec le fœtus ? Eux dont le ventre ne s’anime que sous les effets de la bière, de la truffade et de la bavette-frites ? Auront-ils droit à des expérimentations financées par le 1% patronal : massages supra-vésicaux avec vibrations par sondes internes, séances de préparation à l’accouchement remboursées par la Sécu ? Je propose, pour « l’accompagnant biologique de la metteuse au monde » (porteuse ou non), l’administration d’une drogue spasmogène, histoire de mêler ses propres contractions à celles de la parturiente. Le progrès étant ce qu’il est, pourquoi l’arrêter ?

Et puis, si l’on va au fond des choses, pourquoi une mère du vinaigre, et pas un père ? Je suggère, pour mieux enfermer cette étrangeté flottante dans son bocal, le terme « avatar visqueux ». Masculin ! Damned, je suis fait aux pattes ! Impossible de m’en sortir. Chez Bayer, on se frotte les mains. La pilule Diane est bannie mais l’aspirine va connaître l’embellie, avec pour utilisateurs privilégiés les Immortels de l’Académie. Au boulot mes amis, la sieste du Jeudi a vécu, c’est la semaine de soixante heures qui vous attend.

Des pistes pour vous, immédiates. La plus évidente : supprimer d’emblée quelques broutilles. Il, elle, lui, le, la, ton, ta, poubelle ! Tout devient alors simple : « retirer truc vinaigre ». À table, « Passe sel parent mâle ». Père, mère, pas de problème, on remplace ça par « base » et « pilier ». « Base, je pense à toi tendrement », « Bonjour pilier, comment va, ce matin ? ». Papa, maman et les terrifiants papounet, moune, mounou, pap’s et autres gagateries stupides du « sentiment d’attirance de type incestueux auto-régulable » (amour) , « trans-générationnel » (filial), à la déchetterie ! Tolérés portes et fenêtres fermées à la rigueur, et gare à l’usage public. Ces petits mots vont rejoindre au rebut quelques gros que la crainte du procès m’empêche ici d’écrire. Requiescant in pace.

Attention aux mots-pièges. Il m’en vient un à l’esprit, synthétique : mère-patrie. Aïe, l’affaire se corse. Pourtant c’est d’une grande simplicité. Deux mamans, assez pour réjouir la famille LGTB. Oui mais, Patrie, ça vient de Pater en latin, d’où patriarche (à l’incinérateur, fissa !), patriarcal (beurk !) patrimoine (allo, le Qatar ?), paternalisme (gardes, emmenez ces gens !), patronyme (en joue, feu !). Mère-patrie, la formule idéale pour nos nettoyeurs. Mais par avance suspecte à leurs yeux, à double titre et pour les raisons que l’on connaît : La mère, c’est restrictif, la patrie, c’est quoi au juste ? Aucune chance de voir ça en page de garde des futurs dictionnaires. Dommage.

Etc, etc. Si j’étais éditeur, je relancerais massivement, afin de le mettre au goût du jour par le saccage festif, le Littré rebaptisé Semex (Semantic Exterminator) avec préface de Madame Mazière (vous avez dit Madame, reculez de trois cases), dès lors infiniment plus ludique que le trivial poursuit, le cluedo ou le scrabble. Ah, les chouettes « interruptions programmées du contrat social » (vacances) en perspective !

À l’heure qu’il est, le rire (propre de l’Homme, là aussi, il faut trouver quelque chose, ça urge) demeure notre seule défense contre l’idéologie galopante. Alors, rebondissons gaiment sur l’aphorisme très actuel d’Audiard. Certes, les cons osent tout et c’est à ça qu’on les reconnaît, notamment ces temps-ci. Constatons quant à nous, puisque l’évolution par le genre aléatoire passe de la théorie à la pratique à la vitesse du TGV, que si chacun a sa chance de ne pas naître con, beaucoup s’ingénient à le devenir.

Alain Dubos

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