Si les péages vont coûter plus cher, c’est la faute à Le Maire

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Le ministre de l’Économie et des Finances est un sacré filou. Il a étouffé un rapport de l’Inspection générale des finances qui dénonçait les superprofits des concessionnaires d’autoroutes et préconisait de baisser les péages de… 60 % sur les deux tiers du réseau.

Or non seulement Bruno Le Maire a fait fi de ce rapport de février 2021 qu’il avait lui-même commandé à ses experts, mais le tarif des péages va augmenter de 4,75 % à compter du 1er février. En cette période de forte baisse du pouvoir d’achat, d’augmentation des carburants et du coût de l’électricité, la diffusion par le « Canard enchaîné » du 25 janvier des conclusions de ce dossier explosif ne peut qu’ajouter à l’exaspération des Français.

Les spécialistes de l’IGF qui ont décortiqué les comptes des sociétés  gestionnaires des autoroutes alertent sur « la rentabilité très supérieure à l’attendu » des deux plus gros réseaux autoroutiers « ce qui va contre le principe de rémunération raisonnable » soulignent-ils. Une rémunération qui atteindrait les 12 %, soit un taux bien supérieur au 7,6 % prévu par l’État lors de la privatisation des autoroutes en 2006. Ils préconisent une baisse drastique des tarifs des péages de plus de 50 % dès 2022. Une mesure qui n’est visiblement pas à l’ordre du jour du gouvernement.

Pour bien comprendre ce dossier, il faut revenir au point de départ. L’État qui est un piètre gestionnaire a décidé de confier la gestion des autoroutes à des sociétés concessionnaires pour une durée de 25 à 30 ans. Cette privatisation lancée sous le gouvernement de Lionel Jospin en 1997 et qui sera réalisée par le gouvernement de Dominique de Villepin en 2006 avait pour but de réduire la dette de l’État et de renforcer l’agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Très contestée au sein même du gouvernement l’opération avait rapporté 14,8 milliards d’euros à l’État qui s’est trouvé aussi déchargé des 16,8 milliards d’euros de dette des sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Rentes autoroutières

Le rapport de l’IGF corrobore celui réalisé en septembre 2020 par une commission d’enquête du Sénat « sur le contrôle, la régulation et l’évolution des concessions autoroutiers ». Les sages du palais du Luxembourg soulignent que depuis la privatisation de 2006 les sociétés d’autoroutes sont titulaires de concessions dont la durée a été prolongée à plusieurs reprises sans mise en concurrence avec des échéances qui arriveront entre 2031 et 2036. C’est beaucoup trop long pour les sénateurs qui proposent de limiter à 15 ans la durée des futures concessions avec des clauses de revoyure tous les cinq ans afin de prévenir la réapparition de rentes autoroutières. Car les sénateurs ont aussi constaté que les sociétés concessionnaires réalisaient des bénéfices colossaux. « On chiffre la rentabilité à plus de 30 milliards d’euros d’ici la fin des contrats » souligne le sénateur Vincent Delahaye, rapporteur de la commission d’enquête qui estime qu’il faut « aller négocier avec les sociétés concessionnaires ». Entre autres propositions le rapport sénatorial propose des réductions tarifaires pour les véhicules les moins polluants ainsi que la prise en compte des trajets du quotidien.

L’autorité de régulation des transports (ART) n’a pas voulu être en reste. Le gendarme des autoroutes a rendu public le 26 janvier son rapport sur l’économie des concessions autoroutières. Anticipant l’expiration des contrats actuels il préconise de raccourcir la durée des contrats, une mise en concurrence plus régulière et d’encadrer « plus strictement » les renégociations. En termes sobres le rapport relève la « rentabilité solide » des sociétés d’autoroutes et appelle à rééquilibrer le rapport de force entre l’État et ces sociétés.

Mises en cause graves

En fait tous sont unanimes : la balance penche trop en faveur des sociétés gestionnaires qui avec la privatisation des autoroutes ont réalisé des superprofits. Il n’est pas sans intérêt de rappeler que le directeur de cabinet du Premier ministre Dominique de Villepin n’était autre que Bruno Le Maire. C’est lui qui avait en charge la négociation avec les sociétés autoroutières. Devenu ministre de l’Économie et des Finances de Macron, il ne veut pas entendre parler de superprofits. « Un superprofit je ne sais pas ce que c’est ! » a-t-il déclaré le 30 août dernier à l’université d’été du Medef. Quant à taxer les super dividendes il estime que « c’est profondément injuste ». Avec un pareil avocat les sociétés d’autoroute n’ont aucun souci à se faire.

Les auteurs du rapport de l’IGF s’étonnaient que l’État ne soit pas plus prompt à se saisir du dossier : « Ce manque d’implication a de quoi surprendre alors que les concessions autoroutières touchent environ 11 milliards par an de péages » s’étonnaient-ils dans leur rapport. Des mises en cause graves venant de ses services qui le mettent directement en cause. On comprend mieux pourquoi Bruno Le Maire garde sous scellés ce rapport réclamé à corps et à cris par les oppositions. « L’augmentation du tarif s’apparente à du racket alors que les bénéfices explosent (3,9 milliards d’euros) fulmine Nicolas Dupont-Aignan. Je propose de nationaliser les autoroutes et de supprimer les péages ». Pour Marine Le Pen « les superprofits doivent être taxés pour pouvoir financer les mesures de soutien au pouvoir d’achat des Français ». Elle dénonce « la passivité complice de Bruno Le Maire ». L’ambitieux ministre de l’Économie et des Finances voudrait-il couvrir l’ancien directeur de cabinet de Villepin ? Quels accords secrets a-t-il passés avec les sociétés concessionnaires ? Les Français ont le droit de savoir.

Alain MARSAUGUY