Procès du CCIF contre Christine : prison et lourde amende demandées !
Ce 9 mars 2021 se tenait l’audience du procès en appel de Christine Tasin, condamnée en première instance par la Dixième chambre correctionnelle de Paris, à quatre mois de prison avec sursis pour apologie du terrorisme. Une ébauche d’article à propos de l’attentat qui a visé la mosquée de Finsbury Park, le 18 juin 2017, avait été publiée par erreur sur le site de Résistance Républicaine, dont Christine Tasin est directrice de publication. L’article qui tentait de comprendre ce qui avait pu motiver Darren Ostborne, auteur de l’attentat, avait alors déclenché un signalement de la part du Collectif contre l’islamophobie en France (le CCIF), qui devait aboutir à une condamnation pour apologie du terrorisme pour Christine Tasin.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Attaque_de_la_mosqu%C3%A9e_de_Finsbury_Park_%C3%A0_Londres
https://ripostelaique.com/prison-avec-sursis-pour-christine-tasin-dernier-avertissement.html
Rappelons que « l’apologie du terrorisme », sanctionne « toute action de communication publique présentant sous un jour favorable des actes terroristes, ou ceux qui les ont commis ». Une infraction fourre-tout qui fut utilisée contre Thomas Joly, pour avoir diffusé sur son blog des images de la décapitation par Daesh à Raqqa du journaliste James Foley, mais aussi contre Renaud Camus, pour avoir déclaré « qu’entre la soumission et la guerre, il préférait la guerre ».
Fait rarissime pour les habitués des prétoires, l’audience commence avant 14h. Souvent il faut se farcir des audiences de demandes de remise de peine, par des inculpés accompagnés par des gardiens de prison. L’ambiance était plutôt froide. Pendant plus d’une heure, la présidente de la Cour d’appel, cheveux courts, petites lunettes, cuisine Christine inlassablement. Elle lit d’une voix fluette et monocorde à vous endormir, les passages de l‘article incriminé. Le port du masque n’arrange pas les choses car sur les bancs réservés au public, impossible d’entendre quoi que ce soit !
Le tribunal cherche à savoir pourquoi Mme Tasin fait appel, comme si la condamnation de première instance allait de soi. Puis arrivent une série de questions sur le fonctionnement du site Résistance Républicaine, sur les modalités de mises en ligne, et enfin les questions sur différents passages de l’article : les phrases utilisées, la référence à la Reconquista, à Charles Martel, à l’appel du 18 juin et j’en passe ! Christine a beau tenter d’expliquer qu’essayer de comprendre pourquoi on peut en venir à commettre des actes de terrorisme et les approuver n’est pas la même chose. Mais, rien n’y fait !
Puis les avocats du CCIF se succèdent à la barre : d’abord Maître Asma Ek Kidri qui tente de démontrer que l’article n’était pas un brouillon mais au contraire un document parfaitement abouti, avec des liens et des hashtags. Puis elle s’en prend au site Résistance Républicaine, qui passe son temps à inciter à la haine des musulmans, son « fonds de commerce » avéré, nous dit-elle. Faut-il lui rappeler que l’incitation à la haine et l’apologie du terrorisme ne sont pas les mêmes infractions ? Elle explique encore que toute la stratégie de Mme Tasin consiste à tenter d’éviter la condamnation et qu’il n’y a aucune raison de croire en la thèse d’une seconde partie d’article, qui aurait dû voir le jour et qui n’a jamais été publiée. Pour elle, en présentant une attaque terroriste contre des musulmans, sous un jour favorable, Mme Tasin a bien fait preuve d’apologie du terrorisme. Enfin elle présente l’inculpée comme une star des prétoires, s’exprimant avec une assurance frôlant l’irrespect envers l’institution judiciaire. Et de citer un extrait d’un discours tenu devant le tribunal de Belfort, dans lequel Mme Tasin ne cachait pas son opinion sur le parti pris de certains juges face à l’islamisation du pays.
Puis, comme un intermède, on a droit à une remontrance inattendue envers Pierre Cassen, qui se trouvait dans la salle, de la part de la présidente du tribunal : son masque ne cachait pas son nez ! Un tribunal covidiste, il ne manquait plus que cela !
Vient ensuite à la barre, Maître Ouadi Elhammamouchi qui reprend l’idée selon laquelle l’article incriminé, constituait une glorification de l’auteur de l’attentat et que l‘infraction était donc bien constituée. Il demande de confirmer la peine de première instance.
L’avocat général a la parole : un homme aux cheveux grisonnants, bon chic bon genre, qui cherche à en imposer. Etait-il dans son rôle, celui de donner au tribunal un éclairage juridique sur l’affaire ? On avait plutôt le sentiment d’une plaidoirie supplémentaire à l’encontre de Mme Tasin. Il se lance dans une leçon sur une « bonne gestion informatique » du site internet, qui aurait évité la validation par erreur d’un article en cours de rédaction. Puis il explique que l’article incite le lecteur à porter un regard favorable sur l’acte criminel de Darren Ostborne. L’élément matériel est donc constitué et l’élément intentionnel ne fait pas de doute ! Quant à la liberté d’expression, elle ne permet pas, nous dit-il, de dire tout et n’importe quoi et rappelle à ce sujet les textes en vigueur : la constitution, la Convention européenne des droits de l’homme qui accepte une limitation à la liberté d’expression lorsqu’elle est proportionnée.
Pour la peine requise, il tourne autour du pot pendant de longues minutes pour finalement expliquer que la sanction ne suffisait pas et qu’il fallait aussi faire de la prévention, afin d’empêcher Mme Tasin de continuer à nuire. Alors lui vient l’idée « géniale » et assumée de toucher au porte-monnaie puisqu’il s’est aperçu que le site appelait à des dons en ligne ! Il crache enfin le morceau : 4 mois de prison « probatoires », 6000 euros d’amende, soit dit-il l’équivalent de mois de retraite pour Mme Tasin, et pourquoi pas des travaux d’intérêt général !
Maître Frédéric Pichon, conseil de Christine Tasin, commence alors sa plaidoirie. Il fait un subtil parallèle avec le travail de l’avocat, qui tente toujours de « comprendre » les motivations des personnes qu’il défend, et même lorsqu’il s’agit de violeurs. Ce qui ne veut pas pour autant dire qu’un avocat cautionne ou approuve les agissements de ses clients. Il mentionne aussi tous ceux qui ont cru “comprendre” des organismes terroristes comme le FLN (et l’on sait qu’ils ont été nombreux parmi les intellectuels français), ou l’OAS ou encore Mohamed Merah. Et pourtant, rares sont ceux qui ont été inquiétés par la justice. Quand Mme Tasin tente de comprendre comment on peut en arriver à s’attaquer à des symboles musulmans, cela ne veut pas pour autant dire qu’on approuve les actes terroristes.
Enfin, il termine sur le problème de la capacité du CCIF à ester en justice, dans la mesure où cette organisation s’est auto-dissoute, avant de faire l’objet d’un décret de dissolution en Conseil des Ministres. Il rappelle que le Conseil d’Etat a jugé que ce collectif avait largement instrumentalisé la notion d’islamophobie.
Et au final, Mme Tasin prend la parole et rappelle son itinéraire militant, qui s’inscrit dit-elle dans la tradition d’une gauche républicaine et féministe. Elle cite, avec un grand courage, une déclaration d’Emmanuel Macron dans laquelle, celui qui nous sert de président, tentait aussi de « comprendre » les actes terroriste du 13 novembre 2015. Ainsi, Il déclarait, place de la République, bougie à la main : « Le terreau sur lequel les terroristes ont réussi à nourrir la violence, à détourner quelques individus, c’est celui de la défiance. Nous avons une part de responsabilité, parce que ce totalitarisme se nourrit de la défiance que nous avons laissée s’installer dans la société. Il se nourrit de cette lèpre insidieuse qui divise les esprits, et si demain nous n’y prenons pas garde, il les divisera plus encore ».
Credit France3Regions
Une citation qui n’a pas été du goût de la présidente de la Cour d’appel qui a été jusqu’à interrompre Mme Tasin et à lui demander de ne pas lire de citation lors de son temps de parole.
L’arrêt de la cour d’appel sera connu le 6 avril 2021.
Hector Poupon