Tribune des généraux : l’assaut du para Richard Kalka contre Lecointre

Richard Kalka, l’officier aumônier des parachutistes le plus gradé, fustige le comportement du général Lecointre en ces termes “Tu devras un jour en répondre devant Dieu”

“Tu devras un jour en répondre devant Dieu” écrit Richard Kalka, l’officier aumônier des parachutistes le plus capé, au général Lecointre. C’est la première fois que cet aumônier des parachutistes de 1985 à 2015, figure emblématique des troupes aéroportées, sort de sa réserve pour admonester le chef d’état-major des armées.

Depuis la publication de la “tribune des généraux”, cosignée par des milliers d’officiers, la hiérarchie catholique est restée sur sa réserve et a même fait preuve d’un silence qui interrogeait. La situation vient de changer ce 8 mai 2021 puisque le plus emblématique représentant de l’Église au sein des armées sort du silence et signe une tribune ouverte dans l’hebdomadaire “Valeurs Actuelles”. Et quelle tribune ! Puisque l’officier aumônier “dézingue” le général Lecointre, chef d’état-major des armées.

Du côté d’Emmanuel Macron ou de Florence Parly, personne ne s’attendait à ce “baptême du feu” du plus prestigieux aumônier de l’armée française. Commandeur de l’ordre national du Mérite, le père Richard Kalka, aumônier du 1er régiment de chasseurs parachutistes, est polonais d’origine. Il a été marqué dans son adolescence par le joug soviétique. À l’âge de 16 ans, saisi par la foi, il trouvera son chemin. Après son bac, ce sera le séminaire et l’ordination en 1975. En 1978, il arrive en France pour continuer ses études. Ne parlant que quelques mots de français, Richard Kalka travaille la langue de Molière pour, par la suite, intégrer la Sorbonne et ressortir quelques années plus tard avec un doctorat en philosophie.

Il devient aumônier militaire en 1985 et est amené à accompagner et soutenir par sa présence pendant près de trente ans les soldats, plus particulièrement les parachutistes et les légionnaires, aux quatre coins du monde : au Tchad, au Cambodge, dans le Golfe, au Rwanda, à Sarajevo, au Kosovo, en République centrafricaine, au Burundi, au Gabon ou encore en Afghanistan.

Son engagement lui a valu d’être titulaire de nombreuses décorations parmi lesquelles le grade de chevalier de la Légion d’honneur, la Croix de guerre des théâtres d’opérations extérieurs avec une citation, la Croix de la valeur militaire avec une citation. Ce père hors normes qui aime dire « je ne crois pas en Dieu, je vis avec » a également publié deux livres : « Dieu désarmé, journal d’un curé de campagne » et « Père Jego, un prêtre, un para, une légende ».

http://laplumeetlepee.hautetfort.com/archive/2013/03/26/dieu-desarme-pere-richard-kalka-aumonier-militaire-ed-littl.html

Voici l’intégralité du message adressé par Richard Kalka au général Lecointre :

“Au chef d’état-major des armées,

Mon Général, nous nous sommes croisés la dernière fois en juin 2019, au colloque consacré au 25ème anniversaire de l’opération Turquoise. Je ne suis pas très connu dans l’armée française, mais l’armée de terre me connaît, surtout les parachutistes. La plupart des soldats savent qui je suis : celui qui, depuis 1985, les a accompagnés sur tous les théâtres d’opération. Je dis bien « tous », jusqu’à l’Afghanistan, la dernière mission de mon parcours. J’ai toujours répondu « présent » pour être en tant que prêtre, ami et frère d’armes dans n’importe quelles conditions à côté de ceux qui avaient besoin de moi. Dans « la boue, la sueur et la bagarre », comme ils disaient. Et ils étaient nombreux, très nombreux. Il suffit de leur poser la question ; encore faut-il pouvoir le faire, car pour les questionner il faut être près d’eux, à leur côté. Ce qui n’est plus ton cas depuis fort longtemps, même si tu peux t’encenser d’un fait d’armes à Sarajevo, grâce au courage des soldats-marsouins de ta section.

Comme tu sais, mais tu préfères l’ignorer, nous étions deux ou trois fois sur les mêmes théâtres d’opération. Aujourd’hui, nous sommes aussi ensemble au combat, mais ce combat est d’une autre nature. Tout chef, lorsqu’il doit prendre des décisions importantes, est seul. J’ai connu, à plusieurs reprises, cette solitude des chefs. Dans certains cas, ils m’ont demandé de prier pour eux. Comme aujourd’hui, je prie pour toi. Mais il y a deux catégories de chef et deux sortes de solitude. Le premier est pendu au câble du téléphone et attend les directives venant d’en haut. Quelles que soient ces directives, il les accepte sans broncher, car il ne pense qu’à son avancement. Le second se met devant Dieu et sa conscience, et décide. Oui, je sais, ce n’est pas évident de prendre ce genre de décision, c’est même très dur d’assumer ainsi cette volonté qui pourrait être, et en général, elle est celle du Ciel. Elle vient toujours du Ciel, d’ailleurs, dès qu’il est question de vérité, de courage et d’honneur.

En voulant aujourd’hui punir et sanctionner les soldats – je les appelle « soldats », quel que soit leur grade parce qu’ils ont eu le courage d’aller au feu – tu revêts l’uniforme du premier, celui qui ne pense qu’à lui et son avancement. Es-tu fier ? Quel avancement, puisque tu es au sommet de la carrière militaire ! Je te plains sincèrement. Tu devras un jour en répondre devant Dieu, si tu es croyant. En attendant, tu pourras t’enorgueillir d’avoir cassé tes anciens qui n’avaient pour bouclier, face au pouvoir politique indigne, que leur honneur mué en un cri d’alarme. Et surtout tu pourras te complimenter d’avoir puni sous les feux de la rampe des soldats plus jeunes parce qu’ils avaient osé s’associer à ce cri de désespoir, à la vérité qu’il traduit. Tu pourras te vanter d’avoir en même temps jeté l’opprobre sur les Anciens et sanctionné des Jeunes, à cause de leur courage.”.

Tout est dit dans cette lettre ouverte, écrite au nom de Dieu, et qui fait entrer l’Église catholique dans le débat, malgré la frilosité et le silence coupable des évêques.

Francis GRUZELLE
Carte de Presse 55411